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Le juge administratif pendant la crise sanitaire : auxiliaire de la police administrative ou garde-fou des droits et libertés ?

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Par   •  5 Mars 2023  •  Dissertation  •  4 534 Mots (19 Pages)  •  257 Vues

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L’ordre public sanitaire

Dissertation : « Le juge administratif pendant la crise sanitaire : auxiliaire de la police administrative ou garde-fou des droits et libertés ? »

Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’Etat, lors de son intervention concernant « Le Conseil d’État face à la crise sanitaire du Covid-19 » le 17 septembre 2020 a déclaré que : « Le nombre sans précédent de requêtes dont il a été saisi a ainsi fait du Conseil d’État le réceptacle de toutes les peurs et les frustrations générées par la crise, souvent légitimes, parfois teintées de militantisme, et le garant principal de la continuité de l’État de droit »[1].

Le juge administratif peut être sollicité dans le cadre de deux situations ; au titre de l’état d’urgence sanitaire et celle où il intervient dans un cadre plus classique. Il se trouve être très souvent sollicité durant une crise, en raison de ses procédures d’urgences dont il dispose, se trouvant être efficaces. Ces procédures d’urgences sont caractérisées par des procédures de référés permettant de demander au juge des référés d’ordonner des mesures provisoires tendant à préserver en urgence les droits et libertés garantis par la Constitution. En effet, le juge administratif se porte ainsi garant des droits et libertés fondamentales, qui pour la plupart sont garantis constitutionnellement en vertu du préambule de la Constitution, qui est composé de trois grands texte ; la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, ainsi que la Charte de l’environnement, intégrée dans le bloc de constitutionnalité en 2005. Ainsi, les deux procédures d’urgences les plus utilisées par le Conseil d’Etat afin de garantir les droits et les libertés des individus, sont le « référé-suspension », permettant au juge « de suspendre en urgence une décision administrative lorsqu’existe un doute sérieux sur sa légalité », et la procédure du « référé-liberté », ou le juge peut ordonner « toutes mesures nécessaires pour mettre fin à une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne publique à une liberté fondamentale »[2].

La police administrative, est considérée comme un « ensemble de moyens juridiques et matériels (…) mis en œuvre par les autorités administratives compétentes en vue d’assurer, de maintenir ou de rétablir l’ordre public »[3]. Il est ainsi possible de distinguer la police administrative générale, chargée du maintien de la sécurité, de la tranquillité, ainsi que de la salubrité publique, et d’autre part la police administrative spéciale, instituée par le législateur, poursuivant un but qui lui est propre. Il existe donc une police administrative générale qui poursuit un but d’ordre public généralisé par la trilogie de l’ordre public matériel, mais la notion d’ordre public a évolué en s’élargissant vers une dimension immatérielle, dans laquelle se trouve la moralité publique, ainsi que la protection de la dignité de la personne humaine. Puis, il existe des polices administratives spéciales qui poursuivent un but d’ordre public spécial. De fait, les mesures prises par la police administrative peuvent venir limiter les droits et les libertés au motif qu’elles contreviendraient de manière importante au bon maintien de l’ordre public. Tel a été le cas dans un célèbre arrêt du 27 octobre 1995[4], ou le Conseil d’Etat a déclaré que l’activité dite du « lancer de nain » comportait une atteinte considérable à la dignité de la personne humaine, quand bien même il existait la liberté du travail dont le requérant se prévalait. Néanmoins, la police administrative doit exercer ses compétences dans un cadre très strict. C’est le juge administratif, doté d’un pouvoir juridictionnel qui va ainsi exercer un contrôle sur les mesures prises par la police administrative en les soumettant à des conditions générales de légalité. Il va s’assurer que les mesures prises par la police administrative sont strictement nécessaires, parfaitement adaptées, proportionnées et appropriées aux situations qu’elles sont censées prévenir. Le juge administratif découle de la juridiction administrative, qui a acquis son indépendance grâce à une décision du 22 juillet 1981 relatives aux lois de validation. Il se voit donc attribuer une compétence pour trancher de nombreux litiges, mais aussi une compétence afin d’effectuer un contrôle sur la conformité des actes administratifs à la légalité. Le juge administratif a la possibilité d’intervenir dans deux situations, celle où il est sollicité dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et celle où il intervient dans un cadre plus classique. Au titre de l’état d’urgence sanitaire, et d’après le code de la santé publique, il peut être saisi des mesures prises dans ce cadre d’urgence selon les procédures définies aux articles L.521-1 et L.521-2. Cependant, comment le juge administratif peut-il garder et exécuter correctement son contrôle veillant au respect des droits et des libertés, quand des mesures d’urgences sanitaires viennent justifier « légalement » l’atteinte de ces dernières ? Le juge ne peut-il voir son contrôle sur les mesures de police restreint face à un impératif de sécurité nécessaire pour lutter contre la crise sanitaire ? Il est ainsi possible de se demander quelles sont les mesures utilisées par le juge administratif afin de garantir l’efficacité de la lutte contre la crise sanitaire tout en restreignant les atteintes qu’il constate concernant les droits et libertés.

La question du rôle du juge administratif pendant une crise sanitaire, pouvant être définie comme une « situation troublée qui, en raison de sa gravité, justifie des mesures d’exception »[5], est d’autant plus importante, que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national par un décret du 14 octobre 2020, et c’est la loi du 23 mars 2020 qui a créé ce régime à titre provisoire pour faire face à l’épidémie. Ce cas particulier d’état d’urgence sanitaire est à distinguer de l’état d’urgence de droit commun, prévu par la loi du 3 avril 1955, et qui a été appliqué dernièrement pour les attentats de 2015. C’est ainsi que le monde est plongé dans un contexte de crise sanitaire, et que tous les aspects de la vie sociale subissent désormais les effets de la pandémie de la covid-19. L'état d'urgence sanitaire est « une mesure exceptionnelle pouvant être décidée en conseil des ministres en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie, mettant en péril la santé de la population »[6]. Cependant, cet état d’urgence permet à l’Exécutif de limiter les libertés ainsi que les droits afin de lutter contre la pandémie, ce qui suscite beaucoup de réactions. Tel a été le cas de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui a adopté un avis « d’Etat d’urgence sanitaire et Etat de droit » le 28 avril 2020, où elle s’interroge sur la pertinence de l’instauration d’un état d’urgence sanitaire, ainsi que de son impact qu’il porte sur les institutions et les libertés publiques, en rappelant que la limitation des libertés doit respecter "les principes de stricte nécessité, d’adaptation et de proportionnalité". C’est alors que le juge administratif se trouve sollicité par de nombreuses requêtes, par qui les requérants, à l’appui de leurs demandes, mettent en avant une violation de leurs droits et libertés. De plus, l’épidémie de la covid-19 touche à de nombreux domaines et entraine ainsi une intervention importante de pouvoirs de police administrative spéciale de prévention de l’épidémie.

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