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Explication linéaire corrigée– « A une passante » de Baudelaire

Fiche : Explication linéaire corrigée– « A une passante » de Baudelaire. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Avril 2022  •  Fiche  •  2 205 Mots (9 Pages)  •  1 208 Vues

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Explication linéaire corrigée– « A une passante »

 

Introduction

Inspiré par le monde urbain et son expérience de journaliste, Baudelaire cultive son goût ds « choses vues ». Lors de la seconde édition des Fleurs du mal, en 1861, il introduit la section « Tableaux parisiens ». Le poème « A une passante » en fait partie. C’est un sonnet, composé de deux quatrains et deux tercets, rédigé en alexandrins. Nous pouvons remarquer ici que, dans le premier quatrain, les rimes féminines embrassent les rimes masculines puis c’est l’inverse dans le deuxième quatrain. Ce poème est donc bien l’histoire d’une rencontre.  Nous nous demanderons comment cette rencontre fugace fait écho à la recherche d’un idéal esthétique, chez Baudelaire.

 

Mouvements du texte :

 

  1. Vers 1 à 8 : L’apparition de la passante et la fascination du poète
  2. Vers 9 à 14 : La disparition de la passante et la désillusion du poète

 

Premier mouvement

 

La rue assourdissante autour de moi hurlait

Décor d’un paysage urbain. Hypotypose qui donne à voir une rue animée, bruyante et et  moderne (probablement une rue de Paris selon le titre « Tableaux parisiens ») : modernité poétique (ville en poésie).

Le « moi », qui apparaît au milieu du second hémistiche, est ici le point autour duquel la description et le récit s’organisent, installant d’emblée une dimension lyrique. Mais, le poète semble être cerné par le bruit et l’agitation

(« assourdissante »/ « hurlait »).

Environnement hostile et dissonant (suite de sons voyelles, hiatus qui semblent recréer la cacophonie urbaine]), tandis que les allitérations en [r] et [s] évoquent des sonorités rugueuses qui miment le fracas de la rue.

La rue est personnifiée de manière hyperbolique (« hurlait »), composant un décor menaçant pour le poète, avec des accents fantastiques.

Le sujet poétique semble perdu jusqu’à la confusion (antithèse entre « assourdissante » et « hurlait »).

Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,

Une femme passa, d’une main fastueuse

 Soulevant, balançant le feston et l’ourlet

Les vers suggèrent la progression de l’apparition d’une inconnue. On peut remarquer tout d’abord l’adjectif « longue », une hypallage (adjectif qui devrait ici davantage qualifier la rue que la femme), qui souligne le mouvement du regard (associe la rue au mouvement de la femme qui passe). Simple silhouette au départ, elle semble se rapprocher.

« Grand deuil, douleur majestueuse » : chiasme. Les mots au centre accentuent le registre pathétique tandis que ceux qui encadrent la placent dans un autre temps. «Douleur majestueuse » s’apparente ici à l’allégorie. Cette femme s’inscrit entre la fugacité de l’instant et l’éternité de la beauté qu’elle représente.  

Le regard du poète, irrémédiablement attiré par cet être dont il suit le mouvement, s’immobilise sur des détails (la main à la strophe 1, la jambe la strophe 2), comme pour faire durer l’apparition de l’être admiré.

On peut remarquer la rime en « tueuse » qui rappelle ici l’expression « le plaisir qui tue » à la fin du deuxième quatrain. Cette femme évoque un autre monde. Elle est porteuse de mystère.  

Le rythme des vers mime sa démarche et la fascination du poète. Le verbe « passa », au passé simple, insiste sur l’action unique et la dimension révolue de ce moment, enfin sur la fugacité de la vision (titre « A une passante »).

