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Beaumarchais, Le marché de Figaro.

Commentaire de texte : Beaumarchais, Le marché de Figaro.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Février 2017  •  Commentaire de texte  •  1 757 Mots (8 Pages)  •  581 Vues

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Beaumarchais, Le Mariage de Figaro

Acte II, scène  1

  1. Suzanne narratrice et actrice
  2. Cupidon dans la bergerie
  3. Le parti des dominés

Introduction 

        Beaumarchais, homme d’esprit et dramaturge audacieux, écrit en 1775 Le mariage de Figaro ou la folle journée, pièce qui ne sera jouée qu’en 1784 et qui incarnait selon Bonaparte « la Révolution en action ». Cette comédie, de structure assez complexe, suit un fil conducteur : Figaro, valet du comte Almaviva, doit lutter contre les opposants à son mariage avec Suzanne, la camériste de la comtesse. Or, dans l’acte I, la promise de Figaro a appris le départ du page Chérubin, secrètement amoureux de la comtesse : le comte veut le chasser à cause de son libertinage avec la fille du jardinier, Fanchette. Dans la scène 1 de l’acte II, Suzanne raconte à la comtesse les épisodes auxquels elle n’a pas assistés. Ainsi nous verrons d’abord que Suzanne assume une double fonction : narratrice et actrice. Puis comment le désir amoureux est représenté dans ce lieu d’intimité exclusivement féminin. Enfin nous constaterons que se crée aux cours de cette scène un parti des dominés qui s’érige contre toutes les formes d’oppression.


  1. Suzanne narratrice et actrice

  1. La confidente : Alors que l’acte I était situé dans la future chambre nuptiale, bien peu intime, de Suzanne et Figaro, la didascalie initiale de l’acte II place l’épisode dans « la chambre à coucher superbe » de la comtesse. Cette chambre est un lieu d’échanges confidentiels : les repères spatiaux l.1 « se jette » et « ferme la porte » indiquent cette clôture. Il existe une frontière symbolique entre cette pièce et le reste du château : ainsi la parole et son contenu marquent plus d’intimité, de complicité, voire de confiance : l.2 « conte-moi tout dans le plus grand détail » ; le superlatif illustre cette franchise du propos, qui apparaît aussi dans le ton familier, amical qu’emploie la comtesse : « Suzon » (diminutif affectueux de Suzanne) l.4, 11, 15 et 23, « ma pauvre Suzanne » l.29, « ma chère » l.36. La servante joue donc le rôle de la confidente et la comtesse lui parle sans masque l.34 « il ne m’aime plus du tout ».
  1. L’informatrice : Elle est indispensable à sa maîtresse puisqu’elle lui relate ce qu’elle n’a pas vu. Le présent marque une situation de confidentialité au début (impératif) et à la fin du passage (indicatif). On relève aussi « caché » l.3 et 8 qui met en évidence le caractère secret de la conversation. Celle-ci permet à Suzanne de raconter les épisodes auxquels sa maîtresse n’a pas assisté : les verbes d’action conjugués à l’imparfait et au passé simple (l.9 « venait », l.16 « ai protégé », l.17 « a vu », « tenais », l.18 « s’est jeté », etc.) sont nombreux dans cet extrait essentiellement narratif. Le spectateur, lui, a charge de vérifier si Suzanne est une confidente « honnête », comme le laisse entendre la comtesse l.39. En effet, on constate qu’elle reprend mot à mot les termes qu’elle a entendus dans la bouche du page ou du comte : l.13-14 (reprise de I, 7). Les italiques sont d’ailleurs un gage de crédibilité. Mais d’autres phrases sont citées sans les italiques : par exemple la ligne 21 « tu ne l’auras qu’avec ma vie » est une reprise de l’acte I, scène 7. Suzanne restitue donc la vérité des propos et se charge aussi d’un rôle d’entremetteuse en mettant sa propre parole en scène.
  1. L’entremetteuse : Suzanne apparaît comme une femme rusée, une fausse ingénue : elle emploie des négations, des précisions : l.5 « Oh, que non », l.8 « c’est-à-dire ». Elle assure la dynamique du récit en structurant ses propos et en relançant sans cesse son discours : l.12 « c’est ce que j’ai dit », l.17 « puis », l.23-24 « - Eh bien, Suzon ? – Eh bien, madame ». De plus, certains indices prouvent qu’elle a déjà raconté l’essentiel de ce qu’elle rapporte à sa maîtresse : l.3-4, l.29-30. Elle récapitule même des faits déjà connus : l31-32. En fait, ce récit réitéré n’a d’autre but que d’influencer la comtesse en lui présentant Chérubin sous un jour très favorable : l.21-22, l.25-26. L’emploi d’hyperboles et d’antithèses attendrit la comtesse en insistant sur la fougue du page. De manière habile et détournée, Suzanne pousse sa maîtresse à protéger Chérubin (son récit fait écho à la ligne 9) et, ce faisant, à se ranger dans son camp : celui des opprimés. En même temps, elle fait une peinture du désir dans un lieu particulièrement féminin. 

