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Style écrit et style oral

Dissertation : Style écrit et style oral. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Mars 2022  •  Dissertation  •  2 216 Mots (9 Pages)  •  211 Vues

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A première vue, la notion de littérature semble exclure celle d’oralité, tant nous sommes habitués à fréquenter la première par l’intermédiaire du support du livre. Pourtant, d’après Albert Thibaudet, « Le style écrit n’est pas le style parlé, mais un style écrit ne se renouvelle, n’acquiert vie et perpétuité, que par contacte à la fois étroit et original avec la parole. […] On ne doit pas plus écrire comme on parle qu’on ne doit parler comme on écrit. La parole et l’écriture suivent chacune un mécanisme particulier, impliquent des clefs, des tensions différentes, intéressent deux ordres distincts de souvenirs. Mais si on ne doit pas écrire comme on parle, on doit écrire ce qui se parle, et non pas écrire ce qui s’écrit. Le style languit et meurt quand il devient une manière d’écrire ce qui s’écrit, de s’inspirer, pour écrire, de la langue écrite ». Le style écrit est, en littérature, un aspect propre de l'expression chez un écrivain. Même si Albert Thibaudet reconnait une différence de nature entre l’écrit et l’oral, ce dernier voit dans le lien à la parole un biais pour rendre la littérature dynamique et atemporelle. Nous pouvons nous interroger sur l’origine de cette parole. Est-elle issue des personnages ou d’origine divine ? En quoi le fait d’entretenir un lien avec l’immédiateté et le caractère sensible de la parole permettrait-il à la littérature d’être plus puissante ? S’intéresse-t-il a la parole comme récit se référant à la tradition des aèdes sous l’antiquité ainsi que des troubadours au Moyen Age ou évoque-t-il la parole en tant que lieu de communication ? De manière didactique, Albert Thibaudet insiste sur la différence entre langage écrit et oral. En effet la langue écrite exige un travail de réflexion, de composition qui n’existe pas dans le style oral, mais souvent plus spontané. Néanmoins, au sein d’une même langue, la communication écrite et la communication orale semblent si proches que, de prime abord, on serait tenté de croire que l’écrit est une simple retranscription de l’oral. De plus, il reconnait qu’il y a une différence de nature entre parole et écriture dans leur rapport à la mémoire. Alors que la parole s’échange dans l’instant, la littérature instaure un rapport au temps plus long ou plus fictif. Mais pourtant, le critique littéraire considère que s’il doit exister un travail supplémentaire à l’écrit par rapport au langage oral, il serait nécessaire de s’inspirer de l’oral, à la fois de ces sujets mais aussi du point de vue de son authenticité formelle. Selon Albert Thibaudet, un livre créé uniquement pour être de la littérature serait ennuyeux et ne passerait pas à la postérité.

Est-ce qu’une œuvre écrite gagnerait en souffle et en universalité en étant imprégné des formes et des thèmes de la langue orale ?

A première vue, la langue écrite et la langue orale sont deux modes d’expression complètement distincts dans lesquels la littérature peut seule apparaitre comme une œuvre d’art. Néanmoins, depuis des siècles la littérature s’est nourrie des thèmes de l’oralité tout en demeurant différente dans son expression. Nous pouvons cependant nous interroger si langue orale et langue écrite ne se nourrirait pas mutuellement dans un mouvement réciproque pour atteindre du point de vue de l’œuvre littéraire l’atemporalité et l’universalité.

Nous pouvons considérer qu’il y a une opposition drastique entre langue écrite et langue orale. En effet, la langue écrite possèderait un code différent de la langue orale. L’écriture, et notamment à la période classique suit des règles de composition, de grammaire, de vocabulaire, de syntaxe plus règlementé et travaillé que l’expression orale. Boileau définit d’ailleurs dans L’Art Poétique les règles fondamentales de l’écriture en vers classique. Dans le « sonnet VI » des Regrets, Du Bellay respecte les règles de l’écriture du sonnet tel qu’il a été inventé par Pétrarque. Plus encore, la structure du poème est construite pour exprimer avec force les souffrances de l’exil. Le poète reprend ainsi dans les deux tercets les cinq éléments qu’il présentait dans les deux quatrains et dans le même ordre. Le mépris de fortune, le cœur, le désir d’immortalité, l’inspiration du poète et le doux plaisir avec les muses sont repris dans le même ordre dans les deux derniers tercets jusqu’à la pointe du sonnet. Cette construction logique, amplificatrice, puisant son inspiration dans la mythologie grecque est aux antipodes d’une expression orale naturelle.

De plus, littérature classique a pu rejeté l’exploitation de la langue orale à cause de la morale. Ainsi dans La Princesse de Clèves, écrit par Madame De Lafayette et considéré comme l’un des premiers romans de la littérature française, l’expression des sentiments dans ces moments les plus intenses passent souvent par le biais de la lettre plutôt que du dialogue. La princesse de Clèves intercepte une lettre d'amour destinée à une autre et croit que M. de Nemours en est l'auteur, ce qui cause en elle un sentiment de jalousie jusqu'alors inconnu : « Quoique les soupçons que lui avait donnés cette lettre fussent effacés, ils ne laissèrent pas de lui ouvrir les yeux sur le hasard d'être trompée et de lui donner des impressions de défiance et de jalousie qu'elle n'avait jamais eues. ». Même si les affres de la jalousie et les variations de la passion amoureuse sont examinés avec beaucoup de finesse dans l’œuvre de Madame De Lafayette, à cet époque un auteur ne pouvait envisager de mettre en scène des personnages qui vont échanger des sentiments par morale ou par pudeur. L’un des paroxysmes de l’intimité entre Madame de Clèves et Monsieur de Nemours passe symboliquement par la réécriture de la lettre plutôt que par l’échange de discours. En effet, en présence de Monsieur de Clèves, les deux amants, pour satisfaire une demande royale, réécrivent de mémoire une copie de la lettre qui a semé le trouble. Dans la littérature classique, l’intégration du langage oral est donc réalisée avec beaucoup de prudence.

Si l’oral a priori n’a pas sa place dans la littérature, on s’aperçoit qu’en réalité elle a pénétré de manière subtile dans le monde du livre, depuis son origine.

Des œuvres littéraires majeures trouvent leur inspiration dans le récit oral. En effet, beaucoup d’auteurs et critiques ont remis en question l’origine de L’Iliade et L’Odyssée jusqu’à douter même de l’existence d’Homère considéré aussi comme un aède illettré. Les deux épopées les plus connues, les plus anciens textes littéraires grecs relèvent en effet d’une longue tradition orale, transmise par les aèdes, au moyen d’une mémoire orale commune et dans le but d’enraciner ses récits dans le temps. Effectivement, la poésie possède une forte tradition orale. Elle est destinée à être lue, interprétée, jouée. De son origine orale, découlent des caractéristiques fondamentales du texte épique colporté par les aèdes, avant leur fixation dans la tradition manuscrite.

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