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Le Conflit Théatral

Fiche de lecture : Le Conflit Théatral. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  28 Novembre 2014  •  Fiche de lecture  •  1 640 Mots (7 Pages)  •  634 Vues

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Ainsi, spectacle visuel et sonore, le théâtre semble pouvoir se passer de mots pour exprimer un conflit. Pourtant il serait dommage de réduire le théâtre à quelques formes excessives. Le théâtre n'est tout de même pas ni du mime ni seulement de la farce. D'ailleurs les grands dramaturges sont avant tout des écrivains et ont travaillé leurs textes avec soin. Voyons désormais l'aspect purement littéraire du genre théâtral.

Au théâtre comme dans tout genre littéraire, les sentiments s'expriment avec des mots. Les affrontements doivent se dire avant de se faire et la complexité des disputes peut mieux se comprendre avec des phrases.

Avant d'en venir à un conflit physique, une bastonnade ou un duel à l'épée, le désaccord entre les personnages doit en effet souvent s'exprimer à voix haute. Prenons par exemple la pièce écrite par Jean Giraudoux en 1935 : La guerre de Troie n'aura pas lieu. A l'acte II scène 9, le Grec Oiax cherche à provoquer la guerre. Il insulte Hector, prince troyen, en le traitant de « beau-frère de pute ». L'offense est donc clairement verbalisée. Ce n'est que dans un deuxième temps qu'Oiax gifle Hector afin de le pousser à bout. De plus, Hector réplique avec ironie en utilisant une antiphrase : « Je vois que la Grèce nous a envoyé des négociateurs. » Les mots traduisent donc la personnalité de chacun et expliquent le conflit. Oiax est impulsif et agressif ; Hector est intelligent et responsable. Le conflit n'est pas seulement lié à leur différence de nationalité mais de tempérament. Toujours dans le même esprit, dans Les Fourberies de Scapin, juste avant la scène du sac, le seigneur Géronte promet à Scapin de le remercier pour sa fidélité en lui donnant l'habit qu'il porte, après qu'il l'aura un peu usé. Cette remarque est évidemment très méprisante et offensante pour Scapin et justifie la rage qu'il a ensuite à taper sur le sac. Le conflit est ici social avant d'être physique. Ainsi, dans ces deux exemples, on constate que les regards et les coups sont plutôt la conséquence d'un conflit plutôt que son expression.

Par ailleurs, certaines situations sont complexes à rendre et ne peuvent pas se résumer en quelques gestes. Par exemple, comment dire sans mots le conflit intérieur que ressentent les personnages des tragédies de Racine ? Ce n'est que par de longues tirades, provoquées souvent par un confident, que le héros de la pièce peut exprimer à voix haute le terrible dilemme auquel il est confronté. Et ce n'est que par le langage que le spectateur pourra pleinement s'identifier et ressentir par la catharsis « terreur et pitié ». Ainsi Racine développe dans son Andromaque le conflit intérieur qui écartèle la veuve d'Hector, devant choisir entre épouser Pyrrhus fils d'Achille qui a tué son époux, ou bien sacrifier son fils. Pour rendre compte de telles pensées complexes, Racine multiplie les procédés stylistiques. Il utilise l'alexandrin en rimes suivies avec des césures à l'hémistiche mais également des anaphores, des comparaisons et des récits enchâssés, qui relatent le souvenir de la chute de Troie ou les dernières paroles d'Hector. Toute cette recherche d'écriture exprime bien le conflit qui anime Andromaque. Ces phrases n'auraient pas pu être remplacées par autre chose. Elles sont nécessaire à la compréhension de ce conflit interne.

De surcroît, le public ne vient pas seulement voir un conflit ; il veut aussi l'entendre. De même qu'il goûte la maîtrise d'écriture de Racine et peut se laisser bercer par le rythme de l'alexandrin, le spectateur savoure les images poétiques, les métaphores et l'exercice de maîtrise de la langue. Dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu, l'affrontement entre Ulysse et Hector à la fin de la pièce devient ainsi une « pesée », un « combat de paroles » où chacun, l'un après l'autre, dit ce qu'il « pèse », c'est-à-dire ce qu'il est. Ulysse relève de l'impalpable. Expérimenté, il dit représenter la chouette et l'olivier. Il bat ainsi Hector qui, plus jeune et plus naïf, se réclame de la terre, du labeur et du courage. Le conflit devient ici poétique et allégorique. Non seulement il se passe de gestes mais on pourrait même supposer que tout geste serait considéré comme allégorique lui aussi, et donc à choisir avec le plus grand soin.

Nous avons vu que l'expression du conflit au théâtre pouvait se passer de mots dans quelques cas extrêmes mais qu'il supposait, de manière générale, un travail important sur le texte. Toutefois Eugène Ionesco, célèbre dramaturge du XXe siècle, déclarait qu'il faisait « du théâtre et non de la littérature ». Lui qui avait été marqué dans sa jeunesse par le théâtre de Guignol semblait donc distinguer le texte et la scène. Mais qu'appelait-il au juste «

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