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La légitimité d'enfermer des patients souffrant de troubles psychiques

Dissertation : La légitimité d'enfermer des patients souffrant de troubles psychiques. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  4 Mai 2020  •  Dissertation  •  4 506 Mots (19 Pages)  •  423 Vues

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MASTER 2 - DROIT DE LA GESTION DES ETABLISSEMENTS DE SANTE

UNIVERSITE PARIS 8 – Année 2019-2020

DEVOIR DE DEONTOLOGIE

Sujet : La légitimité d’isoler les personnes souffrant d’un trouble psychique en raison de leur dangerosité potentielle.

INTRODUCTION

Le 22 octobre 2019, la Cour de cassation a confirmé le jugement de la Cour d’appel de Grenoble de mai 2018 condamnant à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire le psychiatre dont l’un des patients avait commis un meurtre après s’être échappé de l’hôpital psychiatrique où il était hospitalisé sous contrainte[1].

Ce meurtre avait été très médiatisé et avait conduit le Président de la République à réclamer une réforme de la psychiatrie. Ainsi, la loi du 5 juillet 2011[2] apportera des modifications majeures au régime des hospitalisations sans consentement[3].

La décision de la Cour de cassation confirme quant à elle la possibilité d’engager la responsabilité pénale d’un médecin suite aux agissements d’un patient dont il a la charge. Cet arrêt affirme ainsi la nécessité de prendre en considération la dangerosité d’un patient et la sécurité des personnes dans les prises de décision inhérentes aux soins et touchant plus particulièrement aux libertés des patients hospitalisés sans consentement.

Cependant, parce que cette décision risque de bouleverser la pratique médicale par crainte des poursuites judiciaires, il convient de réfléchir aux répercussions qu’elle peut avoir sur le respect des droits fondamentaux des personnes et plus particulièrement sur la légitimité d’isoler les personnes souffrant d’un trouble psychique[4] en raison de leur dangerosité potentielle.

Le trouble mental est défini par le DSM-5 comme étant « un syndrome caractérisé par des perturbations cliniquement significatives dans la cognition, la régulation des émotions, ou le comportement d'une personne qui reflètent un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques, ou développementaux sous-jacents au fonctionnement mental »[5]. Nous nous bornerons ici à envisager le cas des troubles mentaux entrainant une abolition du discernement. Le discernement étant la « capacité à apprécier avec justesse et clairvoyance une situation, des faits »[6]. Son abolition s’entend comme sa suppression totale, rendant la personne incapable de comprendre ses actes.

La dangerosité est le « caractère de ce qui est dangereux »[7]. Elle s’applique ici à une personne. Le qualificatif de « potentiel » est ici important car il signifie qu’il n’y a aucune certitude sur la réalité future d’un passage à l’acte ou de la réitération de ce dernier. Nous envisagerons donc la situation des personnes jugés comme irresponsables pour cause de trouble mental mais également les personnes hospitalisées sous contrainte sans qu’elles aient commis d’actes répréhensibles par la loi.

Isoler signifie « séparer du reste »[8], il s’entend ici comme la séparation du malade mental d’avec le reste de la société civile. Enfin la légitimité est le caractère de ce qui est « justifié » mais également « conforme à la loi »[9].

Cette réflexion pratique mais également éthique et déontologique impose de considérer ce problème sous un angle pluridisciplinaire. En effet elle est à la croisée des chemins de plusieurs disciplines des sciences humaines. Problème de droit d’abord puisqu’elle demande de concilier respect des droits fondamentaux des personnes et respect de l’ordre public. Problème clinique ensuite puisqu’elle questionne la façon de soigner une personne souffrant de troubles psychiatriques graves parfois malgré lui. Problème éthique et déontologique enfin car elle interroge les limites des pouvoirs judiciaires, administratifs et médicaux : jusqu’où peut-on contraindre une personne ? ; Peut-on restreindre les libertés d’un patient parce qu’il est présumé dangereux ? ; Quel rôle à l’isolement ? Enfin, quel doit-être le rôle du médecin ?

La question est de savoir ici si  la dangerosité potentielle du « malade mental »  légitime son isolement de la société ?

Pour répondre à cette question, il convient dans un premier temps de s’interroger sur la fonction de l’isolement des malades mentaux considérés comme dangereux (I) pour ensuite questionner la légitimité d’un tel isolement en s’appuyant sur la conciliation de plusieurs principes à valeur constitutionnelle (II).

  1. La fonction de l’isolement du malade mental considéré comme dangereux.

L’évolution des courants de pensée et l’importance croissante accordée aux droits de l’Homme ont permis de faire évoluer  le rôle dédié à l’hôpital psychiatrique par la modification du droit (B), cependant il reste dicté par l’utilité (la commande) sociale de l’isolement des malades mentaux (A).

  1. L’utilité sociale de l’isolement du malade mental.

Le besoin d’isoler le malade mental doit en premier lieu être appréhendé à la lumière des représentations sociales accompagnant la figure du « fou », liée au sentiment de peur (1) puis une réflexion doit être menée sur l’utilité d’une sanction concernant les irresponsables pénaux (2).

  1. La représentation sociale du malade mental liée au sentiment de peur.

Denise Jodelet définit la représentation sociale comme «une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social[10]

La condition du malade mental et la volonté de l’isoler de la société sont depuis longtemps corrélés à la peur suscités par les troubles psychiques.  Cependant, celle-ci évolue en fonction des préoccupations du moment.

A l’Antiquité, la folie était perçue tantôt comme un châtiment des Dieux destiné à punir la démesure de l’Homme[11], tantôt comme un déséquilibre du corps[12]. Cependant, celle-ci était considérée comme réversible et n’était pas encore associée à la peur de l’autre[13].

C’est à partir de Moyen-âge que la peur suscitée par la maladie mentale va stigmatiser les personnes atteintes. A cette époque, les malades mentaux seront divisés en deux catégories. On dissociera la figure du « simple d’esprit », considéré comme innocent, qui sera pris en charge par l’assistance et la charité[14], de celle du « fou », possédé par le démon, sujet de peurs extrêmes, qui aura vocation à finir sur le bûcher[15].

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