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Par George Filmer, né primitif

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Par   •  30 Septembre 2014  •  Analyse sectorielle  •  7 089 Mots (29 Pages)  •  1 387 Vues

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Jean-François de Saint-Lambert, Ziméo, 1769.

PAR GEORGE FILMER, né primitif.

Les affaires de mon commerce m'avaient conduit à la Jamaïque ; la température de ce climat brûlant et humide avait altéré ma santé et je m'étais retiré dans une maison située au penchant des montagnes, vers le centre de l'île ; l'air y était plus frais et le terrain plus sec qu'aux environs de la ville ; plusieurs ruisseaux serpentaient autour de la montagne qui était revêtue de la plus belle verdure ; ces ruisseaux allaient se rendre à la mer, après avoir parcouru des prairies émaillées de fleurs et des plaines immenses couvertes d'orangers, de cannes à sucre, de cassiers, et d'une multitude d'habitations. La jolie maison que j'occupais, appartenait à mon ami Paul Wilmouth de Philadelphie ; il était, comme moi, né dans l'Eglise primitive : nous avions à peu près la même manière de penser ; sa famille composée d'une femme vertueuse et de trois jeunes enfants, ajoutait encore au plaisir que j'avais de vivre avec lui.

Lorsque mes forces me permirent quelque exercice, je parcourais les campagnes, où je voyais une nature nouvelle et des beautés qu'on ignore en Angleterre et en Pennsylvanie ; j'allais visiter les habitations, j'étais charmé de leur opulence ; les hôtes m'en faisaient les honneurs avec empressement ; mais je remarquais je ne sais quoi de dur et de féroce dans leur physionomie et dans leurs discours ; leur politesse n'avait rien de la bonté ; je les voyais entourés d'esclaves qu'ils traitaient avec barbarie. Je m'informais de la manière dont ces esclaves étaient nourris, du travail qui leur était imposé, et je frémissais des excès de cruauté que l'avarice peut inspirer aux hommes.

Je revenais chez mon ami, l'âme abattue de tristesse, mais j'y reprenais bientôt la joie ; là sur les visages noirs, sur les visages blancs, je voyais le calme et la sérénité.

Wilmouth n'exigeait de ses esclaves qu'un travail modéré ; ils travaillaient pour leur compte deux jours de chaque semaine ; on abandonnait à chacun d'eux un terrain qu'il cultivait à son gré, et dont il pouvait vendre les productions. Un esclave qui pendant dix années se conduisait en homme de bien, était sûr de sa liberté. Ces affranchis restaient attachés à mon ami ; leur exemple donnait de l'espérance aux autres et leur inspirait des mœurs.

Je voyais les Nègres distribués en petites familles, où régnaient la concorde et la gaieté ; ces familles étaient unies entre elles ; tous les soirs en rentrant à l'habitation, j'entendais des chants, des instruments, je voyais des danses ; il y avait rarement des maladies parmi ces esclaves, peu de paresse, point de vol, ni suicide, ni complots, et aucun de ces crimes que fait commettre le désespoir, et qui ruinent quelquefois nos colonies.

Il y a trois mois que j'étais à la Jamaïque, lorsqu'un Nègre du Bénin, connu sous le nom de John, fit révolter les Nègres de deux riches habitations, en massacra les maîtres et se retira dans la montagne. Vous savez que cette montagne est au centre de l'île, qu'elle est presque inaccessible, et qu'elle environne des vallées fécondes, où des Nègres révoltés se sont autrefois établis ; on les appelle Nègres marrons : depuis longtemps ils ne nous font plus la guerre, seulement lorsqu'il déserte quelques esclaves : ces Nègres font des courses pour venger les déserteurs des mauvais traitements qu'ils ont reçus. On apprit bientôt que John avait été choisi pour chef des Nègres marrons, et qu'il était sorti des vallées avec un corps considérable ; l'alarme fut aussi tôt répandue dans la colonie ; on fit avancer des troupes vers la montagne, et on distribua des soldats dans les habitations qu'on pouvait défendre.

Wilmouth entra un jour dans ma chambre un moment avant le lever du soleil. « Le ciel, dit-il, punit l'homme injuste, et voici peut-être le jour où l'innocent sera vengé ; les Nègres marrons ont surpris nos postes, ils ont taillé en pièces les troupes qui les défendaient, ils sont déjà dispersés dans la plaine ; on attend des secours de la ville ; on enchaîne partout les esclaves, et moi, je vais armer les miens ».

Nous allâmes rassembler nos Nègres, et nous leur portâmes des épées et quelques fusils. « Mes amis, leur dit Wilmouth, voilà des armes ; si j'ai été pour vous un maître dur, donnez moi la mort, je l'ai méritée ; si je n'ai été pour vous qu'un bon père, venez défendre, avec moi, ma femme et mes enfants. » Les nègres jetèrent de grands cris ; ils jurèrent, en montrant le ciel et mettant ensuite la main sur la terre, qu'ils périraient tous pour nous défendre ; il y en eut qui se donnèrent de grands coups de couteau dans les chairs, pour nous prouver combien il leur en coûtait peu de répandre leur sang pour nous ; d’autres allaient embrasser les enfants de Wilmouth.

Comme John était maître de la plaine, il était impossible de se retirer à la ville, il fallait nous défendre dans notre habitation : je proposai aux Nègres de retrancher un magasin qui était à quatre cent pas de la maison ; ce magasin devait être une forteresse contre des ennemis sans artillerie. Les Nègres y travaillèrent sur le champ, et grâce à leur zèle, l'ouvrage fut bientôt achevé.

Parmi les esclaves de Wilmouth, il y avait un Nègre nommé Francisque ; je l'avais trouvé abandonné sur le rivage d'une colonie espagnole : on venait de lui couper la jambe, une jeune Négresse étanchait son sang et pleurait de l'inutilité de ses soins. Elle avait auprès d’elle un enfant de quelques jours. Je fis porter le Nègre sur mon vaisseau ; la Négresse me conjura de ne la point séparer de lui, et de la recevoir avec son enfant ; j'y consentis. J'appris qu'ils étaient esclaves d'un Espagnol, qui avait fait à la jeune Marien, c'est le nom de la belle Négresse, quelques propositions mal reçues, et dont Francisque avait voulu lui faire honte. L'Espagnol se vengea ; il prétendit que ces deux esclaves étaient chrétiens, parce qu'on leur avait donné, selon l'usage des colonies, des noms chrétiens. Il avait surpris le Nègre dans quelques pratiques religieuses en usage au Bénin ; il le fit cruellement mutiler, et se vanta de lui avoir fait grâce. J’allai trouver cet homme barbare, je lui proposai de me vendre ces malheureux ; il fit d’abord quelque difficulté ; mais la somme que je lui offrais le rendit bientôt facile. J’emmenai ces esclaves et je les donnai à Wilmouth. Marien

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