LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Complainte d'un autre dimanche - Jules Laforgue

Commentaire de texte : Complainte d'un autre dimanche - Jules Laforgue. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Février 2017  •  Commentaire de texte  •  1 709 Mots (7 Pages)  •  4 540 Vues

Page 1 sur 7

Complainte d'un autre dimanche


C'était un très-au vent d'octobre paysage,
que découpe, aujourd'hui dimanche, la fenêtre,
avec sa jalousie en travers, hors d'usage,
où sèche, depuis quand ! Une paire de guêtres
tachant de deux mals blancs ce glabre paysage.

Un couchant mal bâti suppurant du livide ;
le coin d'une buanderie aux tuiles sales ;
en plein, le val-de-grâce, comme un qui préside ;
cinq arbres en proie à de mesquines rafales
qui marbrent ce ciel crû de bandages livides.

Puis les squelettes de glycines aux ficelles,
en proie à des rafales encor plus mesquines !
ô lendemains de noce ! ô brides de dentelles !
Montrent-elles assez la corde, ces glycines
recroquevillant leur agonie aux ficelles !

Ah ! Qu'est-ce que je fais, ici, dans cette chambre !
Des vers. Et puis, après ! ô sordide limace !
Quoi ! La vie est unique, et toi, sous ce scaphandre,
tu te racontes sans fin, et tu te ressasses !
Seras-tu donc toujours un qui garde la chambre ?

Ce fut un bien au vent d'octobre paysage...

Jules Laforgue est souvent considéré comme un « poète maudit » selon la définition de Verlaine qui désigne un poète incompris dans sa jeunesse et bousculant les codes de la société. En effet, Laforgue étant décédé à l'âge de 27 ans en 1888, son œuvre est restée méconnue lors de son existence. Cependant, Les Complaintes publiées en 1885 témoignent d'une singularité du poète, en rupture avec la poésie romantique et lyrique de son temps. La terme de complainte présente dans tous les titres de cette oeure suggère un ton plaintif, une tonalité sombre et suggère une certaine mélancolie. Mais la complainte est une plainte qui se partage avec un interlocuteur, elle doit être entendue, elle se rapproche d'ailleurs de la chanson populaire qui aurait inspiré Jules Laforgue. La sonorité est alors une part importante de la poésie de la complainte. Complainte d'un autre dimanche suit la Complainte d'un certain dimanche, où il décrit son ennui après le départ d'une amante. Dans Complainte d'un autre dimanche, l'ennui du poète est également exprimé à travers la description d'un paysage.

LECTURE

L'auteur fait une description précise du paysage observé dans la première strophe et brosse les principaux traits de ce paysage. Puis, cette description est poursuivie dans une modalité que l'on peut qualifier d'anti-lyrique. Enfin, il y exprime son état d'âme.

Ainsi, Jules Laforgue reprend un thème lyrique : expression d'un ennui à travers la description paysage, tel que Baudelaire dans Spleen et Idéal mais il déconstruit le topos de ses prédécesseurs romantiques. Dans quelle mesure ce poème témoigne-t-il d'une rupture avec la poésie lyrique ?

I – Strophe 1 : une description précise, objective, impersonnelle d'un paysage

A) Originalité dans la forme

En effet, dans la première strophe, le poète décrit un paysage mais la première personne y est absente contrairement à la poésie romantique où le « je » est omniprésent. Mais ce poème témoigne d'une certaine originalité dès les premiers vers : au vers 1, le poète fait référence à un paysage automnal « octobre »  mais il emploie l'adjectif « très-au vent d'octobre »  ce qui est inattendu, de plus cet adjectif coupe le rythme de la phrase. Bien que ce poème soit composé en alexandrins, la césure traditionnelle de celui-ci en deux hémistiches de 6 syllabes est parfois respectée et parfois bouleversée, notamment dans le deuxième vers où les virgules sont placées après la troisième syllabe et ensuite à la 9ème ce qui coupe l'alexandrin en 3 syllabes, puis 6, puis 3. L'auteur prend donc des libertés dans la versification mais aussi dans des libertés grammaticales : les maux deviennent des « mals » au vers 5.Le rythme est également saccadé avec des sonorités dentales qui dominent le poème.

B) Originalité du paysage

Contrairement aux paysages lyriques, qui sont des paysages naturels, ici le paysage est urbain, on le voit avec ces éléments : « la fenêtre » au vers 2, « les guêtres » au vers 4. D'autant plus que celui-ci est décrit non pas comme idyllique mais plutôt par sa saleté comme on peut le voir au vers 4 l'exclamation « Depuis quand ! » suggère que la paire guêtres  a été délaissée depuis longtemps, tout comme le participe « tachant » au vers 5 qui montre également la « saleté » du paysage. Le paysage est qualifié comme « glabre » : adjectif définissant une peau sans poil, cet adjectif est encore inattendu mais suggère un paysage lisse, ennuyeux.

Cette première strophe est donc une description impersonnelle : le seul sujet présent est la fenêtre. On remarque déjà que les alexandrins sont heurtés par un rythme saccadé avec beaucoup de sonorités dentales et des césures placées presque aléatoirement. De plus, le paysage décrit n'est pas une nature sauvage, comme dans le topos lyrique, il est un paysage urbain et pauvre comme le montre sa description dans les strophes suivantes :

II – Strophe 2 et 3 : Topos lyrique de la nature déconstruit

A) Les éléments du topos lyrique dénaturés

...

Télécharger au format  txt (10.2 Kb)   pdf (64.7 Kb)   docx (345.2 Kb)  
Voir 6 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com