Rhinocéros - Ionesco.

Rhinocéros, Ionesco : 

1) Comparez les personnages de Jean et de Bérenger (physique, moral, attitude face à la métamorphose) (10 Pts)

Dans la pièce d’Eugène Ionesco, Rhinocéros, Bérenger est le personnage principal et Jean, son ami et collègue.

Dans l’acte Un, Bérenger apparaît comme un homme négligé, se laisse aller et paraît faible et naïf.

Il arrive en retard à son rendez-vous avec Jean : ‹‹ Toujours en retard évidemment ! Nous avions rendez-vous à onze heures trente. Il est bientôt midi ››. On devine par la suite qu’il est fêtard car il arrive fatigué au rendez-vous : ‹‹ Vous tombez de fatigue, vous avez encore perdu la nuit, vous bâillez, vous êtes mort de sommeil… ››. De plus, Bérenger boit régulièrement, il sent l’alcool et a la gueule de bois : « J’ai un petit peu la gueule de bois, c’est vrai ! », et cela lui arrive souvent : « Tous les dimanches matin, c’est pareil, sans compter les jours de la semaine ».

Par ailleurs, Bérenger ne soigne pas son image. Ses habits sont sales et il n’est ni rasé, ni coiffé : « vous êtes tout décoiffé ! ». Il ne porte pas de cravate « Et votre cravate, où est-elle ? », ses vêtements sont chiffonnés et ses souliers ne sont pas cirés. Eugène Ionesco utilise un vocabulaire dépréciatif pour caractériser Bérenger qui a une attitude marginalisée.

Au contraire, Jean symbolise d’intégrité sociale : il est propre sur lui, il est habillé soigneusement et il se définit comme un modèle dans le style vestimentaire pour Bérenger comme on le voit dans la didascalie : « Jean montre avec fatuité son propre chapeau, sa propre cravate, ses propres souliers ». Jean est plus sérieux que Bérenger, il est toujours à l’heure et ne se rend pas aux soirées : « même si j’avais été invité, je ne serais jamais venu », il est mesuré. Jean rentre dans les normes sociales.

Bérenger se caractérise par une attitude défaitiste et passive, symbolisée par son manque de réaction lors du passage des rhinocéros : « Ben… Rien… Ca fait de la poussière… ». Il ne s’étonne pas non plus de leurs présences dans les rues. De plus, il manque de dynamisme et de volonté « Oh !de la volonté, tout le monde n’a pas la vôtre. Moi je ne m’y fais pas ». Il attire néanmoins la sympathie des lecteurs.

A l’inverse, Jean est actif, il tente d’imposer à Bérenger son style de vie en accord avec les codes de la société : « Voilà ce qu’il te faut faire : vous vous habillez correctement, vous vous rasez tous les jours, vous mettez une chemise propre ». Il est arrogant, sûr de lui et prétentieux : « Je vous vaux bien ; et même, sans fausse modestie, je vaux mieux que vous ». Jean est très conformiste, égocentrique, il refuse d’écouter et des comprendre les autres et se vexe très facilement. Ces traits de sa personnalité lui attirent, de ce fait, l’antipathie des lecteurs.

Enfin, les deux personnages n’ont pas eu la même attitude face à la métamorphose.

En effet, Bérenger est le seul à s'affoler de la rhinocérite « Un homme qui devient rhinocéros, c'est indiscutablement anormal » et de la vitesse à laquelle les gens se métamorphosent. Son angoisse face à la ″maladie″ a également été éprouvé par Ionesco devant la croissance du nazisme : « Réfléchissez, voyons, vous vous rendez bien compte que nous avons une philosophie que ces animaux n'ont pas, un système de valeurs irremplaçables. Des siècles de civilisation humaine l'ont bâti !... » Sa parole est, de plus, bafouée par les autres personnages. Pourtant, c’est lui qui révèle la plus grande force de caractère dans la mesure où il est seul à refuser de se transformer en rhinocéros lui décide de résister : « Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas ! ». C’est lui également qui tente d’ouvrir les yeux aux autres. Lorsque Dudard se transforme, il essaye par tous les moyens de le convaincre d’y renoncer. Bérenger avance le fait que l’homme soit supérieur au rhinocéros et répète deux fois « Vous êtes humains ». Il constate son incompatibilité avec les rhinocéros (d’un point de vue physique (marginalité) et du langage incompatible) lorsqu’il tente de devenir lui aussi rhinocéros, de faire comme la masse, mais la transformation ne se fait pas. Il ne peut pas devenir rhinocéros parce que son caractère et son bon sens ne correspondent pas aux normes que l’on aimerait lui imposer. Bérenger n’est pas un héros, mais c’est le seul qui résiste, c’est une sorte de choix contraint d’être homme, malgré lui.

En revanche, Jean admire le rhinocéros passer dans la rue « Il fonce droit devant lui, frôle les étalages ! ». Peu avant de se transformer, il se sent attirer par le pachyderme « J'ai un but, moi. Je fonce sur lui. » Jean est l’un des premiers à se transformer car il se soumet aux opinions, règles, normes, modèles qui représentent la mentalité collective ou le système des valeurs du groupe auquel on a adhéré, et à les faire siens. Son comportement est agressif et sa prétention le pousse à écraser quiconque se trouve sur son passage. Tout au long de la pièce, son côté ″animal″ se développe jusqu’à prendre le dessus sur son humanité qu’il désigne comme « périmée ». Il prône le retour à la nature et se dissocie de ce qui est humain en niant ses valeurs humaines (amitié, morale…). Il en finit même par haïr les hommes. Lors de sa transformation, Jean s’énerve contre Bérenger qui essaye de l’aider : « Vous adorez me dire des choses désagréables. Et vous, vous êtes-vous regardé ? ». Plus sa métamorphose avance, plus il devient violent : « Je ne déteste pas les hommes, ils me sont indifférents, ou bien ils me dégoûtent, mais qu’ils ne se mettent pas en travers de ma route je les écraserais ». La communication ne passe plus entre les deux hommes et ce qu’il lui reste d’humanité le quitte.

...