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L’ organisation à la japonaise: ses sources de succès et sa transférabilité à l’extérieur du Japon

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Par   •  20 Janvier 2016  •  Étude de cas  •  8 259 Mots (34 Pages)  •  1 006 Vues

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L’organisation à la japonaise: ses sources de succès et sa transférabilité à l’extérieur du Japon

David Rolland, assistant de recherche, Télé-université

Aux sources du succès japonais (introduction)

La politique industrielle de l’État au Japon est souvent perçue comme étant à l’origine du succès de l’économie japonaise, mais pour  nombre auteurs, le succès du Japon réside dans l’organisation des entreprises, et plus particulièrement dans leur mode de gestion de la production et des ressources humaines. Mais dans quel contexte ce succès est-il apparu?

Il faut reconnaître que depuis le milieu des années 70, les marchés traditionnels pour des produits de masse se sont taris et les entreprises ont cherché à renouveler leurs marchés en offrant des gammes de produits plus diversifiés. Ces changements exige une coordination plus grande au sein de l’entreprise et chez les partenaires afin de pouvoir satisfaire plus rapidement la demande de ces nouveaux marchés. Par ailleurs, l’environnement changeant de l’entreprise s’est traduit par la recherche d’une plus grande stabilité à l’intérieur de l’entreprise et même au-delà; c’est pourquoi on a cherché à développer des réseaux de coopération. Ceux-ci sont orientés vers la croissance des nouvelles activités, plutôt que vers la concurrence sur des marchés existants. Le modèle japonais d’organisation de la production se révèle particulièrement bien adapté pour ce type de situation économique.

Ce qui distingue le Japon, c’est d’abord une organisation qui permet aux entreprises d’établir une stratégie à long terme (Albert, 1991). En effet, jusqu’à ces toutes dernières années tout au moins - car certains considèrent que les choses ont ont un peu changé avec la crise financière récente -, les critères de succès de l’entreprise japonaise étaient orientés vers la conquête de parts de marché. Si le profit à court terme est devenu légèrement plus important, les entreprises japonaises s’alignant en quelque sorte sur les exigences des détenteurs de fonds américains, l’augmentation des parts de marché demeure importante, et il s’agit là d’une perspective nécessairement orientée vers le long terme. Il faut noter qu’au Japon, les entreprises sont surtout financées par des prêts bancaires et, dans une moindre mesure, par les titres boursiers, ce qui leur a permis de vivre largement à l’abri de l’humeur des actionnaires et d’investir de façon plus importante dans la croissance de l’entreprise (Blaine, 1993). Cela est particulièrement important pour les dépenses de recherche et développement où l’espérance de rendement sur l’investissement est incertaine et renvoie surtout aux prévisions à long terme. Au sein des keiretsu, les grands groupes industriels japonais, des relations à long terme caractérisent également les relations de sous-traitance entre les grandes entreprises et les PME. La plus grande stabilité des relations entre les entreprises permet une organisation des emplois elle aussi davantage orientée vers le long terme que ce n’est le cas en Amérique du Nord.

Dans les pages qui suivent, nous exposerons les principaux éléments du modèle japonais, puis nous présenterons quelques données sur l’adaptation des entreprises japonaises et des entreprises québécoises à ces nouvelles modalités concurrentielles. La qualité totale et le juste à temps sont bien sûr au coeur du modèle productif japonais et, de ce fait, au coeur du succès de cette économie; nous présentons ensuite des données issues d’une enquête menée auprès d’entreprises québécoises et japonaises (établies au Canada) pour tenter de déterminer dans quelle mesure ce modèle s’est diffusé en Amérique du Nord[1].

1. Aux origines du modèle japonais: la qualité totale

Les développements originaux du Japon en matière d’organisation du travail sont en partie le résultats d’emprunts effectués aux États-Unis; c’est en particulier le cas de la qualité totale. L’influence du taylorisme s’est fait sentir au Japon dès les débuts de la publication des principes du management scientifique (Greenwood et Ross, 1982). Ces derniers se sont diffusés dans l’entre-deux-guerres, mais ils ont été modifiés pour pouvoir tenir compte de l’organisation du travail existante, basée sur une grande autonomie du contremaître dans l’affectation des employés à des tâches. Celui-ci agissait en effet comme un intermédiaire indépendant, gérant la main-d’œuvre sous son autorité de façon paternaliste, et ce, sans l’intervention des gestionnaires de l’entreprise (Gordon, 1985).

En se déplaçant vers le Japon, le taylorisme américain se transforme et devient plus «organique ». En d’autres mots, on se trouve face à une vision plus « communautaire » de l’organisation de l’usine, où les gestionnaires ont d’abord imité le mode de gestion des anciens contremaîtres. Le taylorisme était basé sur une expertise technique que ne possédait pas le Japon. De plus, le taylorisme, qui établit une division très poussée du travail, ente les diverses tâches, visait à minimiser les besoins de communication entre les postes de travail. Ce problème américain, imputable à l’hétérogénéité de la main-d’œuvre en matière de formation et d’origine ethnique, ne se retrouvait pas au Japon, caractérisé, encore aujourd’hui, par une main-d’oeuvre plutôt homogène (Aoki, 1988). Contrairement aux États-Unis, cette spécialisation rigide des postes de travail n’est donc pas apparue nécessaire au Japon, pas plus que l’idée d’établir une distinction nette entre les employés et la direction. Le contremaître du Japon s’est progressivement vu attribuer le double rôle de superviseur et de porte-parole des groupes de travail (Nakamura et Nitta, 1995), favorisant ainsi la communication et la coopération au sein de la « communauté » de l’entreprise.

Le taylorisme a également été modifié par une autre innovation américaine, qui a connu un succès plus grand encore au Japon : le contrôle de la qualité. Le mouvement pour la qualité totale débute au Japon en 1949, sous l’impulsion du gouvernement américain qui a besoin de produits de haute qualité pour les forces armées impliquées dans le conflit coréen (Kenney et Florida, 1993 ). Les Américains Deming et Juran se rendent au Japon dans les années 50, et ils y donnent de nombreux séminaires sur les outils statistiques de contrôle de la qualité. Ces outils seront largement diffusés au Japon, contrairement à ce qui se produit alors aux États-Unis, où ils ont peu de succès. Les cercles de qualité, également une idée américaine, connaîtront jusqu’à ce jour une popularité grandissante au Japon.

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