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L'analyse Sources Avec le "Britannica" Racine

Fiche de lecture : L'analyse Sources Avec le "Britannica" Racine. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Mai 2014  •  Fiche de lecture  •  10 086 Mots (41 Pages)  •  586 Vues

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Analyse

Sources

Avec ‘’Britannicus’’, Racine avait choisi un sujet qui s'inscrivait bien dans les normes de l'époque, où l’on voulait que les intrigues des pièces soient situées dans des périodes historiques attestées et connues. C’est un épisode de l’Histoire de I'empire romain au Ier siècle après J.-C., et plus précisément celui de I'avènement de Néron en 55 après J.-C., et de ses suites.

Il s’appuya, comme il l’indiqua dans ses préfaces à la pièce, sur les “Annales” de Tacite (livres Xl à XV), historien qu’il qualifia de «plus grand peintre de l’Antiquité» (seconde préface). Tacite s’attacha à restituer les évènements d’une manière fidèle, impartiale (sa devise était «fides incorrupta») en montrant comment les caractères des protagonistes les influencèrent. Ainsi, dans les ‘’Annales’’, l’analyse psychologique des acteurs, et l’atmosphère de l’Histoire impériale tiennent une place importante. Tacite signala l’inceste entre Agrippine et Néron (dont Racine ne dit rien parce qu’il ne pouvait rien en dire à son époque, mais qui est clair pour tout le monde). Il raconta la lutte qu’elle mena pour accéder au pouvoir, l’avènement de Néron, son affranchissement de la tutelle de sa mère, qui tenta en vain de maintenir son emprise, leur affrontement machiavélique pour le pouvoir et pour la vie, le double conflit entre eux dont les enjeux étaient le pouvoir, la survie et les plaisirs, cette concurrence pour le pouvoir entre eux aboutissant à I'élimination de Britannicus, que Néron, avide de puissance et de jouissance, fit empoisonner, percevant en lui un rival dont la perspicacité était dangereuse), cette mort marquant le début d’un règne cruel, la fin prochaine d’Agrippine qu’il tue parce qu'elle limite son absolutisme et sa liberté, et menace peut-être sa vie.. Chez lui, bien que la réaction décisive de I'empereur soit activée par une blessure de vanité, le conflit entre lui et Britannicus est exclusivement politique : Néron craint d'être renversé par le fils de son prédécesseur, qui avait gardé de puissants partisans, sa dangereuse perspicacité étant la cause directe de son élimination

Mais Racine emprunta aussi quelques traits à la ‘’Vie de Néron’’ figurant dans la ‘’Vie des douze Césars’’ de Suétone, qui, plus explicite encore que Tacite au sujet de l’inceste entre Agrippine et Néron, signala les taches de sperme qui furent décelées sur le vêtement de celui-ci après qu’il ait passé un moment avec elle ; qui indiqua encore qu’il sodomisa son frère avant de le tuer, qui écrivit qu’après le meurtre de sa mère, Néron «ne put jamais [...] étouffer ses remords, et souvent il avoua qu'il était poursuivi par le fantôme de sa mère, par les fouets et les torches ardentes des Furies», idée courante chez les Anciens.

Racine recourut encore à deux textes de Sénèque : le traité ‘’De clementia’’ et la tragédie ‘’Octavie’’.

Toutefois, il ne se considéra pas prisonnier de ces sources, et revendiqua le droit de procéder à des modifications, en ce qui concerne les circonstances, les faits, la chronologie, comme le caractère des personnages. Il prit ses distances sur plusieurs points :

- Britannicus n'avait pas, au temps où se déroule la pièce, dix-sept ans mais quatorze.

- Narcisse, qui n'a jamais comploté contre Britannicus dont il fut au contraire le fidèle soutien, était déjà mort, assassiné sur ordre de Néron. Si Tacite signala que le poison de Locuste fut essayé sur un chevreau, le Narcisse de Racine en rajoute : «Elle a fait expirer un esclave à mes yeux», et ce simple détail qu’il imagina suffit pour rendre la cruauté et les intrigues de l'époque impériale.

- Au sujet de Junie, il prit plaisir à avouer qu’elle est «un personnage inventé», ajoutant : «Si je la représente plus retenue qu'elle n'était, je n'ai pas ouï dire qu'il nous fut défendu de rectifier les moeurs d'un personnage, surtout lorsqu'il n'est pas connu.» (première préface). Mais il y eut bien une Junia Calvina, princesse appartenant à une branche condamnée de la famille régnante, que Sénèque considéra comme «la plus enjouée de toutes les jeunes filles» (‘’Apocolokyntose’’, VIII) ; qui, seule descendante d’Auguste, représentait en quelque sorte la légitimité impériale, objectivement inconstestable. Ce qu’il inventa, ce qui est pure fiction, c’est le rôle qu’il lui donna auprès de Britannicus et de Néron, c’est son enlèvement, coup d'essai du tyran Néron, qui cristallise le conflit entre celui-ci et Britannicus, c’est leur rivalité amoureuse. Il indiqua : «Si je la représente plus retenue qu'elle n'était, je n'ai pas ouï dire qu'il nous fût défendu de rectifier les moeurs d'un personnage, surtout lorsqu'il n'est pas connu.» (première préface). Grâce à ce personnage inventé, l'action dramatique s'intériorise chez Néron de façon à donner à la pièce une dimension autre que politique.

- Des deux précepteurs de Néron, Sénèque et Burrhus, il n'en conserva qu'un seul, Burrhus, un soldat rude et franc qui s’oppose mieux au traître Narcisse, mauvais génie de Néron.

- Racine diminua l'importance de la vision réaliste de Tacite de conflits politiques et existentiels aux enjeux bien concrets ; il y superposa, d'une part, une rivalité amoureuse, pour plaire au public mondain, et, d'autre part, un antagonisme moral, qui exprimait sa vision tragique.

- Le conflit des deux frères se situe beaucoup plus que chez Tacite sur le plan moral, entre un usurpateur tyrannique et vicieux, et un héritier légitime innocent et injustement dépossédé, dont Racine réduisit la puissance, privant ainsi la violence de Néron de justification concrète, accentuant son caractère de monstre criminel par nature, et lui imposant deux motivations inconnues de ses sources : I'inhibition et la frustration. Au conflit politique emprunté à Tacite, il superposa une contradiction morale, passant d'un drame machiavélien à une antinomie tragique : il inventa la pure Junie pour faire d’elle l’antipode de la concupiscence monstrueuse et tyrannique du monarque ; il réduisit nettement la puissance réelle d'Agrippine, et fit d’elle non seulement une ambitieuse mais une figure morale la conscience accusatrice de Néron, inhibitrice de son désir, prophète et persécutrice de ses crimes ; il introduisit le conflit entre concupiscence

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