  1. Cupidon dans la bergerie
  1. Le gynécée[1] : La chambre de la comtesse est un lieu exclusivement féminin, interdit aux hommes et hanté par le désir. Cette féminité du lieu est renforcée par les thèmes abordés dans la conversation ; ils concernent les hommes vus par les femmes qui ne les nomment pas : le comte est désigné par le pronom Il l.4, l.29 « mon époux », l.36 « comme tous les maris » ; Chérubin est qualifié par « le petit page » l.7, Il l.17, « un lion » l.20 et « ce petit démon-là » l.25. Ces périphrases illustrent la complicité des deux femmes et disent tantôt la froideur du comte, tantôt l’ardeur de Chérubin. Le dialogue prend même une orientation psychologique avec le champ lexical des sentiments et de la rêverie amoureuse : l.12 « regrets », l.28 « folies », l.34 « il ne m’aime plus du tout », l.35 « jalousie », l.37 « je l’ai trop aimé », l.38 « mes tendresses », « mon amour ». Le mobilier et les accessoires connotent aussi la féminité : une bergère, le ruban de nuit, l’éventail, l’évocation de la robe. Un homme ne peut pénétrer dans ces lieux sans y semer immédiatement le trouble.
  1. Le trouble : Symbolisé par Chérubin, allégorie de Cupidon, le désir fait irruption pour désemparer la comtesse délaissée par son époux. L’appellatif « démon » l.25 est l’écho inversé de « ange », qui renvoie à l’origine du prénom du page[2]. La référence implicite au dieu de l’amour suggère la toute-puissance du désir. La comtesse parvient difficilement à cacher son trouble, comme l’attestent la plupart des didascalies l.1, 19, 23, 28, 34. La ponctuation expressive dans ses propos montre également sa langueur, son incapacité à se concentrer sur la demande de Suzanne : la structure met en évidence cette difficulté à mettre au second plan son désir personnel puisque les lignes 7 à 28 sont consacrées au page. La sensibilité de la comtesse est également trahie par des formules équivoques, par exemple l.11 (polysémie du verbe REFUSER), et par la bouffée de chaleur l.33-34 qui indique son agitation et sa grande émotion. Ce trouble affectif est sans doute dû à l’ambiguïté fondamentale de Chérubin, enfant amoureux qui apparaît à la fois fort et faible ; on relève ainsi une série d’antiphrases opposant le vocabulaire de la force/du courage à celui de la petitesse/de l’enfance : l.7 « petit »/l.8 « grand », l.19 « enfance »/l.20 « lion » (métaphore hyperbolique), l.21 « tu ne l’auras qu’avec ma vie »/l.22 « en forçant sa petite voix douce et grêle », l.26 « il n’oserait seulement »/l.27 « voudrait toujours ». Cette ambiguïté se résume dans l’oxymore l.25 « petit démon ». Si la servante a confié à sa maîtresse les sentiments que le page lui porte, c’est à quelque fin utile : elle cherche à inclure la comtesse dans le camp des dominés.

  1. Le parti des dominés
  1. La protection : Si la servante a confié à sa maîtresse les sentiments que le page lui porte, c’est qu’elle cherche à inclure la comtesse dans le camp des dominés. Elle joue sur deux discours simultanément pour y parvenir : - lui inspirer de l’amour pour Chérubin : l.13 et 21 ;

- lui exposer les infidélités de son mari : l.6 et 31.

La société du XVIII° siècle étant très hiérarchisée, le jeu des protections restait le seul recours face à l’arbitraire des dominants ; ainsi on trouve le champ lexical de la protection : l.8, 9, 16, 32, 39-40.

  1. La coalition : Les manœuvres de Suzanne ont une chance d’aboutir car la comtesse se sent elle-même victime d’une injustice l.37-39 : l’adjectif « seul » signale le caractère exceptionnellement rare des « torts » de la comtesse. Sa « faute » paradoxale (avoir trop aimé le comte) s’oppose l.39 à l’ « honnête aveu » de Suzanne. La tournure négative « je n’entends pas » suivie du futur l.40 « tu épouseras Figaro » marquent une forte volonté. La comtesse ne nous avait pas habitués à une telle détermination ; en fait, Suzanne l’a influencée de telle sorte qu’elle se pose en responsable qui va chercher à se racheter. Beaumarchais attaque ici, sous la figure du comte, l’arbitraire souverain à qui nul n’ose résister. Il règle des comptes avec le pouvoir en place, et Louis XVI l’avait bien compris, puisqu’il mettra quelques années avant d’autoriser à laisser jouer cette pièce. Suzanne dénonce donc sans ambages l’asservissement que veut lui faire subir le comte : à la question tout en pudeur de la comtesse l.4 « séduire », elle oppose « acheter » l.6. Les thèmes de la corruption et de la prostitution sont implicitement évoqués. La scène fédère les victimes des différents types de domination : de rang (Chérubin), de sexe (la comtesse, Suzanne) et d’âge (Chérubin, Suzanne). Figaro semble faire exception à la règle : il est nommé l.40 et mis à part grâce à l’insistance sur le pronom qui le désigne « lui seul », et au verbe mélioratif « aider » l.41. Il est inclus spontanément dans la coalition en raison de sa personnalité bien connue de valet frondeur. La question qui l’appelle l.41 a une raison scénique : il arrive donc à la scène suivante.

Conclusion

Dans cet extrait, Suzanne joue le rôle d’entremetteuse tout en rapportant à la comtesse les événements de l’acte I. Cette intimité est permise par le lieu, qui rappelle l’atmosphère d’un gynécée, et elle a pour conséquence de rallier la comtesse au camp des opprimés. Celle-ci saura profiter de l’ingéniosité de Suzanne et Figaro pour reconquérir son mari…

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