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Article critique sur la Modification, Michel Butor

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Par   •  11 Novembre 2017  •  Dissertation  •  5 468 Mots (22 Pages)  •  1 277 Vues

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Article critique sur

La Modification 

de Michel Butor

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« Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant. » Incipit[1] de La Modification[2], incipit de cette réflexion, c’est à vous que l’on parle lecteur. A travers celle-ci, comme l’a fait Butor auparavant, vous serez acteur de votre propre lecture. Mais avant toute analyse, il est nécessaire de dresser un rapide portrait de l’auteur, afin de comprendre l’univers dans lequel est née cette œuvre.

Michel Butor est né en 1926, il suit des études de lettres et de philosophie mais échoue à l’agrégation. Cela ne l’empêchera pas de devenir professeur dans de nombreuses universités telles que celles de Nice en France, de Genève en Suisse, ou d’autres ; égyptiennes, anglaises, etc. Il est célèbre pour La Modification, parue en 1957 et emblème du Nouveau Roman, pourtant il rompt avec le genre romanesque dès 1960. La Modification, publiée aux Editions de Minuit est un roman de 283 pages plutôt particulier. Il met en scène un personnage, Léon Delmont, homme mûr pas heureux dans sa vie de couple, qui décide de partir rejoindre sa maîtresse pour lui annoncer qu’elle peut venir habiter avec lui, à Paris. Léon est directeur à Paris d’une entreprise vendeuse de machines à écrire. Il effectue donc régulièrement, en train, le trajet Paris-Rome et Rome-Paris. L’histoire se passe uniquement dans ce train, durant le trajet qui le relie de Paris à Rome.
Après 1957, Butor écrira par la suite de nombreux essais, poèmes, critiques ou encore des collaborations avec d’autres artistes. En 2013, il reçoit le Grand prix de littérature de l’Académie française, mais il sera aussi reconnu pour
La Modification avec le Prix Renaudot, pour Répertoires avec le Prix de la Critique littéraire, et d’autres encore. Ses voyages, son goût pour l’art et sa volonté de combattre les codes empreignent ses œuvres d’une symbolique importante.

En vue de cette idée, il est donc possible de se demander en quoi l’œuvre de Butor est-elle empreinte de références, de symboles et a-t-elle besoin de se rattacher à des « valeurs sûres et indiscutables » pour exister ? En quoi cet attachement de Léon à des traditions et des références est-il annonciateur de la venue de « cette modification » ?

Dans une première partie, vous vous attèlerez à étudier la symbolique comme base et stabilité du roman, puis vous verrez qu’elle recèle de nombreux signes avant-coureurs de la modification à venir. Pour finir, vous vous questionnerez sur ce déséquilibre au sein même de la symbolique, et essaierez de comprendre si elle n’est pas ce qui caractérise le Nouveau Roman dans cette œuvre.

Après la lecture de La Modification, vous vous rendez compte que ce roman est empreint de références, de symboles, d’attachements historiques et artistiques à des époques précises. Butor utilise ces points d’attache pour construire une base stable et sûre sur laquelle s’appuyer pour édifier son histoire.

Tout d’abord, il s’appuie sur de grands genres, de grands courants de la littérature ainsi que sur des références historiques réelles. Dès le début de l’œuvre, vous voyez se dessiner les prémices du théâtre classique. Le théâtre classique est notamment caractérisé par sa règle des trois unités : temps, lieu et action. Une pièce de théâtre classique se déroule dans un espace-temps de 24 heures, au sein d’un unique et même lieu avec une action en cours. L’histoire de Butor narre le voyage qu’entreprend Léon Delmont de Paris à Rome. L’intrigue n’englobe qu’une durée d’à peine 24 heures, elle se déroule entièrement dans le train - vous pourriez même presque limiter cet espace au compartiment de wagon de Léon, au wagon-restaurant et au corridor dans lequel il va fumer ses cigarettes - quant à l’action, elle n’est pas importante. De plus, le « drame intérieur » que vit l’homme peut être comparé à la crise de la tragédie classique. Selon la définition du Dictionnaire de l’Académie[3], cette œuvre de Butor peut être considérée comme un classique car elle est un roman « que les hommes de goût regardent comme un modèle[4] ».

Les références historiques, surtout implicites, sont très nombreuses dans cette œuvre. La Modification peut être vue comme un roman historique. L’intrigue est située précisément : « l’indicateur Chaix, dans la valise de Léon Delmont, correspond à l’«édition du 2 octobre 1955, service d’hiver, valable jusqu’au 2 juin 1956 inclus » (p29) ; l’action se situe deux jours après le mercredi 13 novembre, jour du quarante-cinquième anniversaire de Léon (p37) ; nous sommes le vendredi 15 novembre 1955 »[5]. 1955, la guerre d’Algérie n’est commencée que depuis un an plus, il est donc évident que « le jeune militaire » qui entre dans le wagon n’est autre qu’un soldat de cette guerre. Dix ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, il s’agit de plus d’une période où la société s’émancipe, et se développe : « société de l’objet-roi [6]» avec la présence du rasoir électrique (p97), du stylo professoral (p57), de la valise tendue d’écossais vert et bleu (p47). Il y a de même une multiplication des voyages (voyages d’affaires comme celui de Léon, mais aussi de noces comme celui d’Agnès et de Pierre, ou encore touristiques). Léon raconte donc l’histoire de son temps et cela contribue à la vraisemblance de l’œuvre. Butor fait preuve d’un réalisme rigoureux par ses objectives descriptions de faits véridiques ainsi que celle des objets, des lieux (Léon passera beaucoup de temps à se décrire de manière très précise l’intérieur du compartiment de son wagon, les cadres face à lui, et cela se ressent dès l’incipit : « votre valise couverte de granuleux cuir sombre couleur d’épaisse bouteille, votre valise assez petite… »[7]l). De plus, la quasi intégralité de l’œuvre est narrée à la deuxième personne du pluriel : « c’est vous-même lecteur, que le romancier semble mettre en cause ».[8] Il s’agit ici réellement d’une invitation du narrateur au lecteur, Butor s’adresse au lecteur afin que celui-ci se sente impliqué dans l’œuvre.
Cette deuxième personne du pluriel, ce réalisme rigoureux dans les descriptions, cette évocation de faits historiques participent à la vraisemblance de l’œuvre et à la démonstration que les symboles sont très importants pour l’auteur.

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