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Etude linéaire d'un extrait de La Bonne de Jean Genet

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Par   •  15 Février 2023  •  Analyse sectorielle  •  2 388 Mots (10 Pages)  •  276 Vues

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Lecture cursive de la pièce Les Bonnes de Jean Genet (1947)

Objet d’étude : le théâtre du XVIIe au XXIe siècle

Parcours associé : Maîtres et valets

  • Du fait divers à l’écriture dramatique

Genet s’en est plus ou moins défendu mais il est indéniable qu’un fait divers est à l’origine de la pièce Les Bonnes. Il s’agit du fait divers des sœurs Papin : le 2 février 1933, deux sœurs, Christine et Léa Papin, ont sauvagement assassiné leur patronne et sa fille. Elles n’ont pu fournir aucune explication de leur geste. Abandonnées par leur famille, elles étaient servantes dans cette famille bourgeoise du Mans et semblaient correctement traitées. Mais elles vivaient repliées sur elles-mêmes, dans une relation fusionnelle.

Ce fait divers est un point de départ mais Genet s’en éloigne : ce qui l’intéresse c’est de comprendre les motivations internes des criminels. Son expérience de la prison marque son écriture : les personnages Claire et Solange sont comme emprisonnées dans le grand appartement de Madame. Elles se révoltent au début de la pièce et se libèrent par le meurtre, acquérant ainsi le droit d’exister.

  • Décor, accessoires et regard sur la société

Didascalie initiale : La chambre de Madame. Meubles Louis XV. Au fond, une fenêtre ouverte sur la façade de l’immeuble en face. A droite, le lit. A gauche, une porte et une commode. Des fleurs à profusion. C’est le soir. L’actrice qui joue Solange est vêtue d’une petite robe noire de domestique. Sur une chaise, une autre petite robe noire, des bas de fil noirs, une paire de souliers noirs à talons plats.

+ préface p 11-12

Que penser du décor ? Quelle fonction occupe-t-il ? Commentez la répétition du « noir » et la présence des fleurs ; Pourquoi des meubles Louis XV ? Pourquoi l’allusion à la présence d’un immeuble en face ?

Réponses : Le décor crée les conditions d’une intimité avec la chambre qui n’est pas sans rappeler le décor intimiste tragique. La fonction de ce décor est immédiatement de situer le cadre spatio-temporel et de poser les bases sociales de la chambre : la bourgeoisie ; la répétition du noir permet d’insister sur la couleur du domestique par contraste avec les fleurs et la couleur de la maîtresse ; les meubles Louis XV renforcent l’appartenance de classe, on est bien dans la bourgeoisie ; L’immeuble en face et la fenêtre ouverte donnent un cadre urbain pour rappeler la modernité (urbanisation) mais aussi pour bien camper le profil bourgeois. De plus la fenêtre qui permet à l’immeuble d’en face de voir la chambre est une métaphore du regard du spectateur, qui se mue en voyeur, tout au long de la pièce (4ème mur).

  • La réception de la pièce et le malaise suscité

Cf Genet, préface p 11 : « c’est un conte [...] qui avait […] le but […] d’établir une sorte de malaise dans la salle »

Jouée pour la 1ère fois en 1947, juste après la guerre, la pièce a été assez mal reçue, notamment à cause du « malaise » créé et de la satire de la bourgeoisie. Dès la scène d’exposition, on peut constater que les personnages jouent un rôle (mise en abyme) grâce notamment aux didascalies qui montrent une inversion des noms (pour le lecteur). Solange et Claire se sont réparti les rôles de maîtresse (Claire) et bonne (Solange) ; le ton est hostile et montre une maîtresse acariâtre et sadique. Cette mise en abyme fonctionne comme un moyen d’inverser les rôles mais en l’absence de la maîtresse. Le procédé d’inversion des rôles est fréquent avec les travestissements (Marivaux, Beaumarchais) mais en l’absence du maître, la parodie se fait satire et prend un tour beaucoup plus violent. La parodie concerne aussi le tragique mais ne se mue pas pour autant en comique à cause du climat malsain créé.

  • La cérémonie, théâtre dans le théâtre (mise en abyme)

Le lecteur de la pièce comprend dès le début que les bonnes jouent un rôle (grâce aux noms des personnages et aux didascalies) contrairement au spectateur.

L’insertion d’une scène de travestissement où les actrices jouent les bonnes qui elles-mêmes jouent un autre personnage (sa sœur ou Madame) est une forme de mise en abyme du jeu théâtral.

Ce procédé incite le spectateur à prendre conscience des spécificités de la communication théâtrale en ayant accès au processus de création de la pièce.

Les rôles sont redistribués : les personnages deviennent des acteurs (et des spectateurs) à l’intérieur d’une scène. Les spectateurs semblent davantage mis à distance puisqu’ils regardent une pièce dans la pièce.

Après la cérémonie jouée au début de la pièce, on comprend que cette mise en scène est souvent effectuée par les bonnes qui jouent et expriment leur haine pour leur patronne et préparent son assassinat. Ce jeu met également au jour les rapports de pouvoir existant entre les deux sœurs qui ne sont pas des personnages interchangeables : Claire joue le rôle de Madame et domine ainsi Solange qui elle-même joue le rôle de sa sœur, disparaissant ainsi de la scène. Claire est donc une domestique plus importante que Solange.

Le ressort dramatique principal repose sur la répétition d’une « cérémonie » sacrificielle dont l’issue est la mort donnée à « Madame » ; théâtre dans le théâtre, cette mise en abyme permet d’explorer la psychologie de deux êtres sombrant dans une folie destructrice.

  • Le rapport maître/serviteur dans Les Bonnes

Ce rapport est classique au théâtre (cf début de la séquence sur Le Mariage de Figaro).

Dans « Comment jouer Les Bonnes », texte qui accompagne la pièce depuis 1963, Genet affirme: « Une chose doit être écrite : il ne s’agit pas d’un plaidoyer sur le sort des domestiques. » mais au contraire d’un « conte ». Il rejette une lecture sociale de la pièce, ne veut pas qu’on la considère comme une œuvre qui dénoncerait un rapport conflictuel entre classes sociales. Volonté de créer un « conte » (car la pièce a une portée allégorique >> quelle serait alors l’allégorie ? y aurait-il une forme de morale ? => A travers l’imagination, les bonnes se hissent au-dessus de leur condition. Cette pièce fait l’éloge de la création artistique)

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