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Rabelais, Gargantua, chapitre 17 : Comment Rabelais mêle-t-il le rire et la critique dans cet épisode ? Quels sont ses enjeux ?

Commentaire de texte : Rabelais, Gargantua, chapitre 17 : Comment Rabelais mêle-t-il le rire et la critique dans cet épisode ? Quels sont ses enjeux ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Juin 2023  •  Commentaire de texte  •  1 607 Mots (7 Pages)  •  335 Vues

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Extrait n°1

François Rabelais est né à la fin du XVème siècle, c’est un érudit passionné de culture antique. Il est connu pour Pantagruel parut en 1532 et Gargantua parut 2 ans plus tard. Ce sont des œuvres comiques et satiriques relatant les aventures d’une famille de géants et d’humains. Mais derrière l’exubérance et le rire de ces œuvres se cache une réflexion humaniste. L’œuvre correspond bien au parcours « Rire et savoir ».

Dans ce passage, au chapitre 17, Grandgousier, insatisfait de l’éducation que Gargantua a reçue jusque-là, décide d’envoyer son fils à Paris en compagnie de Ponocrates, en grec « bourreau de travail ». Arrivé à Paris, Gargantua se réfugie sur les toits de Notre-Dame pour échapper aux Parisiens.

[Lecture du texte] 2min10

Projet de lecture : Comment Rabelais mêle-t-il le rire et la critique dans cet épisode ? Quels sont ses enjeux ?

Mouvements :

