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Décision Du Tribunal Des Conflits Du 15 février 2010.: la faute personnelle

Compte Rendu : Décision Du Tribunal Des Conflits Du 15 février 2010.: la faute personnelle. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  4 Mai 2012  •  2 277 Mots (10 Pages)  •  2 724 Vues

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L'arrêt rendu par le Tribunal des conflits le 15 février 2010 met en jeu les notions de faute personnelle et de voie de fait. Que l'une prévale sur l'autre, ou qu'elles s'articulent, ces deux notions recouvrent une grande importance dans la mesure où chacune peut fonder la compétence du juge judiciaire pour connaître de l'affaire qui lui est soumise.

En l'espèce, en Polynésie française, le directeur d'un centre pénitentiaire, soucieux d'arranger la vue depuis son logement de fonction, a réquisitionné trois détenus ainsi que du matériel appartenant à l'administration pénitentiaire afin d'abattre les arbres visibles depuis la fenêtre dudit logement. Or, les arbres se trouvant sur une propriété privée, celle de Madame Tarahu, le directeur n'avait aucune autorité pour agir.

C'est pourquoi la propriétaire a d'abord cherché à condamner le directeur du centre pénitentiaire afin d'être indemnisé et d'obtenir le nettoyage de sa propriété. A cette fin, Madame Tarahu a porté l'affaire devant le Tribunal Civil de première instance de Papeete, lequel a décliné la compétence de son ordre dans un jugement rendu le 15 janvier 2007 au motif que la faute reprochée au directeur n'était pas détachable du service. Ce considérant, Madame Tarahu décida de porter l'affaire devant le tribunal administratif de la Polynésie française pour condamner non plus le directeur mais l'État. Dans son jugement du 18 novembre 2008, le tribunal administratif a émis un doute sur sa compétence et a saisi le Tribunal des conflits, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, afin de trancher la question de la compétence. Il a effectivement considéré l'opération d'abattage présente les caractères d'une voie de fait car sa « finalité est étrangère à l'intérêt du service » et parce que cette opération a porté une grave atteinte au droit de propriété de Madame Tarahu. Et ce, bien que cette opération « aurait été commise avec les moyens de l'administration et ne serait pas dépourvue de lien avec le service ».

Le problème ici posé consiste donc à déterminer si une action comme celle-ci décidée par un fonctionnaire pour son propre compte, mais non dépourvue de lien avec l'administration, doit être considérée comme une voie de fait ou pas. D'autre part, il s'agit de savoir si cette action constitue une faute personnelle ou pas. La réponse à ce problème permettra ainsi de fonder la compétence de la juridiction judiciaire selon que l'on considère l'affaire comme constituant une faute personnelle ou une voie de fait.

Le juge affirme qu'il s'agit d'une voie de fait en reprenant certaines raisons avancées par le tribunal administratif de Polynésie: à savoir l'intérêt de l'abattage est personnel, ce qui conduit à considérer que l'opération d'abattage « est manifestement insusceptible d'être rattaché à un pouvoir appartenant à l'administration pénitentiaire ». Aussi, fonde-t-il la compétence du juge judiciaire sur la voie de fait, réaffirmant par là la théorie de la voie de fait.

Il convient donc de s'interroger ici sur cette théorie de la voie de fait afin de voir sur quels fondements le juge cherche à justifier sa décision.

I. Le principe de la voie fait

Historiquement, la théorie de la voie de fait a été élaborée de manière assez rapide et affirmée mais selon des contours qui demeurent imprécis (A). C'est pourquoi cette notion est en tension avec celle de faute personnelle (B).

A) La voie de fait

Avant de procéder à l'examen de cette théorie, il convient de définir la voie de fait. On dit qu'il y a voie de faire lorsque l'administration, au cours d'une action matérielle, porte atteinte à une liberté publique ou à un droit de propriété par une irrégularité particulièrement manifeste. Cette définition repose sur l'idée selon laquelle un acte administratif irrégulier peut perdre son caractère administratif s'il existe une illégalité tellement grave que l'acte est dénaturé.

Ici, se pose la question de savoir s'il est possible que l'action d'un fonctionnaire constitue une voie de fait. A cet égard, on peut distinguer deux approches: d'une part, une approche dite extensive considère qu'une voie de fait existe pour tout comportement de l'administration ou de l'un de ses agents en dehors de ses pouvoirs normaux; d'autre part, une approche plutôt respective consiste à ne considérer comme voie de fait seulement les actes qui sont des actes d'administrateur,ce qui exclut les actes de fonctionnaire agissant pour leurs propres intérêts.

La question qui se pose à travers cette théorie est celle des règles de dévolution de compétences à une juridiction: en effet, il s'agit de savoir si la voie de fait pouvait fonder la compétence du juge judiciaire pour connaître d'une action engagée à l'encontre d'un fonctionnaire. C'est l'arrêt Action française en date du 8 avril 1935 qui répond à cette question en affirmant clairement que la reconnaissance de la voie de fait fonde la compétence du juge judiciaire pour une action intentée directement contre le préfet,et non l'État.

Si cette affirmation a été claire par le Conseil d'État, la seconde moitié du vingtième siècle semble avoir marqué des incertitudes quant à la place de cette théorie dans le système juridique. En effet, dans certaines affaires portées devant la Cour de cassation, celle-ci a parfois privilégié la faute personnelle sur la voie de fait là où les deux étaient présentes, et il est même arrivé qu'elle cumule voie de fait et faute personnelle dans une même. Or, cela entre en contradiction avec l'arrêt Randon rendu par le Tribunal des Conflits le 10 décembre 1956, dans lequel la voie de fait prime sur une faute personnelle car cette dernière est incluse dans la voie de fait.

En l’espèce, une faute personnelle conduit à une voie de fait. Il convient donc d'étudier les rapports entre ces deux notions.

B) La voie de fait confrontée à la faute personnelle

En effet, dans l'arrêt Tarahu, le fait d'ordonner l'abattage d'arbres sur une propriété privée au nom d'un intérêt propre au directeur du centre pénitentiaire apparaît comme étant une faute personnelle conduisant à

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