Dissertation sur le lyrisme des Fleurs du Mal de Baudelaire

Durant l'Antiquité, la poésie était présente sous trois formes. Elle pouvait représenter une action avec la poésie dramatique, raconter une action par la poésie épique, ou encore dire une émotion, accompagnée de la lyre, que l'on nomme poésie lyrique. Le 19ème siècle, période marquée par le romantisme, se caractérise principalement par le lyrisme à travers toutes les formes d'art telles que la musique, la littérature et la poésie. Baudelaire, poète tourmenté à la recherche d'un idéal, emploie cette nouvelle forme de lyrisme pour exprimer, dans le recueil des Fleurs du Mal, son intime et ses angoisses à travers l’expression musicale de ses poèmes. Mais les Fleurs du Mal sont-elles un recueil uniquement lyrique ? L’œuvre est bien du recueil lyrique mais le recueil a aussi d'autres dimensions. Nous verrons que l’ensemble de ces dimensions ne sont pas séparables les unes des autres ce qui fait la particularité du lyrisme baudelairien.

Tout d'abord, le lyrisme s'exprime par les sentiments et les émotions. La construction du recueil correspond au cheminement intérieur du poète. Il commence par l'Idéal, en évoquant l'art et son désir d'amour, poursuit par « les fleurs du mal », en révélant la conscience dans le mal, puis termine par la mort. Cette construction décrit une âme qui s'assombrit jusqu'à mourir. Le lyrisme amoureux est évoqué à travers plusieurs poèmes comme dans « l'invitation au voyage ». Dans ce poème, Baudelaire nous invite à un voyage amoureux (« songe à la douceur d'aller là-bas vivre ensemble ! ») en passant du corps à l'esprit grâce à l'évocation de tous les sens. Baudelaire fait allusion aux femmes qu'il a aimées comme Jeanne Duval dans le poème « La chevelure » qui évoque la sensualité et l'exotisme « senteurs confondues de l'huile de coco, du musc ». Dans le poème « ciels brouillés », il fait référence aux yeux de Marie Daubrin : « ton œil mystérieux alternativement tendre, rêveur, cruel ». Il dédie aussi de nombreux poèmes à Mme Sabatier, 'son ange désincarnée'.

Le lyrisme de l'intime est exprimé par Baudelaire à travers ses poèmes autobiographiques. Il l'emploie généralement sous forme de paysages ou à travers le portrait de femmes ou d'animaux. Il évoque également ses angoisses et l'ennui, la haine de lui-même, notamment avec les quatre poèmes « Spleens ». Ces poèmes décrivent des paysages différents mais ils ont en commun les sentiments de solitude, d' oppression et de tristesse : « l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis ». Il nous décrit un monde hostile qui reflète son mal-être intérieur. Dans le premier poème du recueil « Au lecteur », Baudelaire transforme les pronoms personnels « je » en pronoms personnels « nous » pour parler de son intime et de ses sentiments. Grâce à ce procédé, il fait entrer le lecteur à part entière dans le poème pour nous faire partager son mal-être en exhibant tous les démons intérieurs qui l'habitent. Pour écrire ses poèmes, il puise dans son expérience personnelle de la débauche, de l'alcool, de la drogue et de l'angoisse. Son inspiration n'est pas seulement imaginaire mais elle prend appui sur son vécu. Sa consommation d'opium, de cannabis et d'alcool ont amplifié son angoisse et sa souffrance, l'emprisonnant dans la dépendance (poème « le poison »).

Le lyrisme est ensuite exprimé par la musicalité des poèmes. Il apparaît au 16ème siècle principalement sous des formes musicales fixes tels que l'Ode, la Ballade et le Sonnet. L'aspect musical est caractérisé par la disposition des vers, des rimes, des strophes et par le choix des sons et des allitérations.

Dans le poème « L'invitation au voyage », composé de quatre strophes, on note cette musicalité non seulement par les rimes croisées mais également par le rythme régulier. On retrouve dans toutes les strophes deux vers de cinq syllabes et un vers de sept syllabes. Il y a aussi le refrain, répété trois fois, qui marque la musicalité du poème. Les rythmes et les sons nous transportent dans un état hypnotique.

Le poème « Harmonie du soir » est un poème musical à forme fixe nommé « pantoum ». Cette forme orientale est arrivée en France avec Victor Hugo et consiste à reprendre deux vers de la première strophe à la deuxième et de prendre les deux autres vers de la deuxième strophe et de les reprendre à la troisième, ainsi de suite. La répétition de sons, d'allitérations en « v », »s » et d' assonances en « i » créent le rythme du poème.

On retrouve aussi cette musicalité dans le poème « Abel et Caïn », constitué de seize strophes et organisé en deux parties : dans l'une les vers commence par « Race d'Abel », et dans l'autre par « Race de Caïn ». Les rimes sont croisées et tous les vers sont des octosyllabes. Tous ces éléments créent une symétrie

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