L. 1 à 4 : Une curiosité ridiculisée des Parisiens

L. 5 à 10 : Gargantua se réfugie sur les tours et se venge des Parisiens

L. 11 à 16 : La réaction des Parisiens, donnant lieu à une nouvelle dénomination de la capitale

L. 17 à fin : Vers une nouvelle étymologie fantaisiste et satirique des Parisiens

  1. Une curiosité ridiculisée des Parisiens

  • La première phrase de l’extrait inscrit le passage dans la continuité du récit avec le complément circonstanciel de temps « Quelques jours après qu’ils se furent reposés » (l.1) faisant référence au voyage jusqu’à Paris.
  • Les temps sont ceux du récit (passé antérieur/passé simple) :  « se furent reposés » (l.1) / « visita » (l.1)
  • La visite de Paris est annoncée dans une proposition courte où Paris est désigné par la périphrase « la grande ville » (l.1) 
  • Le géant est ramené à une dimension humaine avant de retrouver dans la proposition coordonnée par « et » (l.1) son caractère de géant avec la tournure hyperbolique : « contemplé par tout le monde avec beaucoup d’admiration » (l.1-2). 
  • La tournure passive met en valeur le complément d’agent « tout le monde » et l’importance du regard avec « contemplé et admiration ».
  • La phrase suivante explique cette admiration avec la conjonction de coordination « car » (l.2). Elle introduit un commentaire du narrateur et une critique sans appel des Parisiens à travers l’expression au rythme ternaire « si sot, si gobeur, si inepte de nature ».
  • La répétition anaphorique de l’adverbe d’intensité « si » et le rythme ascendant des adjectifs renforcent la condamnation qui porte sur la bêtise des Parisiens.
  • L’adverbe d’intensité annonce la subordonnée de conséquence qui suit et qui renforce la critique.
  • Un champ lexical de la foire ou de la fête réunit les sujets du verbe de la subordonnée : « un  bateleur » « un mulet à grelots » « un joueur de vielle » (l.3); au milieu de ces références à la fête, à la musique  se mêle « un porteur de reliques ». Ce religieux appartient à un ordre mendiant et fait appel à la superstition des gens.
  • La tournure comparative « plus de gens que » (l.4) montre plus la superficialité et la crédulité des Parisiens que la profondeur de la religion qui ne les intéresse pas.
  • Cette profondeur est incarnée par l’expression méliorative « un bon prêcheur évangélique », c’est-à-dire un religieux s’appuyant sur les textes des Evangiles, proposant une attitude spirituelle plus authentique et profonde.
  • Le « porteur de reliques »  est déjà une référence à la Sorbonne, collège de théologie auquel Rabelais s’attaque dans le roman et dans la suite de l’extrait qui acceptait ce type de pratiques.
  1. Gargantua se réfugie sur les tours et se venge des Parisiens
  • Le récit se poursuit avec un retour au passé simple, « fut » (l.5), et une tournure consécutive mettant en valeur la nécessité de fuir ces Parisiens : « tant d’insistance » .
  • La bêtise de ces Parisiens conduit Gargantua à se réfugier sur les tours de Notre-Dame, rappelant le gigantisme du personnage.
  • Gargantua surplombe Paris et ses nombreux habitants « voyant tant de gens » (l.6) et l’auteur prend soin de faire entendre la voix « d’une voix claire » et la malice du personnage en passant au discours direct aux lignes 7-8 :
  • La parole au discours direct annonce la vengeance de Gargantua avec le verbe « payer » et le terme dépréciatif « maroufles » désignant les Parisiens. 
  • Gargantua marque ainsi son arrivée à Paris avec malice comme le montre son ton moqueur « ce n’est que raison » (l.7-8) qui contient de l’ironie puisqu’il s’agirait de remercier ce peuple de son accueil, comme si Gargantua faisait œuvre de justice.
  • Le futur proche « je vais leur en donner » (l.8) traduit bien l’intention rusée et le terme « pourboire » est une traduction du terme « vin », il s’agit d’abreuver les Parisiens mais en leur jouant un mauvais tour, comme l’annoncent l’objection introduite par la conjonction « mais » et l’expression « par ris » qui est un calembour reposant sur l’homonymie de la ville de Paris.
  • L’adverbe « Alors » (l.9) met en valeur l’exécution de sa vengeance à laquelle Gargantua prend un malin plaisir comme l’annonce le groupe gérondif « en souriant » .
  • Les termes appartenant au registre scatologique « braguette, membre, compissa » donnent un aspect farcesque à la scène, aspect renforcé par l’idée d’abondance avec le groupe adverbial « si hardiment », le verbe « noya » et le nombre dont la précision prête à sourire alors qu’il s’agit d’une noyade.
  • L’aspect visuel de la scène prête aussi à sourire avec l’expression « tirant son membre en l’air », sachant qu’il s’agit d’un géant.
  • Il s’agit bien d’un épisode carnavalesque où tous les excès sont permis ainsi que tous les renversements : Gargantua urine sur Paris depuis les tours d’un lieu sacré.
  • L’expression « sans compter les femmes et les petits enfants » (l.10) confirme cette parodie puisque c’est une expression qui est fréquente dans la Bible.
  1. La réaction des Parisiens, donnant lieu à une nouvelle dénomination de la capitale
  • La réaction des Parisiens est une réaction de fuite face à ce que Rabelais nomme le « pissefort » (l.11) c’est-à-dire le flot d’urine. Peu y échappent comme le souligne l’expression « certains d’entre eux ».
  • Il s’agit bien d’une fuite qui prend des allures épiques.
  • L’énumération des participes présents « suant, toussant, crachant » (l.12) et l’expression « hors d’haleine » confirment la difficulté de l’épreuve mais donnent surtout l’image d’hommes souffreteux, malades. Le lieu de refuge est évidemment symbolique : la Sorbonne, collège de théologie.
  • Or dans ce lieu, les Parisiens ont pour réaction de « maudire et jurer » (l.12-13), des actes condamnés par la religion.
  • Leurs paroles se réduisent à des calomnies et des blasphèmes.
  • Leur réaction est antithétique : « en colère » (l.13) permet de justifier la présence des blasphèmes (paroles qui outragent la religion).
  • Le discours direct de la ligne 13 permet d’entendre la voix des Parisiens qui confirme leur caractère superstitieux avec les formules empruntées à la magie « Abracadabri, abracadabra ».
  • La formule est amusante également par le jeu de rimes et le comique de mot qui permet de créer une nouvelle étymologie pour Paris « par ris » (l.14)
  • La tournure « c’est ainsi » (l.14) introduit le commentaire et l’explication du narrateur qui, sur un ton apparemment sérieux, donne une explication fantaisiste de l’évolution du nom de Paris.
  1. Vers une nouvelle étymologie fantaisiste et satirique des Parisiens
  • Le dernier paragraphe est une conséquence de ce nouveau « baptême » (l.17) puisqu’il décrit la réaction des Parisiens pour mieux en faire la satire.
  • Le terme « baptême » en lui-même confirme le ton héroï-comique de l’extrait puisqu’il donne à cet épisode scatologique la dignité d’un baptême, désacralisant le mot.
  • Les « assistants », qui désignent les Parisiens poursuivent leurs jurons, ce qui conduit le narrateur à formuler un dernier commentaire satirique qui apparaît comme une conséquence avec la locution « c’est pourquoi ».
  • Il souligne le caractère hétéroclite du peuple parisien avec les déterminants « toutes sortes de » (l.18) et l’expression assez péjorative « pièces rapportées » et définit une caractéristique inhérente à ce peuple en rapprochant les termes « jureurs et juristes » (l.19)  proches par leur sonorité dans une paronomase.
  • Le commentaire ironique du narrateur sur l’orgueil renforce le comique de ces parisiens par la litote « quelque peu présomptueux ».
  • Le narrateur appuie à nouveau cette remarque par un livre est imaginaire.
  • L’auteur introduit ainsi une nouvelle étymologie fantaisiste qui renforce la satire envers les Parisiens avec le terme grec « Parrhésiens » (l.20).
  • Le peuple parisien serait donc « forts en gueule » (l.21) c’est-à dire qu’il n’hésite pas à parler fort et à jurer.

Cet extrait fait donc partie des passages où s’exprime le rire rabelaisien, un rire qui mêle la fantaisie du gigantisme, la scatologie et la satire. En effet, cet épisode permet à Rabelais d’amuser son lecteur mais aussi de se moquer de la curiosité des Parisiens. En montant sur les tours de Notre-Dame, Gargantua se place du côté de Dieu, et il noie et purifie de son urine dans un renversement carnavalesque des Parisiens qui tentent de se réfugier à la Sorbonne, qui représente une religion que Rabelais juge sévèrement. Cette parodie de récit épique offre aussi l’occasion à Rabelais de définir une étymologie fantaisiste de Paris et des Parisiens. L’épisode se poursuivra sur la même veine avec le vol des cloches qui obligera les Parisiens à supplier Gargantua dans un discours ridicule.

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