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Passion amour et galanterie dans la Princesse de Clèves

Commentaire d'oeuvre : Passion amour et galanterie dans la Princesse de Clèves. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  21 Avril 2021  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 169 Mots (9 Pages)  •  2 085 Vues

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PASSION, AMOUR ET GALANTERIE DANS LE ROMAN

Ces trois termes fréquents dans le roman ne sont pas synonymes. Mais la différence entre eux n'est pas toujours facile à établir.

  1. LA GALANTERIE : UNE POLITESSE AMOUREUSE EQUIVOQUE

« la magnificence et la galanterie » l'incipit du roman associe le raffinement des manières à la splendeur des fêtes et des costumes à la cour. Témoignage d'un haut degré de civilisation, la « galanterie » désigne plus précisément les comportements respectueux et raffinés des hommes envers les femmes.

C'est la définition donnée du Roi dès le début de l'oeuvre « ce prince était bien fait, galant et amoureux […] il aimait le commerce des femmes, mêmes celles dont il n'était pas amoureux ». Mais de plaire à séduire, et de séduire à tromper, il y a un chemin qui est parfois bien court. Le sens et les usages du terme « galanterie » dans le roman en montrent tout l'équivoque.

On peut peut-être essayer de distinguer une « galanterie  blanche » et une « galanterie noire » dans le roman comme le fait Philippe Sellier (auteur d'une étude sur Mme de Lafayette). Et montrer que l'on passe de l'une à l'autre de manière insensible, et donc que la galanterie comme marque de courtoisie peut devenir inquiétante.

  • la « galanterie blanche »

Dans son sens le plus favorable, le terme de « galanterie » dans le roman est accompagné des termes de « jeunesse », « joie », « agrément », « respect ». Pour être accompli, un jeune homme doit savoir faire la cour à une femme, converser agréablement, lui tourner un compliment, une lettre. Le personnage de Chastelard nous est présenté comme « bien fait de sa personne, adroit à toutes sortes d'exercices, il chantait agréablement, il faisait des vers et avait un esprit galant et passionné » la rencontre au bal a « quelque chose de galant et d'extraordinaire » qui en fait au yeux du lecteur une scène de roman précieux.

Les codes de l'amour galant sont subtils et rigoureux. Nemours ne peut se déclarer (IIème partie), il est inconsolable d'avoir dit des choses « qui bien que galantes par elle-mêmes , lui paraissaient dans ce moment, grossières et peu polies » (III ème partie). «  La belle et honnête galanterie » expression que l'on forge alors, témoigne de l'effort pour inscrire la galanterie dans le cercle des vertus sociales et morales, et même chrétiennes. Mais la galanterie se distingue de l'amour, dans la mesure où elle ne s'adresse normalement ni au corps au-delà des bienséances, ni au cœur dans un engagement durable. Elle apparaît alors comme un lointain parent de la courtoisie médiévale.

  • la « galanterie noire »

Au premier sens le verbe « galer » signifie « tromper ». Dans l'environnement du mot « galanterie » pris dans ce sens , on trouvera alors des termes comme « audace », « secret », « confidence ». De Nemours dont on dit qu'il « avait tant de douceur et de disposition à la galanterie qu'il ne pouvait refuser quelque soins à celles qui tâchaient de lui plaire : ainsi il avait plusieurs maîtresses, mais il était difficile de deviner celle qu'il aimait véritablement » (Ière partie). On relèvera l'usage significatif du pluriel « avoir des galanteries » c'est à dire des intrigues amoureuse. Mme de Chartres prie sa fille « de lui faire confidence de toutes les galanteries qu'on lui dirait »

  • Séduction et trahison

Inquiétante, la galanterie s'associe à d'autres passion dangereuses : on lit en écho à la phrase d'incipit, plus loin dans la Ière partie « l'ambition et la galanterie étaient l'âme de cette cour ». La galanterie est source de fautes morales comme l'hypocrisie, le mensonge, la vanité, le cynisme, qui sont mis en avant dans « l'histoire du Vidame de Chartres ». Mme de Clèves note les « les dispositions pour la galanterie » de Nemours : c'est à dire la certitude d'être trompée un jour. M. de Clèves, en mourant, déclare avec lucidité : « vous connaîtrez la différence d'être aimée comme je vous aimais, à l'être par des gens qui, en vous témoignant de l'amour, ne cherchent que l'honneur de vous séduire ». (IV ème partie).

  • Les femmes qui « tombent »

D'un homme , on peut dire qu'il est « galant », c'est à dire agréable et sociable, et ses succèsféminins ne le déshonorent pas, bien au contraire. Mais une femme « galante » est toujours suspecte de légèreté, voire de débauche (Ière partie). La vertu exige une « extrême modestie » (Ière partie) : la Princesse joint à un « air qui inspirait un grand respect et qui paraissait éloigné de la galanterie, une conduite exacte pour toutes les bienséances »( Ière partie ») Dans la mesure où la vertu est un élément de l'identité féminine, la faute sexuelle serait vécue comme un manquement à soi-même (IIIème partie)

Ce souci de la « gloire féminine » est au centre de l'éducation : « la plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner » (Ière partie). Le choix de mme de Chartres est très éloigné de l'optimisme d'un Molière ou d'un La Fontaine : il s'agit d'inculquer la défiance face à la passion, au corps, au désir. On est là dans une dynamique racinienne et donc janséniste.

  1. LA PASSION COMME DESTRUCTION

Depuis l'Antiquité et jusqu'au XVII ème, la passion amoureuse est une maladie de l'âme et du corps. Le verbe « toucher » très fréquent dans le roman au sens figuré s'employait au sens propre pour signifier «  les violentes impressions que les corps se font les uns sur les autres, qui se heurtent, qui blessent, qui offensent » (Dictionnaire de Furetière, 1690). La passion amoureuse est une violence comme le montre le champ lexical associé de la « douleur » du « chagrin » (au sens de désespoir) , de « l'impatience », de « l'inquiétude » et du « trouble ».

  • La passion : une force aliénante

Aliénante, la passion njous arrache à nous mêmes pour nous « attacher » à l'être aimé. Il est impossible de provoquer la passion que d'y échapper. Mme de Chartres prend soin, en vain « d'attacher » sa fille à son époux (I ère partie). Après la mort de sa mère, la Princesse témoigne à son mari « plus d'amitié et plus de tendresse qu'elle n'avait encore fait […] il lui semblait qu'à force de s'attacher à lui, il la défendrait contre Monsieur de Nemours » (Ière partie). Bien inutilement encore, Mme de Clèves « se faisait un crime de n'avoir pas eu la passion pour Monsieur de Clèves comme si c'eût été une chose en son pouvoir » (IV ème partie). Elle prend « la forte  résolution » d'éviter toutes les occasions qui dépendent d'elle de voir Nemours. La romancière, par la construction de l'intrigue, montre rapidement l'inanité de telles résolutions que le hasard ou le destin balaient. . La toute-puissance de la passion vient illustrer une critique de l'illusion de la volonté de se conduire.

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