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La continuité de l'incrimination par la loi nouvelle

Commentaire d'arrêt : La continuité de l'incrimination par la loi nouvelle. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Septembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  2 621 Mots (11 Pages)  •  487 Vues

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Afin de lutter contre la fraude aux prestations sociales la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, a introduit une sanction applicable depuis le 5 avril 2019. Désormais, en cas de fraude, le directeur de la Caisse d’Allocations Familiales peut majorer de 50 % le montant des sommes recouvrées par une retenue sur les prestations futures. A l’heure où les nombreuses modifications législatives en matière de fraude aux prestations sociales vont de plus en plus vers un durcissement des sanctions, les principes du droit transitoire agissent pour protéger les individus.

En l’espèce, le prévenu qui a fait des fausses déclarations afin de bénéficier de prestations sociales indues est poursuivi devant le tribunal correctionnel pour fraude.

Le tribunal rejette les poursuites. Il est interjeté appel et la Cour d’appel rend un arrêt infirmatif du tribunal. Elle rejette le moyen tiré de l’extinction de l’action publique en raison de l’abrogation de la loi pénale accusant le prévenu de fraude ou fausses déclarations afin d’obtenir des prestations sociales indues et le condamne à 5 000 euros d’amende. Pour cela, la Cour d’appel fonde sa décision sur le fait que l’article 441-6 alinéa 2 du Code pénal a assuré la continuité de l’incrimination de l’ancien article L114-13 du code de la sécurité sociale lequel peut servir de fondement à la répression.

Le prévenu se pourvoit alors en cassation faisant grief à l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’avoir fait application du principe de la continuité de l’incrimination dans le temps alors que l’article L114-13 du Code de la sécurité sociale aurait dû être abrogé suite à la décision du 28 juin 2013 du Conseil constitutionnel et ainsi l’action publique éteinte.

Nous nous demanderons si la continuité de l’incrimination par la loi nouvelle peut faire obstacle à l’extinction de l’action publique suite à l’abrogation de la loi pénale.

Par cet arrêt en date du 12 juin 2019 la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Metz. Elle affirme que l’incrimination de fraude aux prestations sociales est maintenue par l’article 441-6 du code pénal mais que la sanction pénale devrait se limiter à ce qui est prévu par l’ancien article L.114-13 du code de la sécurité sociale. Elle statue donc que l’extinction de l’action publique ne peut pas être prononcée en l’espèce

Après avoir étudier l’application de la théorie de la continuité de l’incrimination (I) nous aborderons et dans un deuxième temps (II).

I. L’application de la théorie de la continuité de l’incrimination en l’espèce

A-Une décision déclarant inconstitutionnelles les incriminations doublons

La question prioritaire de constitutionnalité́ ouvre aux citoyens la possibilité́ de participer au contrôle de conformité des lois à la Constitution. Elle permet d'obtenir l'abrogation de textes qui n'ont pas fait l'objet d'un contrôle de constitutionnalité́ a priori. En l’espèce, l’article L. 135-1 du code l'action sociale et des familles a fait l’objet, d’une question prioritaire de constitutionnalité et le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 28 juin 2013 que celui-ci était contraire à la Constitution et notamment au principe de l’égalité devant la loi pénale. En effet, à cette époque, cet article et l’article L. 114-13 du code de la sécurité sociale faisaient encourir à des faits qualifiés par la loi de façon identique soit une peine de cinq ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, soit une peine de 5 000 euros d’amende. Par ailleurs, ces deux textes impliquaient également des différences relatives à la procédure applicable et aux conséquences d'une éventuelle condamnation. Le Conseil constitutionnel a donc considéré que cette différence de traitement n'’tait justifiée par aucune différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi et que donc la coexistence de ces deux articles méconnaissait le principe d'égalité devant la loi pénale.

Au sens large, la décision QPC du 28 juin 2013 marque l’appréhension par le Conseil constitutionnel de la problématique des “incriminations doublons”, c’est à dire les hypothèses dans lesquelles un même comportement est susceptible d’être appréhendé par plusieurs textes pénaux. Le propre de ces doublons est donc de susciter un conflit de lois et un concours idéal d’infractions ou de qualifications.

Cependant il est intéressant d’observer en l’espèce que la situation ayant donné lieu à la saisine du Conseil constitutionnel n’avait à priori pas grand-chose à voir avec une telle problématique mais avec la conformité de l’article L135-1 du code l'action sociale et des familles au principe de légalité des incriminations et notamment à l’exigence de clarté et précision des incriminations.

Toutefois, une fois de plus, le Conseil constitutionnel a soulevé d’office le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale qui serait quant à elle liée à la coexistence de l’article L135-1 du code l'action sociale et des familles et de l’article L114-13 du Code de la sécurité sociale.

Suite à ce contrôle, le Conseil constitutionnel décide l’abrogation de l’une des dispositions en conflit et choisit arbitrairement que ce soit l’article L135-1 du code de l’action sociale même si celui-ci ne portait pas plus atteinte au principe d’égalité des citoyens face à la loi que l’article L114-13 du Code de la Sécurité Sociale. La situation aurait pu être strictement inverse si c’était l’article L114-13 du Code de la sécurité sociale qui avait fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. En l’espèce, l’intéressé fait ainsi grief à la Cour d’appel d’avoir rejeté le moyen tiré de l’extinction de l’action public aux motifs que la décision du Conseil constitutionnel de déclarer la coexistence des deux articles contraire à la Constitution avait pour conséquence nécessaire, directe et immédiate l'abrogation de l'ancien article L. 114-13 du code de la sécurité sociale.

Cependant, une fois que l’article L135-1 précité est abrogé suite à la décision du Conseil constitutionnel, la répression contre les faits constituant une fraude aux prestations sociales continue à être assurée notamment par l’intermédiaire de l’article L114-13 du code de la sécurité toujours en vigueur au moment de la commission des faits par le prévenu.

Même si l’article L.114-13 n’est pas abrogé suite à la décision du Conseil constitutionnel, il sera quand même abrogé par la loi de financement de la sécurité sociale du 23 décembre 2013, entrée en vigueur le 25 décembre 2013. Cette même loi introduit une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article 441-6 du code pénal.

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