Le Film Morse de Tomas Alfredson

DE L’ÉCRIT À L’ÉCRAN

Morse est l’adaptation d’un roman devenu un best-seller suédois en 2004 :

Laisse-moi entrer. Son auteur, John Ajvide Lindqvist, ancien prestidigitateur,

est comparé à Stephen King pour sa propension à mettre en scène des enfants

ou des adolescents, et son écriture mêlant l’intime et le spectaculaire, le fan-

tastique et les observations naturalistes. Avec l’aide de Tomas Alfredson,

l’écrivain parvient à réduire la matière foisonnante de son récit de cinq cents

pages en un scénario centré sur l’histoire d’amour entre Oskar et Eli. Sans

atténuer ses dimensions horrifiques et perverses, l’histoire gagne en suggesti-

vité et en mystère concernant les motivations d’Oskar et l’identité d’Eli, qui

répète qu’elle n’est pas une fille. Par ailleurs, Alfredson et Lindqvist ont voulu

renverser la vision souvent idyllique du modèle suédois. Ils insistent sur la

réalité de la persécution scolaire, dont ils ont été eux-mêmes victimes, pour

souligner à quel point la violence est ancrée dans leur pays – ce qu’illustre

également la trilogie Millénium de l’écrivain Stieg Larsson, devenue un phé-

nomène éditorial mondial.

SOUFFLER LE CHAUD ET LE FROID

Avec Morse, Tomas Alfredson réalise son premier film de genre. Né en 1965,

le metteur en scène s’est d’abord illustré comme acteur et comme concepteur

d’émissions pour la télévision – on lui doit notamment la version suédoise de

Fort Boyard. Il crée aussi des séries télévisées qui deviennent vite populaires.

À la fin des années 1990, il intègre le Killinggänget, un collectif comique avec

lequel il tourne des films à sketches et impose un style qualifié de « brown

comedy », mêlant noirceur et légèreté, ton pince-sans-rire et considérations

sociales. Cette orientation transparaît dans Morse : les scènes d’agression

impliquant Håkan sont certes effrayantes mais elles convoquent aussi une

forme de burlesque. L’homme est maladroit dans ses gestes, ne parvient pas

à mener à bout ses actes ; il est par exemple interrompu par un chien qu’il

n’arrive pas à chasser et auquel il abandonne le sang soutiré à sa victime. En

2004, Four Shades of Brown, long film choral, impose Alfredson comme un

cinéaste majeur dans son pays.

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