Ponge Le Pain Commentaire

Les poètes du XXème siècle s’éloignent de la tradition classique faisant évoluer le genre en prenant pour sujet non seulement les choses mais aussi la matière même de leur écriture : le langage. C’est notamment le cas de Francis Ponge, poète moderne, connu pour son recueil Le Parti pris des choses paru en 1942 dans lequel il propose une vision nouvelle des objets banals du quotidien. L’auteur prend donc le parti de cet aliment symbolique souvent associé au corps du Christ, mais ici charge le pain de nouvelles significations, en se plaçant en tant qu’observateur pour y jeter son regard subjectif. En quoi ce texte transmue-t-il le réel? Nous allons montrer dans un premier temps en quoi ce poème présente une définition originale du pain, puis nous étudierons la transfiguration poétique de cet objet banal.

En premier lieu, l’auteur cherche à donner une vision renouvelée du pain par l’originalité de la présentation.

Tout d’abord, ce texte s’apparente à une description objective du pain. En effet, on remarque la présence de l’article défini « le » dans le titre du poème, ainsi que les présents de vérité générale « est » « donne » produisent l’impression d’une lecture d’un article encyclopédique sur le pain ce qui renforce le caractère sérieux de ce texte à première vue. L’emploi de l’expression « que l’on nomme » avec le pronom impersonnel « on » témoigne du souci informatif de Ponge qui en apparence ne cherche pas à donner son avis. Le poète a également recours au registre didactique ; en effet, la présence d’une morale finale qui s’adresse directement au lecteur permet de souligner la valeur pédagogique. Le lecteur doit , semble-t-il, tirer un enseignement de ce poème. Il l’implique d’ailleurs également avec le pronom « nous ». A travers ces procédés, ce texte ressemble à une Leçon de Chose, à la manière du XIXème siècle, enseignée par les instituteurs aux enfants.

Ensuite, Ponge met en place une description progressive et scientifique de cet objet banal. La description commence par une vision lointaine du pain « panoramique » qui se rapproche petit à petit de l’objet pour l’observer en détails : depuis la « surface » en passant par la cuisson dans le « four », la naissance du pain et la transformation de son état, avec les verbes d’action, dont la masse « durcissant s’est façonnée ». En outre, le champ lexical du bâtiment « masse » « ondulations » « amorphe » « éructer » relève du vocabulaire spécifique et technique de la construction. Puis l’intérieur est décrit : la « mie » nommée par la métaphore « sous sol » ; ensuite la mort du pain est développée par l’image du flétrissement de l’objet avec le champ lexical de la décrépitude « fanent » « friable » « rétrécissent » ; et enfin à travers la périphrase « objet de consommation » il évoque la fonction principale de cet objet qui est celle d’être mangé. De plus, Ponge met en place une présentation démonstrative grâce aux connecteurs logiques « d’abord » « ainsi » « dès lors » « lorsque » qui structurent et organisent la description du pain et donc du poème. Ainsi, l’écrivain cherche donc à évoquer le pain dans tous ses états, il veut en fournir l'ensemble des caractéristiques permanentes, de sa naissance à sa mort.

Enfin, malgré son apparence neutre et objective ce poème demeure plutôt subjectif. Tout d’abord, le titre du recueil est significatif « parti pris », il y a donc une absence de neutralité puisque l’auteur prend position. Cette prise de position est aussi présente dans l’hyperbole « si nettement » qui traduit le regard posé par le poète. Par ailleurs, Ponge valorise la surface externe du pain par les adjectifs mélioratifs « merveilleuse » « panoramique » au début du poème et compare également le pain à des chaines de montagnes énumérées « Alpes, Taurus et Cordillère des Andes » ce qui donne de la grandeur à cet objet banal. Toutefois, Ponge décrit l’intérieur du pain de façon péjorative par la succession de deux adjectifs dépréciatifs « mollesse ignoble », « lâche et froid » mais aussi par la polysémie du mot « lâche » qui au premier degré signifie « non compact » ou bien de façon personnifiée,

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