Fiche De Lecture - Les Essais de Montaigne

Essais

1570-1588

Les Essais se présentent sous la forme de trois livres, dont deux rédigés entre 1570 et 1580, le troisième en 1588, et qui sont tous trois repris, augmentés, annotés et ce jusqu’à la dernière édition. Y a-t-il un ordre de composition. La question n’a toujours pas été tranchée. Trouve-t-on une composition thématique ? Elle est difficile à établir.

En effet, on ne distingue pas d’ordre apparent dans l’oeuvre. Cette suite de cent sept chapitres, de taille très variable, répartis en trois livres, peut à la rigueur être catégorisée ainsi : dans le Livre I, les premiers chapitres présentent une compilation de faits curieux, d’observations d’ordre politique & militaire ; les suivants réfléchissent sur de grands thèmes (la philosophie, la mort, l’amitié, la solitude, l’éducation...). Le Livre II, plus centré sur le personnage de Montaigne lui-même, expose des idées personnelles : “De la Cruauté”, “De l’Affection des Pères Aux Enfants”... et des goûts littéraires. Le Livre III, après le récit du voyage en Europe, développe des réflexions politiques, méthodologiques (sur la peinture du moi, notamment) ; on y trouve aussi des considérations sur le Nouveau Monde, la connaissance intime de l’auteur est plus poussée.

Mais vouloir donner un ordre aux Essais revient à en extraire un recueil de pensées, une sorte de synthèse qui en nie la véritable nature. Car les Essais répondent à la méthode de Montaigne : sous le terme “essai”, il faut d’abord comprendre l’idée d’ “essayer” une pensée, c’est-à-dire de la juger selon divers points de vue, d’ébaucher une opinion, qu’on pourra reprendre ensuite ; mais il existe un second sens, venu du latin, “prendre une mesure, peser” : s’essayer soi-même, c’est tenter de soupeser sa vie, son expérience, ou celle des autres, non pas théoriquement mais concrètement, selon ses réactions, ses sentiments, ses sensations. Puis le terme “essais” a pris un autre sens dans la littérature : il désigne un autre genre sans contrainte formelle, qui favorise la liberté de la réflexion et du jugement. Cette méthode est née de l’objet même de la réflexion de Montaigne : vouloir se peindre, alors que l’Homme est un être changeant, que le monde est inconstant, c’est se soumettre au vagabondage de la pensée et de la plume que Montaigne a si bien décrit.

Regards sur l’Histoire, Regards sur le Monde

Les Essais commencent par le chapitre “Par divers moyens on arrive à pareille fin”, qui propose une suite d’anecdotes tirées de l’histoire. Pourquoi Montaigne, qui annonce son projet de se peindre lui-même dans l’intimité de son individuel, commence-t-il son oeuvre par ce chapitre impersonnel ? Parce que, dans le parcours intellectuel qui le mènera à la connaissance de son “moi”, la vie des autres va luis servir continuellement de champ d’expérience. Il veut en effet éclairer une réaction personnelle à la lumière de ce que d’autres, avant, ont fait ou dit ; il cherche à comprendre son temps en le faisant dialoguer avec l’histoire des siècles passés ; il entreprend de se comparer aux sauvages qu’on vient de découvrir ou à ses contemporains engagés dans la guerre de Religion, afin

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