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Rabelais, Gargantua, chapitre 57

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Par   •  25 Mars 2023  •  Commentaire de texte  •  2 729 Mots (11 Pages)  •  240 Vues

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Rabelais, Gargantua, chapitre 57

Introduction

-publié à Lyon en 1534

-deuxième roman du cycle des géants mais le premier chronologiquement (père de Pantagruel)

-tradition de la littérature populaire, mais revisitée par l'humanisme : nouvelles découvertes, retour au modèle de l'antiquité (Platon), remise en question des autorités médiévales (scolastique), lecture personnelle des textes ans leur version originale, courant évangélique (pour un retour au texte de l'Evangile débarrassé des traductions et interprétations fallacieuses ou trop littérales, des dérives qu'a connues l'Eglise -indulgences, culte des Saints, abus des reliques etc)

-une réflexion sur l'interprétation des textes : primauté du symbolisme, de l'allégorie, de l'esprit sur la lettre ; interprétation ouverte (refus du sens unique, du dogmatisme)

-le parcours de Gargantua, de la naissance à sa victoire dans la guerre picrocholine qui constitue comme le passage à la pratique, l'examen qui valide la formation humaniste reçue.

-la récompense aux vainqueurs : Frère Jean, le sauveur du clos de Seuillé, refuse une abbaye traditionnelle mais demande la création d'une abbaye d'un nouveau genre qui prend le contrepied exact des règles monastiques.

-chapitre 57 : le dernier, la consécration, le principe et le résumé de tous ceux qui précèdent, et en même temps, pas touât à fait le dernier car tout va se rouvrir en une nouvelle énigme qui rappelle la nécessité de ne jamais figer le sens, s'en tenir à une interprétation.

Projet de lecture : le résumé de l'idéal de Rabelais/une utopie ? (perfection mais inaccessible; un véritable modèle?)

Plan        1) -de "Toute leur vie" jusqu'à "quelconque." : un principe et son application

        2) -de "Ainsi l'avait établi" jusqu'à "nous est dénié." : rappel et explication de la règle

        3) -de "Par cette liberté" jusqu'à "les autres oiseaux." : tableau idéalisé des activités

        4) -de "Tant noblement étaient appris" jusqu'à "que là étaient." : "portait idéalisé des thélèmites

        5) -de « Par cette raison" jusqu'à "comme le premier de leurs noces." : la sortie de l'abbaye.

Explication linéaire

1)Le texte commence par poser, ou rappeler le principe de l'abbaye en lui donnant une formulation générale et insistante. Ce ne sont plus en effet les seules règles monastiques (les trois vœux : chasteté, pauvreté, obéissance) mais la vie tout entière qui obéit au principe de liberté. Rabelais utilise donc trois termes qui ne sont pas tout à fait synonymes : "lois" (la société civile), "statuts" (une réglementation particulière) et "règles" (cadre ecclésiastique).

De même, "vouloir" et "franc arbitre" désignent respectivement la volonté, l'acte de vouloir, moteur de l'action, et le libre arbitre, le fait de se décider librement, sans contrainte.

Même si ces termes ne sont pas synonymes, leur parenté étroite produit une redondance (un ternaire puis un binaire qui l'annule)  qui renforce l'affirmation.

Le texte expose ensuite une énumération d'activités quotidiennes à l'imparfait d'habitude (ou de répétition) une première fois sur le mode affirmatif en posant la liberté puis, pour insister, une seconde fois, en adoptant une formulation négative cette fois pour dire la même chose. Toutes ces activités correspondent aux besoins naturels et physiques qui constituent comme la base de l'existence : dormir, boire, manger. Il faut tout de même y ajouter le travail. L'énumération s'ouvre sur le lever et se clôt sur le sommeil, dessinant ainsi un cycle de vie, celui d'une journée. Dans la première partie, on trouve deux formulations positives "quand bon leur semblait" et "quand le désir leur venait", construites de manière identique en subordonnées temporelles avec la reprise insistante de "quand".

La seconde formulation reprend les mêmes activités en leur donnant une traduction quelque peu différente mais qui rappelle étroitement la première : "les éveillait" pour "se levaient", les infinitifs "boire" et "manger" pour les indicatifs imparfaits précédents, "faire chose autre quelconque" '(formulation qui généralise) pour "travaillaient." Ce passage pourrait rappeler la liberté débridée de l'enfant Gargantua chez ses premiers précepteurs "sophistes" (maître Thubal Holopherne), mais il ne s'agit pas en réalité de la même chose. Ce ne sont plus l'excès ni le caprice qui dictent les actions mais le simple respect d'une volonté ou d'un désir, individuels, certes, mais qui ont été éclairés, éduqués par l'éducation idéale et humaniste, un temps contraignante, il est vrai, mais pour faire accéder ensuite à la liberté.

