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Qu’est-ce que le Conseil constitutionnel appelle dans la décision n°86-224 DC la « conception française de la séparation des pouvoirs ».

Dissertation : Qu’est-ce que le Conseil constitutionnel appelle dans la décision n°86-224 DC la « conception française de la séparation des pouvoirs ».. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Mars 2024  •  Dissertation  •  2 391 Mots (10 Pages)  •  56 Vues

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TD 4

Dissertation : Qu’est-ce que le Conseil constitutionnel appelle dans la décision n°86-224 DC la « conception française de la séparation des pouvoirs ».

        « La concentration des pouvoirs et la servitude individuelle croîtront donc, chez des nations démocratiques, non seulement en proportion de l’égalité, mais en raison de l’ignorance ». Par cette citation tirée de son ouvrage De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville réalise l’observation selon laquelle, dans la plupart des démocraties, il existe un tendance à la concentration des pouvoirs. Cette centralisation des pouvoirs qui se retrouve au sein des gouvernements et des institutions peut notamment affaiblir les contrepoids et les mécanismes de contrôle, découlant sur une forme de servitude et de dépendance des individus. On parle par exemple de risques de tyrannie de la majorité.

Ce sont notamment ces idées et théories qui ont motivé le passage à une séparation des pouvoirs prévoyant un certain équilibre entre les pouvoirs afin d’éviter tout risque despotique de dérive du gouvernement et de garantir une indépendance judiciaire.

        La concentration des pouvoirs a en effet fait l’objet d’une division, venant séparer le pouvoir législatif, judiciaire et exécutif. Il s’agit d’un principe fondamental caractéristique des démocraties représentatives. La théorie de la séparation des pouvoirs fut dans un premier temps théorisée par différents philosophes de Lumières tels que John Locke ou encore Montesquieu. Ils ne se basent néanmoins pas sur le même régime politique car Locke est venu s’intéresser à la monarchie parlementaire instaurée en Angleterre depuis 1689 et qui est toujours d’actualité, tandis que Montesquieu s’est appuyé sur la monarchie absolue française et a ensuite réalisé un voyage en Angleterre lui permettant de comparer ces deux régimes politiques et de ramener sa version de la séparation des pouvoirs. On retrouve sa théorie dans son livre intitulé De l’esprit des lois (1748). Auparavant, le principe de séparation était déjà d’actualité mais ne concernait que la distinction entre pouvoir religieux ou pouvoir spirituel, exercés par le Clergé, le pouvoir politique qui était cette fois exercé par la Noblesse et le pouvoir économique et financier. Il ne concerne désormais que le pouvoir politique. Il a également une valeur constitutionnelle car il a été inscrit dans la DDHC de 1789.

        Toutefois, et comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision n°86-224 DC en date du 23 janvier 1987, la France a développé sa propre conception de la séparation des pouvoirs qui diffèrent donc de celle des autres régimes. Cette idée de « conception française » de la séparation des pouvoirs fait en effet référence à l’existence d’un système juridictionnel dualiste qui comprend une autorité administrative et un autorité judiciaire distinctes. Cette division est notamment le fruit de l’histoire qu’il convient d’étudier pour comprendre l’organisation juridictionnelle française.

        Cette organisation juridictionnelle française comprend donc une autorité administrative à la tête de laquelle on retrouve le Conseil d’Etat et une autorité judiciaire à la tête de laquelle on retrouve la Cour de cassation, toutes deux juridictions suprêmes. De ce fait, ces deux autorités sont complémentaires tout en ayant des compétences bien définies et propres à chacune. François Raynaud définit notamment ce dualisme juridictionnel comme « l'existence d'au moins deux ordres de juridiction et donc d'au moins deux cours suprêmes souveraines, chacune disposant d'un domaine de compétence propre sans qu'aucune ne prenne, d'un point de vue théorique, le pas sur l'autre ».

        Si on élargit notre vision à travers l’ensemble de l’Europe, il est nécessaire de remarquer que ce système juridictionnel n’est pas universel et ne concerne que certains Etats. Le Danemark par exemple se base sur un système moniste. La constitution danoise dispose que « le pouvoir judiciaire est un organe indépendant. Le Gouvernement ne peut ni dicter les décisions des juridictions, ni révoquer les juges ». Cette nouvelle institution indépendante fut créée le 1er juillet 1999.

        L’intérêt de ce sujet réside dans le fait qu’il soulève des questions fondamentales sur la gouvernance démocratique, le fonctionnement des institutions et l’équilibre des pouvoirs dans chaque Etat. Là où cette séparation ne s’applique pas de la même manière en fonction du pays donné, ce sujet permet de mieux comprendre les mécanismes d’équilibre qui régissent le système politique et qui permettent de garantir aux citoyens la protection de leurs droits et libertés.

Peut-on alors affirmer que le dualisme juridictionnel français fait partie de l’héritage direct de la « conception française » que l’on a de la séparation des pouvoirs ?

Comme amorcé précédemment, il aurait été intéressant de réaliser une comparaison internationale mettant en lumière les similitudes et les différences de chaque système, mais pour des raisons pratiques ce point a été écarté.

Ainsi, cette décision du Conseil d’Etat nous permet de mettre en avant l’étendue de la séparation des pouvoirs sur le système juridictionnel français (I) en développant la portée de cette décision (II).

  1. L’étendue de la séparation des pouvoirs sur le système juridictionnel français

La séparation des autorités administratives et judiciaires a officiellement été instauré par les lois du 16 et 24 aout 1790 qui représentent des textes fondamentaux (A) pour comprendre la dualisme juridictionnel qui découle de la conception française, que l’on peut qualifier de particulière, de la séparation des pouvoirs (B).

  1. Les lois du 16 et 24 aout 1790, textes fondamentaux de la séparation des pouvoirs

Les lois du 16 et 24 aout 1790, ont marqué un tournant majeur dans l’histoire juridique de la France. Elles sont élaborées dans le contexte de la Révolution française avec cette volonté de renverser la vision que l’on avait de la fonction de juger sous l’Ancien Régime. En effet, durant cette période, la justice était réalisée principalement par les tribunaux seigneuriaux et les cours souveraines qui étaient chargés d’administrer la justice au nom du roi. La justice était alors souvent rendue de manière inéquitable et arbitraire. On parlait de période de « méfiance » et même de « défiance » entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire qui était incarné dans les Parlements d’Ancien Régime. C’est ce qui a contribué aux critiques et aux revendications de réformes qui se sont fait entendre principalement durant la période prérévolutionnaire et révolutionnaire. Et afin de prévenir les interférences du pouvoir judiciaire dans les affaires exécutives, il a été clairement établi que les tribunaux avaient interdiction de perturber les activités des organes administratifs ou de convoquer des administrateurs en raison de leurs fonctions. On avait donc cette volonté de casser la vision de l’Ancien Régime tout en instaurant un nouvel ordre juridique et politique qui serait basé cette fois sur les principes d’égalité, de liberté et de fraternité, c’est-à-dire en se concentrant sur le citoyen lui-même.

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