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L'ambiguïté du personnage de théâtre

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Par   •  16 Janvier 2021  •  Commentaire de texte  •  2 533 Mots (11 Pages)  •  621 Vues

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L'ambiguïté du personnage de théâtre

Interprétation littéraire : Comment Pirandello fait-il réfléchir le spectateur sur la relation entre le réel et la fiction ?

Face à un théâtre traditionnel, convenu, certains auteurs, novateurs, ont changé les codes, les ont “cassé” dirions-nous pour réinventer de nouvelles formes théâtrales. Sans doute les circonstances et contexte les y ont aidé… Car en 1921, lorsque Luigi Pirandello, auteur italien, publie “Six personnages en quête d’auteur”, l’hécatombe qu’a été la terrible guerre mondiale de 1914 à 1918 n’a cessé que depuis trois ans. Et c’est en réaction à la précarité et question de sens de l’existence humaine que Pirandello s’inscrit dans ce que l’on nommera le "théâtre de l’absurde”. Absurde dans le sens d’illogique, de “non-sens”, comique, mais aussi tragique, aussi le sens d’intelligent car il fait réfléchir. Réfléchir sur le sens à donner à l'existence et sur la relation entre le réel et la fiction. Il réinvente une forme de théâtre, novateur, en partageant le processus créatif de l'œuvre avec le lecteur. Il le fait participer à la réflexion en lui donnant accès aux “coulisses” du théâtre, en lui permettant de pénétrer dans des lieux et des moments de création habituellement inaccessibles. C’est par de tels subterfuges que certains acteurs inventent donc de nouvelles formes théâtrales, qualifié de théâtre de l’absurde car il donne à voir des situations illogiques. Pirandello s’inscrit donc dans ce mouvement. Comme Samuel Beckett (“En attendant Godot", où, durant toute la représentation les comédiens attendent un personnage, Godot, qui jamais ne viendra) ou Eugène Ionesco, mais aussi, Jean-Paul Sartre, Albert Camus et Raymond Queneau, entre autres, après Pirandello.

Pirandello nous permet pénétrer des lieux secrets, les coulisses et répétitions théâtrales dans le cas présent, pour nous faire réfléchir sur la relation entre le réel et la fiction. Situation incongrue que d’aller voir au théâtre une pièce dans laquelle les comédiens sont interrompus par l’arrivée inopinée “d’un groupe de personnes étranges”. Cette situation nous questionne.. Réel ? Fiction ? A tout le moins l’auteur à l'imagination foisonnante ! L’on comprend qu’interrompu en pleine répétition le directeur soit agacé, “désagréable”, demandant “qu’est-ce qu’il y a encore?” (ligne 1). Et lorsque le dialogue s’engage, Pirandello nous fait douter de la réalité de la situation. Car l’objet de cette intempestive intrusion lors d’une répétition est une quête d’auteur. C’est le personnage du père du groupe intrusif qui le répond au directeur du théâtre, à la ligne 8 : “Nous sommes à la recherche d’un auteur”, dit-il. Et face à l’incongruité de la situation l’on comprend la réaction du directeur qui répond, ligne 9, “Mi-abasourdi, mi-rageur. D’un auteur ? Quel auteur ?” Dans cette scène Pirandello s’inscrit bien dans le mouvement du théâtre de l’absurde par cette scène emplie de non-sens, illogique, qui nous pose question à nous aussi, lecteurs. C’est une façon d’appréhender le monde, par l’absurde, une interrogation existentielle qui implique quête, recherche et expression et sensibilité de l’auteur.

D’ailleurs le directeur le dit aux intrus, ligne 13, lorsqu'il leur répond “Nous n’avons pas de temps à perdre avec les fous !”. C’est bien une quête existentielle que Pirandello mène avec ce texte. Après les violences et horreurs vécues pendant les années de la première guerre mondiale, il n’est pas le seul auteur à se questionner sur le sens à donner à l’existence humaine. En créant des mondes, des situations qui questionnent l’Humain et ses possibilités il nous fait part, aussi, des absurdités de la vie humaine. Il nous fait réfléchir sur la relation entre le réel et la fiction, en nous faisant participer, au travers de la lecture de son œuvre, au processus créatif : Le théâtre dans le théâtre, en quelque sorte. Et cette situation est comique, mais aussi tragique, une manière d’appréhender le monde par l’absurde ; Car aller assister à une représentation dont le théâtre est l’interruption d’une répétition théâtrale par l’irruption d’un groupe de personnes qui sont en quête d’un auteur est une situation absurde, s’il en est ! Ce dont convient l’auteur, ligne 15, lorsqu’il fait dire au père qui répond au directeur du théâtre : ”Vous savez bien que la vie est pleine d’un nombre infini d’absurdités”. Qui plus est rendant poreuse la frontière entre réalité et fiction lorsqu’il poursuit, toujours ligne 15 à la suite de sa phrase “qui, avec une sorte d’impudence, n’ont même pas besoin de paraître vraisemblable : Parce qu’elles sont vraies”. Comme si Pirandello le revendiquait. C’est par ce genre de procédé que cet auteur nous fait réfléchir, lecteurs, sur la relation entre le réel et la fiction. En accentuant et insistant sur l’absurdité de l'existence où réel et imagination s'interpénètrent, se répondent.

Pirandello, avec ce texte, exagère une situation banale, donc. C’est une volonté de rupture manifeste, de sa part. Il participe ainsi du progrès et du développement que prend le théâtre, mais aussi les autres formes artistiques. Car l'entre-deux guerres, les années 20 et 30 sont une période de renouveau très féconde pour l’art en général. Les tragédies, guerres, crises et autres, ont amenées une prise de conscience radicale de l’absurdité de l’existence. L’homme se trouve désarmé par rapport à des situations qui le submerge, le dépasse et le questionne, tant par leur folie que leur horreur. Pirandello se saisit donc de cette prise de conscience de l’absurdité de l'existence pour en faire des thèmes d'œuvres, écrites ou théatrales. Quand il fait répondre à son personnage du père, “Vous me permettrez de vous faire observer que, si c’est de la folie, ce n’en est pas moins la raison d’être de votre métier”, ligne 20 et 21. Cependant, comme dans ce texte, si la situation est illogique, le langage des personnages est cohérent. Ainsi Pirandello renforce ce lieu où la folie des hommes lorsque le directeur du théâtre répond au père, ligne 24 et 25 : “Ah, oui? Vous trouvez que c’est un métier de fous, que le nôtre ?”, pendant que les acteurs s’agitaient, indignés. Le champ des possibilités est infini, ouvert, semble nous dire l’auteur: Tout est possible et l’imagination est reine. Tout en mettant en abyme la création théâtrale.

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