2) La courte phrase suivante, au plus-que-parfait, assure la transition avec la suite qui va expliquer, justifier, le choix de ce principe, de cette règle paradoxale. Elle en nomme aussi l’auteur ; en ce sens, ce chapitre constitue bien la conclusion du livre intitulé Gargantua, comme son résumé ou sa consécration.

La formule restrictive "ne ...que" souligne la force universelle d'un seul principe qui se substitue à tous les autres (comme dans l'Evangile, le message d'amour universel du Christ se substitue à tous les préceptes, règles etc de la loi mosaïque (celle de Moïse) dans l'Ancien Testament. La devise, ou la "clause" : "FAIS CE QUE VOUDRAS", simple, brève, radicale, est mise en valeur par la typographie (capitales d'imprimerie). Elle correspond au nom de l'abbaye, Thélème, qui provient du mot grec thélèma, "bon vouloir", acceptation libre. Le mot chez Augustin, désigne le mouvement libre qui pousse l'homme à croire, qui le meut dans la bonne direction de la foi et de l'amour ("Aime et fais ce que tu veux". Cet adage fait partie des citations les plus connues de saint Augustin (354-430, évêque de la ville d’Hippone en Algérie pendant plus de 30 ans), mais aussi souvent les moins bien comprises. A première vue, il pourrait s’agir d’une invitation à profiter de la vie, une version chrétienne du carpe diem. Tout est permis, du moment que l’on aime ! Ce que veut dire Augustin, c'est que tout procède de l’intention qui va donner naissance à une action. Si notre désir est l’amour de Dieu ou de notre prochain, l’action sera bonne. Notons néanmoins qu’Augustin n’oublie pas la matérialité ou la gravité d’un acte, il ne faut pas non plus faire n’importe quoi par amour !). Ce principe va ensuite être expliqué, cette fois encore, en un double mouvement qui répète l'idée pour bien y insister : l'honneur pousse à choisir la vertu et fuir le vice librement ; prétendre contraindre cet honneur ne peut que le pousser à désobéir en choisissant l'inverse. On ne peut donc contraindre à faire le bien. Notons cependant que cette affirmation, cette analyse, ne vaut que pour un certain type d'individus, ceux qui, précisément, sont admis à Thélème (d'où l'importance du chapitre précédent où l'on refusait l'accès à certains pour au contraire inviter les autres). Quels sont-ils ? Tous les termes ici employés ont leur importance : "libères", c'est-à-dire libres et ce dans les deux sens : qui ne dépendent pas d'autrui (pour une raison quelconque) mais aussi qui savent se gouverner par eux-mêmes sans céder à la tyrannie de leurs désirs mal contrôlés (l'épicurisme n'est pas le fait de céder à tous ses penchants, bien au contraire). "bien nés" fait référence à la noblesse des origines, qu'on peut sans doute comprendre ici dans un sens plus élargi que purement social : la noblesse est moins l'aristocratie, le deuxième ordre de la société d'Ancien Régime, qu’une certaine qualité humaine et morale. Notons cependant que dans les descriptions suivantes, ce sont bien les images de la société aristocratique idéalisée que va proposer le texte. "bien instruits" rappelle que cette utopie concerne ceux qui ont suivi la formation humaniste promue dans le roman. Le système d'écho des chapitres du livre construit selon le principe d'inclusion en témoigne : les habits de thélèmites renvoient à ceux du jeune Gargantua comme leurs activités évoquent l'éducation idéale de Ponocratès (chargé de réformer les anciens capitaines de Picrochole pour les ramener dans la voie de la raison et de la vertu).
Enfin, les thélèmites "convers[ent] en compagnie honnêtes", c'est-à-dire vivent avec des compagnons qui leur ressemblent, ne sont donc contraints ni pour les imiter ni pour s'y opposer de vivre avec des personnes dépourvues de toutes les qualités attendues. Une louable émulation ne pourra que régner entre êtres comparables et tous vertueux. Une fois encore, les formulations suivantes s'avèrent redondantes: l'honneur est qualifié d'"instinct" mais aussi d'"aiguillon", et une fois encore les deux mots permettent de poser deux idées tout de même différentes, de préciser la conception que s'en fait Rabelais : "instinct" renvoie à l'idée que l'honneur est une qualité naturelle chez ces êtres, qu'il dirige leur action sans même qu'ils aient besoin d'y réfléchir, spontanément; l'"aiguillon" permet de donner une image suggestive qui éclaire le sens et insiste sur la force de motivation qui réside dans cet honneur. De même, Rabelais répète la même idée quand il reprend "pousse à faits vertueux" par "retire du vice" mais avec une variante intéressante qui précise qu'il faut en effet viser les deux buts qui se complètent.

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