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Michel Butor, Les mots dans la peinture

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Par   •  15 Mai 2014  •  Analyse sectorielle  •  2 100 Mots (9 Pages)  •  721 Vues

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HIM

ANALYSE

" Le titre…il nous fait voir l’œuvre d’une certaine façon ; si le tableau avait été nommé autrement, dans bien des cas nous aurions été sensibles à d’autres détails, d’autres organisations. Introduction, donc, mais pas seulement, c’est quelque chose qui demeure, court avec, le titre allant devant comme une sorte d’annonciateur. Heraut de l’œuvre, certes, mais en même temps " maître de cérémonie ", pendant tout le temps que nous considérons l’œuvre, le titre nous surveille. "

Michel Butor, Les mots dans la peinture.

 

Maurizio Cattelan est né en 1960 à Padoue. Il est issu d’un milieu populaire. Il exerce tout d’abord divers petits emplois et travaillera même à la morgue (ce qui peut peut-être expliquer son goût pour le macabre). Dès le début des années 80, il commence à produire des meubles en bois qui lui offrent la possibilité d’entrer en contact avec des personnalités du design comme Ettore Sottsass et le groupe Memphis. Il établie alors un catalogue de ses réalisations qu’il envoie aux galerie en de très nombreux exemplaires. C’est enfin une petite percée dans le domaine du design et de l’art contemporain. Il choisit alors de se faire connaître par la provocation, les détournements et la surprise. Aujourd’hui, il partage sa résidence entre Milan (son pied à terre) et New York (son lieu de travail depuis le début des années 1990). En France, il est représenté par la galerie Emmanuel Perrotin mais l’œuvre que nous avons choisi ici est détenue par le collectionneur français François Pinault. C’est à l’heure actuelle un des artistes contemporains les mieux côtés du marché parmi Jeff Koons et Damien Hirst.

L’œuvre dont nous traiterons ici, est une installation de 101*41*53 cm que l’artiste a choisi de montrer dans un coin, à l’angle d’une pièce et orientée d’une manière telle à être dos au public. Or Him est une sculpture hyperréaliste d’Hitler pris dans un moment de prière. Seulement, l’œuvre est ambiguë puisque ce n’est qu’en s’approchant de l’œuvre par derrière et en tournant autour de cette dernière que l’on découvre qu’il s’agit d’Hitler et non d’un enfant comme on le croyait à première vue. Cette œuvre est donc déconcertante puisque derrière la candeur d’une silhouette aux lignes empreintes de puérilité, l’approche naïve cède le pas à la surprise qui très vite s’ouvre sur l’horreur que nous inspire cette effroyable figure historique du 20ème siècle. " Ce travail juxtapose le vulnérable, l’apparence d’innocence d’un corps de garçon avec la face de l’adulte Adolf Hitler, qui est perçu comme une des plus mauvaises personnes du 20ème siècle pour sa responsabilité pour la mort de 6millions de juifs dans l’holocauste et pour la mort de millions d’autres dans la seconde guerre mondiale ".

Quant au statue de la relation physique du spectateur à l’œuvre, on remarquera que si des œuvres se prêtent à une languissante contemplation comme des toiles de Rothko, ou à un lyrisme évoquant un paysage intérieur telles que des œuvres de Kandinsky, Him quand à lui est subitement privé de la sympathie qu’on lui accordait volontiers dans un premier temps. Mais l’horreur n’est pas tant dans l’image d’Hitler que dans les sentiments que nous affectons à l’œuvre immédiatement avant que ne se révèle la vraie identité de la figure représentée. La sympathie initiale s’efface devant la stupeur, le déconcertement et l’effroi. Cattelan nous rappelle de manière un peu violente que le bien peut côtoyer de manière très proche le mal, et, qu’il n’est pas toujours aisé de les distinguer, que se tromper peut relever d’un lieu commun dans lequel beaucoup sont tombés. L’homme peut faillir dans sa capacité d’analyse quant à la détermination de ce qui appartient au domaine du bien et du mal. Ainsi Him peut se présenter comme une métaphore de notre propre difficulté à faire la part des choses, et de notre propre difficulté à se méfier des apparences, ici trompeuses. Cattelan nous invite explicitement à apprendre à se détourner des séductions spontanées.

Avec Him, Maurizio Cattelan s’affranchit également du " politiquement correct ". " Hitler incarne l’image de la peur. En le mettant en scène, je n’ai fais que m’emparer d’une icône de notre siècle. Ma mère disait toujours qu’il est impossible de bien nettoyer un carreau si on ne voit pas où se trouve la saleté. " Il ajoute : " Je n’ai jamais rien fait de plus provocateur ni de plus impitoyable que ce que je vois tous les jours autour de moi. Au regard de l’actualité, mes œuvres ne sont pas cyniques. Elles sont seulement assez fortes pour réveiller le public. " L’artiste bouscule les consciences afin qu’elles n’oublient pas, car il y a bien l’obligation d’un devoir de mémoire qui est pointé du doigt au fond ici par l’artiste ; l’oubli étant bien pire que le souvenir. Cependant, l’image d’Hitler n’est pas une de celles communes aux livres de classe d’histoire. Nous ne sommes pas ici face à un portrait du fürer mais devant un corps de jeune garçonnet au visage paisible comme si les traits en avaient été volontairement adoucis. Cattelan s’empare d’une icône, celle d’un symbole suprême du mal moderne pour la convertir en celle d’un homme ordinaire se livrant à une prière ou geste de chrétienté. Et, c’est précisément ce déroutement qui confèrera à l’installation un arrière goût de tristesse et de pessimisme sans retirer néanmoins au personnage sa cruauté.

On a la troublante sensation de se compromettre à rester le regarder. Cette scène, où le personnage est en train d’effectuer une prière comme pour réclamer le divin pardon, nous place, nous les spectateurs, dans une position de voyeurisme puisque que la foi relève de l’intime. Maurizion Cattelan met en scène une des plus grande figure du pouvoir en en révélant sa fragilité par ce corps juvénile et son geste religieux. Mais c’est également le côté diabolique du pouvoir qu’il veut mettre en avant en nous présentant un personnage à l’allure séduisante. " Le mal peut-il devenir bien, ne serait-ce qu’un instant ? Hitler a-t-il connu la bonté pendant sa vie, et si oui, peut-on considérer cette lointaine hypothèse comme un motif de rédemption ? Si Hitler suscite la haine, pouvons-nous haïr cet inoffensif petit homme à genou que nous présente l’artiste ? ".

Quant au titre de l’œuvre, il est emprunt à la fois d’un caractère péjoratif et à

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