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Juste la fin du monde scène 1 / Lagarce Jean-Luc

Commentaire de texte : Juste la fin du monde scène 1 / Lagarce Jean-Luc. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Mars 2022  •  Commentaire de texte  •  1 875 Mots (8 Pages)  •  3 695 Vues

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Parcours : Crise personnelle, crise familiale

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde (1990)

Extrait de la scène 1 de la première partie

Introduction

Juste la fin du monde est une pièce de théâtre écrite par Jean-Luc Lagarce en 1990. L’intrigue tient en peu de lignes : Louis décide de retourner voir sa famille qu’il a quittée bien des années plus tôt afin de lui annoncer sa mort prochaine. Mais sa mère, son frère et sa sœur profitent de sa venue pour l’accuser, chacun à leur manière, de la douleur que leur a causé son départ et Louis repart finalement sans avoir fait son aveu.

L’intrigue présente des similarités avec la situation de Lagarce, atteint du sida, qui se savait condamné au moment de l’écriture de la pièce, de sorte qu’on a pu voir en Louis comme un double de l’auteur.

Dans cette tragédie intime et contemporaine, c’est la communication au sein de la famille qui est le nœud de tous les problèmes. Lagarce révèle cette faille par l’écriture de dialogues où tout est incessamment à redire.

Dans la scène 1 de la première partie, qui vient compléter l’exposition initiée par le prologue, Louis vient d’arriver et se voit donc accueilli par les différents membres de sa famille : sa mère, sa sœur Suzanne, son frère Antoine ainsi que sa belle-sœur Catherine, qu’il rencontre pour la première fois. L’atmosphère qui règne au cours de cette scène de retrouvailles est d’emblée pesante. La longue absence de Louis se lit en creux dans tous les échanges.

Problématique : En quoi cette scène annonce-t-elle l’échec de Louis à faire l’aveu de sa future mort à sa famille ?

Mouvements du texte :

- L’émoi suscité par l’arrivée de Louis

- L’accentuation des tensions et du malaise.

SUZANNE. - C’est Catherine.

Elle est Catherine.

Catherine c’est Louis.

Voilà Louis.

Catherine.

ANTOINE. - Suzanne, s’il te plaît, tu le laisses avancer, laisse-le avancer.

CATHERINE. - Elle est contente.

ANTOINE. - On dirait un épagneul.

LA MERE. - Ne me dis pas ça, ce que je viens d’entendre, c’est vrai, j’oubliais, ne me dites pas ça, ils ne se connaissent pas.

Louis tu ne connais pas Catherine ? Tu ne dis pas ça, vous ne vous connaissez pas, jamais rencontrés, jamais ?

- La scène s’ouvre sur l’arrivée de Louis et pourtant Louis ne parle pas, les autres membres de sa famille ne lui en laissent pas l’occasion. Le caractère de chacun est perceptible dès les premières répliques :

Suzanne, immature, toute fière de pouvoir présenter Louis à sa belle-sœur. Son excitation la rend envahissante (elle prend trop de place, barrant le passage à Louis).

Antoine : brusque, directif, et caustique : On dirait un épagneul. Sans doute est-il jaloux de l’accueil qui est fait à son frère.

Catherine : bienveillante.

La Mère : un peu dépassée, possédant un rapport confus au temps : j’oubliais.

- Les nombreuses répétitions trahissent la nervosité des personnages à l’arrivée de Louis. Les réactions sont diverses : l’euphorie pour Suzanne, l’agacement pour Antoine, la stupéfaction pour la Mère. Ces répétitions allongent les répliques de manière pénible, ce qui génère une atmosphère oppressante pour Louis comme pour le spectateur.

[…]

CATHERINE. – Lorsque nous nous sommes mariés, il n’est pas venu et depuis, le reste du temps, les occasions ne se sont pas trouvées.

ANTOINE. – Elle sait ça parfaitement.

- Une donnée essentielle de l’intrigue est fournie : Louis avait véritablement abandonné sa famille puisqu’il ne connaît pas sa belle-sœur (ni ses neveux et nièce, apprend-t-on par la suite).

- Catherine est diplomate, son attitude n’est pas accusatrice. Pour répondre à La Mère, elle rappelle une cruelle vérité (Louis ne s’est même pas déplacé pour le mariage de son frère) mais évite de faire porter la responsabilité à Louis pour ce qui est de la suite de son absence : les occasions ne se sont pas trouvées.

LA MERE. – Oui, ne m’expliquez pas, c’est bête, je ne sais pas pourquoi je demandais cela,

je le sais aussi bien mais j’oubliais, j’avais oublié toutes ces autres années,

je ne me souvenais pas à ce point, c’est ce que je voulais dire.

- La syntaxe hachée, la contradiction, les répétitions et les variations de temps dans la réplique de la Mère traduisent encore une fois son désarroi, sa confusion.

Il s’agit d’une épanorthose, une figure de style consistant à corriger, à préciser ce qu’on vient de dire. Les épanorthoses sont très fréquentes dans la pièce, c’est une caractéristique de l’écriture de Lagarce. On remarquera que si les personnages de Juste la fin du monde modifient ainsi souvent leur discours, c’est parce qu’ils peinent à exprimer leurs pensées avec clarté. Ils paraissent constamment lutter pour se rendre intelligibles. Autre remarque : ils parlent en vers (des vers totalement libres, sans rimes ni majuscules, mais des vers tout de même) comme dans les tragédies traditionnelles mais à la différence des personnages de tragédie, ce ne sont pas des orateurs qui manient une langue noble et châtiée. Ils s’expriment au contraire dans une langue très simple, sans effet rhétorique ou lyrique.

Dans cette réplique, l’épanorthose manque son but de clarification puisque la fin du discours de la Mère est incompréhensible : je ne me souvenais pas à ce point, c’est ce que je voulais dire. Ainsi, en voulant préciser sa pensée, la Mère n’a fait que la rendre plus confuse.

Ce qui est clair, en revanche, est le morceau de phrase qui précède

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