Le vers 4, par les noms « feston » et « ourlet », précise la tenue vestimentaire de la passante, celle d’une femme aisée, parisienne, moderne : tout habillée de noir (vers 3), elle porte une robe longue, terminée par une pièce de broderie (« feston ») . Les gérondifs (« soulevant, balançant ») précisent le mouvement : le rythme binaire (3-3//3-3) et l’allitération en [l] et en [s] (dans toute la strophe) font entendre le balancement des étoffes ou le frottement du tissu, et suggèrent la fluidité, la finesse, voire la grâce de la démarche. Le jeu de séduction qui apparaît ici est renforcée par la présence de la jambe, qui n’apparaît que dans le quatrain suivant. Un jeu s’établit entre ce qu’elle montre et ce qui reste caché.    

Agile et noble, avec sa jambe de statue.

Le vers 5 et le second quatrain se rattachent à la strophe précédente par l’enjambement (qui était généralisé des vers 2 à 4), marqué ici par la synecdoque de la jambe.

Le vers s’ouvre par deux adjectifs mélioratifs, ici coordonnés : « Agile et noble ». L’élégance de la démarche esquissée est ici confirmée par les mots choisis et par le rythme binaire.

La deuxième partie du vers 5, qui suit à nouveau une cadence majeure (4-6), révèle une contradiction entre le mouvement souple (« agile ») et la dimension immobile et figée de la « statue ». La métaphore « sa jambe de statue » exprime un idéal à l’antique, le fantasme d’un corps sculptural. La référence implicite au mythe de Pygmalion et de Galatée donne à cette scène de rencontre l’impression d’une rêverie ou d’un fantasme. La passante apparaît comme un être surnaturel et inaccessible, associé à l’idéal : elle bascule du souvenir au fantasme et devient presque une œuvre d’art. Elle est également celle qui suscite le regard créateur, la « muse ».

 

Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,

Le vers 6 fait réapparaître le poète : il s’ouvre sur une présence redondante de la première personne, «Moi, je» (« Moi » placé en début de vers et redoublé par le pronom personnel sujet « je »).  Le portrait glisse donc vers l’autoportrait. Le poète se représente au cœur de la scène, en train de dévisager la passante avec intensité.

Le verbe « boire » est en effet à prendre au sens figuré (« boire du regard »), il évoque également l’ivresse de la création, celle liée au dieu Dionysos.

Le poète apparaît comme fasciné par cette apparition jusqu’à l’éblouissement, mais aussi apeuré jusqu’à la paralysie (voir le participe passé « crispé ») et presque menacé par l’errance mentale (voir la comparaison « comme un extravagant », qui ajoute à l’idée de stupéfaction celle de la folie). Ce bouleversement du poète est mis en exergue ici par l’allitération en « k ».

Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Aux vers 7 et 8, le poète donne une nouvelle vision de la passante : elle intimide par ce qu’elle dégage et représente pour le poète.

Le poème rappelle le genre du blason, resserré ici sur « l’œil ». Celui-ci est particulièrement sombre, avec sa couleur de plomb (sens du mot « livide » ici), qui donne l’impression d’un œil noir,  mais aussi fait écho à l’œil de la tempête (le terme « livide » évoque également la mort) ; il est à la fois fascinant et inquiétant. En effet, la métaphore « son œil livide où germe l’ouragan » annonce une violence — celle du poète pris dans la tourmente du désir et de la création ? — et une capacité de destruction ou d’autodestruction. Cette violence annoncée est soulignée ici par l’allitération en « r » alors que celle en « s » rappelle la séduction également du regard de la femme.

Le vers 8 est d’ailleurs marqué par un parallélisme de structure (nom + proposition subordonnée relative) et dominé par l’antithèse (douceur/fascine/plaisir s’opposent ici au verbe « tuer », à la rime), qui soulignent l’ambivalence de cette apparition pour le poète — dualité qui était perceptible dès le vers 2 (« douleur majestueuse »). Ils rendent présent le motif de la femme fatale, dans les deux sens du mot : la passante est impressionnante et son apparition pourrait être dévastatrice pour le poète. Son passage suscite certes le désir, mais sous la forme d’une fascination douloureuse, source de pétrification morbide.

 

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