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Commentaire d'arrêt : affaire société Soffimat contre société d'Exploitation de chauffage, Cour de cassation, 29 juin 2010

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Par   •  12 Novembre 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 433 Mots (10 Pages)  •  2 547 Vues

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Mélody Molinier

Groupe 241                           Commentaire d’arrêt séance 7

Le 6 mars 1876, la Cour de cassation a consacré dans un arrêt célèbre du Canal de Craponne le principe du rejet de la révision d’un contrat pour imprévision. En effet, la Cour affirmait que « dans aucun cas il n’appartient aux tribunaux, […] de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants » dans le but de préserver le principe de la liberté contractuelle et de l’intangibilité du contrat qui est au fondement du droit des obligations depuis des décennies.

L’arrêt dont il est sujet concerne le pourvoi n°09-67369 de l’affaire société Soffimat contre société d’Exploitation de chauffage rendue par la Cour de cassation le 29 juin 2010. Il est également question dans cet arrêt de l’atténuation à l’intangibilité du contrat en vue d’une révision pour imprévision. L’imprévision en droit des obligations se retrouve dans la théorie de l’imprévision qui est invoquée lorsque des circonstances non prévues lors de la conclusion du contrat, ont rendu l’exécution d’une obligation contractuelle excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque. Celle-ci a été intégrée dans le droit positif en 2016 avec la nouvelle réforme sur le droit des contrats, à l’époque de l’arrêt elle n’était donc pas encore admise.

Cette question de la révision pour imprévision a longtemps fait débat au sein de la doctrine et de la jurisprudence depuis l’arrêt Canal de Craponne dont la décision suscite de nombreuses controverses. Pour certains, il était nécessaire de réformer le droit des obligations afin de pouvoir y insérer la possibilité de réviser le contrat lors d’une imprévision car les parties ne sont, parfois pas, suffisamment responsables afin de prévoir dès la formation du contrat, des clauses qui ont pour objet l’adaptation de celui-ci au changement de circonstances. Il s’agit du principe de justice contractuelle qui doit primer à leurs yeux. A contrario de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative eu une position plus nuancée sur la question depuis l’arrêt Gaz de Bordeaux pris par le Conseil d’Etat en 1916 où elle admet un rééquilibrage des contrats de concession de service public.

        En l’espèce dans cette affaire, la société d’Exploitation de chauffage (société SEC) et la société Soffimat ont conclu un contrat à durée déterminée de 12 ans le 24 décembre 1998 dans lequel Soffimat avait l’obligation de s’occuper de la maintenance de deux moteurs d’une centrale de production de co-génération et en contrepartie de laquelle, elle recevait une redevance forfaitaire annuelle de la part de son cocontractant. Il s’agit également d’un contrat à exécution successive.

En cours d’exécution du contrat, survient un changement de circonstances économiques qui augmente très fortement le coût des matières premières dont la société Soffimat se doit de faire l’acquisition afin d’accomplir ses prestations. Or le coût a tellement augmenté que le montant des redevances qu’elle perçoit en contrepartie est devenu dérisoire et elle ne peut plus faire face à son obligation devenue trop onéreuse, qu’elle décide donc de suspendre en raison d’un trop fort déséquilibre contractuel. Ignorant ce changement de circonstances, la société SEC réclame le paiement des obligations qui lui sont contractuellement dues et décide d’assigner en justice Soffimat. La société SEC a alors exercé une action devant le juge des référés en vue de faire condamner celle-ci à réaliser dès le 2 octobre 2008, les travaux de maintenance prévus contractuellement le tout sous astreinte. Le juge des référés a accepté sa requête estimant que l’obligation de la société Soffimat n’était pas sérieusement contestable. La cour d’appel de Paris a été saisie et a rendu un arrêt confirmatif des précédentes mesures le 27 mars 2009 condamnant Soffimat à exécuter son engagement contractuel. La société Soffimat a formé un pourvoi en cassation afin de faire annuler cette décision en justifiant que son obligation était sérieusement contestable à cause du changement des circonstances économiques qui l’avait empêché d’exécuter ses prestations, ce qui annulait la cause de son engagement.

Un contractant peut-il manquer à son obligation contractuelle sous prétexte qu’un équilibre contractuel gravement défaillant, lié à des circonstances imprévisibles intervenues lors de l’exécution du contrat, rend la cause de son engagement caduc ?

        La Cour de cassation a rendu sa décision dans un arrêt du 29 juin 2010 dans lequel il casse et annule dans toutes ses dispositions l’arrêt de la cour d’appel en déclarant son défaut de base légale et renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

La Cour de cassation a d’abord émis un infléchissement de jurisprudence face à l’arrêt Canal de Craponne, pourtant fondateur en la matière de révision contractuelle, en admettant qu’un changement de circonstances imprévisibles pouvait emporter la caducité d’un contrat. (I)

Toutefois, la Cour n’établit pas un changement radical de la jurisprudence antérieure et limite l’imprévision à certains cas exceptionnels en fixant des critères stricts. (II)

I. Une admission implicite de la caducité du contrat pour imprévision

Contrastant de la doctrine classique théoriquement admise en matière de révision du contrat pour imprévision, selon laquelle le principe d’intangibilité ne permet pas une telle modification, l’arrêt émet un changement en vertu duquel des circonstances économiques imprévisibles peuvent effectivement avoir un effet sur l’obligation d’un co-contractant (A). De plus, elle apporte une nouveauté jurisprudentielle en fondant l’imprévision du contrat sur la notion de disparition de cause plutôt que d’autres concepts tels que la bonne foi pourtant communément admis antérieurement (B).

A. La prise en considération d’un changement de circonstances économiques

        Tout d’abord, la Cour évoque « l’évolution des circonstances économiques » afin de justifier le manquement de la société Soffimat à son obligation contractuelle et donc d’émettre la critique selon laquelle la cour d’appel de Paris aurait dû rechercher si celles-ci eurent un impact ou non sur l’équilibre du contrat. En effet, d’après son analyse l’augmentation du coût des matières premières a mis en grande difficulté Soffimat car son obligation de révision des moteurs s’est trouvée privé de contrepartie, au regard du montant devenu ridicule de la redevance que devait lui verser la société SEC. Ainsi, il y a eu selon la Cour, un déséquilibre de l’économie générale du contrat résultant d’un cas de force majeure.

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