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Marivaux, Les Fausses Confidences

Chronologie : Marivaux, Les Fausses Confidences. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Juin 2023  •  Chronologie  •  1 784 Mots (8 Pages)  •  118 Vues

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LES FAUSSES CONFIDENCES DE MARIVAUX

3ème lecture linéaire, acte III, scène 12

Première remarque : scène où il n’y a que deux personnes : Araminte et Dorante, montre que c’est une scène de sincérité car on est à la fin de la pièce (dénouement)

résistance très forte de la part d’Araminte qui est précédé d’un dialogue complètement artificiel avec son « intendant » Araminte choisit dans un premier temps de renvoyer Dorante, de se séparer de lui. La scène prend d’abord la voie de la rupture.

PB : En quoi cette scène justifie-t-elle le marivaudage

PB 2ème proposition : en quoi cette scène constitue-t-elle le véritable dénouement de la pièce ?

Araminte.

Vous donner mon portrait ! songez-vous que ce serait avouer que je vous aime ?

Dorante.

Que vous m’aimez, madame ! Quelle idée ! qui pourrait se l’imaginer ?

Araminte, d’un ton vif et naïf.

Et voilà pourtant ce qui m’arrive.

Dorante, se jetant à ses genoux.

Je me meurs !

Araminte.

Je ne sais plus où je suis. Modérez votre joie ; levez-vous, Dorante.

1er mouvement : Une scène de déclaration originale

 *La première réplique est déjà en soit un premier aveu, en effet la deuxième phrase porte sur me verbe « avouer » elle ne porte pas sur l’existence de cette amour mais sur son aveu. Cette formulation est différente d’une autre formulation qui serait par exemple : « ce serait vous laisser penser que je vous aime » . L’exclamation comme l’interrogation montrent que le personnage est perturbé, submergé par l’émotion


*Dorante lui même interroge la formulation d’Araminte, sa surprise n’est pas feinte «  Que vous m’aimez madame ? Quelle idée ! » Il replace cet amour dans une existence impossible, lui-même semble en proie à une très vive émotion comme le montrent la ponctuation expressive, l’exclamation « quelle idée ». A ce stade de la pièce, le personnage n’a en effet plus d’espoir d’arriver à ses fins. L’enchaînement des répliques est très rapide, le spectateur perçoit une grande tension dans ce dialogue.


*On remarque l’emploi de la périphrase «  Et voilà pourtant ce qui m’arrive » qui a un double intérêt :  1 elle permet d’exprimer le sentiment amoureux sans parler d’amour, elle nous montre qu’Araminte ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive, on approche du sentiment sans le nommer : le pronom « ce » permet de ne pas nommer le sentiment // 2 la périphrase met l’accent sur le processus en cours de développement, Araminte n’est pas sujet de la phrase mais elle en est le complément d’objet, elle subit l’action. A cela s’ajoute les précisions données par la didascalie  « vif et naïf » signifient sans préparation, sans arrière pensée, on est donc face à  un langage vrai/transparent. . Le langage semble « échapper » au personnage, comme s’il n’était plus vraiment contrôlé par la conscience d’Araminte.

Tout cela prend la valeur d’une déclaration puisque Dorante se jette à ses genoux.


*Sa réplique «  Je me meurs » que l’on peut considérer comme une hyperbole exprime le plus haut degré de la joie, il est heureux à en mourir.


*On sent pourtant qu’Araminte a encore du chemin à faire, elle est dans un état de confusion totale « Je ne sais où je suis » et elle refrène les élans amoureux de Dorante  

L’ensemble de ce premier mouvement suggère un rythme rapide, les répliques s’enchaînent dans la précipitation, les personnages sont trahis par leur propre langage, c’est ce qui définit le marivaudage.


La scène aurait pu s’arrêter là, les deux personnages s’avouent un amour réciproque mais il reste à traiter la question du stratagème.

.Dorante, se lève, et dit tendrement.

Je ne la mérite pas, cette joie me transporte, je ne la mérite pas, madame. Vous allez me l’ôter ; mais n’importe ; il faut que vous soyez instruite.

Araminte, étonnée.

Comment ! que voulez-vous dire ?

Dorante.

Dans tout ce qui s’est passé chez vous, il n’y a rien de vrai que ma passion, qui est infinie, et que le portrait que j’ai fait. /Tous les incidents qui sont arrivés partent de l’industrie d’un domestique qui savait mon amour, qui m’en plaint, qui, par le charme de l’espérance, du plaisir de vous voir, m’a, pour ainsi dire, forcé de consentir à son stratagème ; il voulait me faire valoir auprès de vous. /Voilà, madame, ce que mon respect, mon amour et mon caractère ne me permettent pas de vous cacher. J’aime encore mieux regretter votre tendresse que de la devoir à l’artifice qui me l’a acquise. J’aime mieux votre haine que le remords d’avoir trompé ce que j’adore.

2ème mouvement : l’aveu

Plusieurs éléments s’inscrivent en rupture avec le premier mouvement :

- la posture et l’intonation des personnages se modifient Dorante se lève/ il parle tendrement. Cela suggère un ralentissement de rythme de la scène, la scène de déclaration ne constitue donc pas le dénouement de la pièce, il en faut un deuxième, qui porte sur la révélation du stratagème.

