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Le Juge Administratif Et Le Contrôle Des Aides D'Etat Martin Collet

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Par   •  27 Avril 2014  •  9 429 Mots (38 Pages)  •  1 003 Vues

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Revue du droit public et de la science politique en France et à l'Étranger, 01 septembre 2009 n° 5, P. 1311 -

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Droit public

Le juge administratif et le contrôle des aides d'État : de la réception à l'instrumentalisation du droit communautaire ?

par Martin COLLET

Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI)

SOMMAIRE

I. — LA NOTIFICATION DES AIDES D'ÉTAT

A. — Un ralliement plein et entier à la logique communautaire

1. La prévention du défaut de notification

2. La sanction du défaut de notification

B. — Un ralliement non dénué d'arrière-pensées

1. Un ralliement opportun

2. Un ralliement orchestré

II. — LA RÉCUPÉRATION DES AIDES D'ÉTAT

A. — Les interrogations du juge national

1. Le moment de la récupération 2. Le montant de la récupération

B. — L'instrumentalisation du renvoi préjudiciel ?

1. L'abandon des stratégies défensives

2. La promotion d'une stratégie offensive

Quelque chose a changé, depuis deux ou trois ans, dans la manière dont le Conseil d'État appréhende le droit communautaire et envisage ses relations avec la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). « 

Nouvelle donne » (1) , « nouvelle ère » (2) ou, plus sobrement, « changement d'état d'esprit » (3) , les formules sont variées mais le constat reste unanime. Les membres de la juridiction administrative le confessent eux-mêmes volontiers : après une période de « crispation » (4) , les arrêts d'Assemblée De Groot En Slot du 11 décembre 2006 et Arcelor du 8 février 2007 (5) ont ouvert une nouvelle phase, marquée par « une large ouverture » (6) du Conseil d'État au droit communautaire et se traduisant par l'avènement d'un « dialogue des juges » (7) enfin serein entre le Palais-Royal et le plateau du Kirchberg.

Sans contredire tout à fait ce diagnostic, deux décisions rendues en matière d'aides d'État par le Conseil d'État à la fin de l'année 2008 — l'arrêt d'Assemblée du 7 novembre 2008, Comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine et a. (ci après : Comité des vins) (8) et l'arrêt rendu en sous-sections réunies le 19 décembre

2008, Centre d'exportation du livre français (ci-après : CELF) (9) — permettent d'y apporter quelques raffinements, et peut-être aussi d'en identifier les limites. Cette relation nouvelle que le Conseil d'État s'efforce de tisser avec l'ordre juridique communautaire ne se réduit certainement pas à la réception pure et simple — par adhésion véritable ou par résignation — des principes forgés à Bruxelles ou à Luxembourg. Elle conduit également le juge administratif à développer de véritables stratégies d'influence, afin de peser sur la définition des règles communautaires.

Que de telles stratégies soient mobilisées dans la matière des aides d'État ne tient pas du hasard : elle offre un terrain propice à l'affirmation d'une attitude audacieuse de la part du juge national. Cette matière est en effet pour le moins singulière, au regard des enjeux économiques et sociaux qu'elle recouvre et, partant, de leur portée politique. Il est inutile de dérouler les statistiques relatives aux diverses formes d'aides que consentent les États aux agents économiques (subventions, allégements d'impôts, soutiens logistiques, etc.) pour mesurer l'importance que ces aides représentent pour la survie de nombreuses entreprises, et pour la préservation des emplois qui y sont attachés — spécialement en période de crise. La Commission européenne est d'ailleurs parfaitement consciente de ces enjeux, comme en témoigne son récent « Guide des règles communautaires applicables aux aides d'État en faveur des PME (y compris les aides d'État temporaires destinées à favoriser l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle) », publié le 25 février 2009. Autrement dit, en cette matière plus qu'ailleurs, les questions relatives aux modalités d'application du droit communautaire prennent une acuité particulière. L'éventuelle récupération d'une aide indûment versée à une entreprise menacée de fermeture soulève des difficultés politiques d'une toute autre ampleur que la détermination des semences susceptibles d'être vendues sous le nom d'échalote (10) ou que la définition du périmètre exact du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effets de serre (11) ... En outre, la distribution des aides d'État constitue l'un des derniers leviers par lesquels les pouvoirs publics parviennent à agir efficacement sur le tissu économique. Les politiques d'aides forment dès lors un important foyer de légitimation des pouvoirs politiques nationaux comme locaux. La ferveur avec laquelle l'actuel président de la République — comme d'ailleurs son ancienne concurrente, en tant que présidente de région — s'investit dans ces dossiers en s'engageant à ce que la collectivité apporte son soutien à telle ou telle entreprise en difficulté est là pour l'attester. Aussi, la question des marges de manœuvre que le droit communautaire consent ou non à laisser aux pouvoirs publics nationaux représente, en matière d'aides d'État, une affaire des plus sensibles.

Aux termes du traité CE, c'est aux instances communautaires qu'il revient, pour l'essentiel, d'assurer le contrôle des politiques d'aides aux entreprises initiées par les États  (12) . D'après les articles 87 et 88, seule la Commission est en effet compétente pour apprécier la « compatibilité » d'une aide d'État avec les règles communautaires. Quant aux juridictions nationales, il leur appartient de faire respecter l'obligation procédurale sur laquelle s'appuie tout le dispositif de contrôle des aides, à savoir l'obligation de notification

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