On aborde donc dans ce deuxième mouvement la deuxième caractéristique du théâtre de Marivaux : la nécessité du stratagème pour forcer le personnage à laisser échapper cette parole. L’aveu ne peut être une résolution en soit, il doit être associé à la révélation du stratagème. Après l’épreuve de l’amour l’épreuve de la vérité et le changement de posture des personnages indique clairement l’introduction de ce deuxième mouvement

* La révélation du stratagème est précédée d’une précaution oratoire (formes négatives répétées, comme expression d’un renoncement) qui montre que Dorante est conscient des enjeux de cette révélation. Ici ce qui nous intéresse c’est la forme impersonnelle « Il faut » parce qu’il n’y a pas d’amour sans vérité. Même si le vrai a surgit du faux il faut démêler le vrai du faux, c’est une exigence emblématique de Marivaux.

* La tirade de Dorante confirme ce que Dubois disait de lui à l’acte I scène 14, c’est une probité merveilleuse (honnêteté, sincérité). La tirade de Dorante se structure en trois parties :

1) L’affirmation renforcée de son amour par l’hyperbole « passion – infinie » et par la référence au portrait qui inscrit cet amour dans la durée (le portrait a été fait avant que Dorante n’entre comme intendant dans la maison d’Araminte. La sincérité s’exprime pas la restriction négative « ne que » qui montre la volonté du personnage de faire  la lumière sur tous les éléments passés. Avec cette première phrase affirmative il ne cherche plus du tout à manipuler Araminte, il prend tous les risques.

2) De « Tous les » à « vous » : résumé de l’intrigue et révélation du stratagème. Dubois est systématiquement sujet et Dorante est toujours en complément d’objet. Le stratagème est associé à Dubois qui n’est pas nommé en tant que tel, il est le « domestique ». Cet emploi n’a rien de condescendant, il sert à rappeler la fonction exercé par Dubois, celle de servir, au même titre que le stratagème dont il est l’auteur. Le mensonge a cette même fonction de servir, il est le « domestique » du sentiment amoureux, il le sert. On doit donc l’excuser.  Le mensonge ici, ne s’oppose pas à la vérité, paradoxalement, il la sert. Le champ lexical associé à Dubois : « plaindre », « charme », « espérance », « plaisir », « se faire valoir » est celui du sentiment, ainsi si Dubois est un domestique, c’est surtout parce qu’il se met au service de l’amour. Ce résumé ne dure qu’une seule phrase, Dorante ne s’attarde pas sur cette révélation

3) L’autoportrait d’un honnête homme. Le respect et l’honneur sont placés au dessus de l’amour « j’aime mieux que » ce qui est sensible par les gradations, on passe de « regretter votre tendresse » à « votre haine », on passe de « l’artifice » à la « tromperie ». On est sensible aussi au verbe « adorer » qui est supérieur au verbe « aimer ». Dorante prend ici le risque de la perdre au moment où elle s’est déclarée

Araminte, le regardant quelque temps sans parler.

Si j’apprenais cela d’un autre que de vous, je vous haïrais sans doute ; mais l’aveu que vous m’en faites vous-même dans un moment comme celui-ci, change tout. Ce trait de sincérité me charme, me paraît incroyable, et vous êtes le plus honnête homme du monde. //Après tout, puisque vous m’aimez véritablement, ce que vous avez fait pour gagner mon cœur n’est point blâmable. Il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire, et on doit lui pardonner lorsqu’il a réussi.

Dorante.

Quoi ! la charmante Araminte daigne me justifier !

Araminte.

Voici le comte avec ma mère, ne dites mot, et laissez-moi parler.

3ème mouvement : le pardon

Le silence qui précède la réplique signifie que c'est en femme raisonnable qu'Araminte répond.

La réplique d’Araminte se structure en deux parties :

  1. de « si j’apprenais » à « monde ». La gradation que l’on observe dans ce premier mouvement « haïrais », « charme », « incroyable », « le plus honnête homme » (superlatif) montre que la sincérité de Dorante permet de renverser la situation : au lieu d’être considéré comme un petit intrigant, Dorante sort grandi de ces manipulations et devient, non pas seulement un honnête homme » mais « le plus honnête homme du monde ».
  2. deuxième partie : de « Après tout » à « a réussi ». On remarque qu’Araminte propose deux fois la même conclusion : au niveau de l'histoire (les pronoms « vous/ m’ », verbe au présent d’énonciation et au passé composé). Puis elle reprend la même idée et la formule comme une moralité. Marivaux parle après son personnage : on note la forme impersonnelle « Il est permis », le présent de vérité générale « on doit lui pardonner » et la généralisation «  un amant et pas Dorante ». C’est la leçon du théâtre de Marivaux. La fin du mouvement signe donc le dénouement de la comédie, on en a la leçon.

*.La réplique d’Araminte peut donc être considérée comme la leçon de la pièce, Araminte devient le porte parole de Marivaux, elle aide le spectateur à ne pas faire de contre sens sur la pièce. Il ne s’agit pas de blâmer Dubois et Dorante, il ne s’agit pas de critiquer le stratagème il s’agit au contraire de la valoriser comme seul moyen de faire advenir le sentiment amoureux. Le stratagème chez Marivaux n’est pas le contraire de la sincérité.

* On note qu’Araminte est désormais prête à exprimer publiquement son amour, « laissez-moi parler » elle le fait dans la scène 13. Le ton d'Araminte déterminé marque l'évolution d 'un personnage qui assume désormais son sentiment. Elle est prête à affronter les deux seuls personnages qui peuvent encore s'opposer à ce mariage.

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