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Commentaire d'arrêt - La requalification en contrat de travail

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Par   •  31 Octobre 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  3 371 Mots (14 Pages)  •  1 378 Vues

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Selon Nadège Claude dans sa thèse intitulée La variabilité du droit « L’adaptation au

droit du fait n’est pas un mythe, a aucun moment le droit ne saurait se détacher de la

vie. A aucun moment les transformations des évènements du film humain se projette à

l’écran des lois ». Les propos de Nadège Claude sont particulièrement bien illustrés par l’émergence de nouvelles organisations de prestations de services telles que les plateformes numériques de livraison ou de transport qui prêtent à de nombreux débats quant au statut des travailleurs de ces plateformes numériques. En effet plusieurs juridictions françaises se sont prononcées sur la question de requalification du contrat de prestation de service en contrat de travail qui alimente ce débat. Le contrat de travail est défini comme « la convention par laquelle une personne appelée salarié s’engage à mettre son activité à disposition d’une autre personne appelée employeur, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération ».  La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer plusieurs fois sur des questions similaires de requalification en contrat de travail mais la Cour de cassation statue pour la première fois le 28 novembre 2018 sur la qualification du contrat liant un livreur à une plateforme numérique.

En effet dans l’arrêt « Takeateasy », la société Take Eat Easy utilisait une plateforme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur acticvité sous un statut indépendant. A la suite de la diffusion d’offres de collaboration sur des sites internet spécialisés, M .D. a postulé auprès de cette société et effectué les démarches nécéssaires en vue de son inscription en qualité d’auto-entrepreneur. Au terme du processus de recrutement, les parties ont conclu le 13 janvier 2016 un contrat de prestation de services. M.D. a saisi la juridiction prud’homale le 27 avril 2016 d’une demande de requalification de son contrat en un contrat de travail.

Le conseil des prud’hommes a débouté le demandeur M.D. de sa demande, la cour d’appel de Paris par un arrêt confirmatif de première instance du 20 avril 2017 répond négativement à l’appel de M.D. et considère qu’il n’y a pas lieu de requalifier le contrat de prestation de service de M.D. en contrat de travail. M.D a donc fait un pourvoi en cassation soumettant à la Cour de cassation la question suivante : Existe-il un lien de subordination juridique constitutif de contrat de travail, entre la plateforme numérique et le livreur ?

La Cour de cassation a répondu à cette question par arrêt de cassation sur le motif que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle constatait, d’une part, que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d’autre part, que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constattions dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la presation caractérisant un lien de subordination, a violé les textes susvisés. Ainsi casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 avril 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait de droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

La décision de la Cour de cassation est particulièrement intéressante en ce sens qu’elle permet d’éclairer le débat vif autour  du statut des travailleurs indépendants des plateformes numériques qui comme le souligne le professeur Alexandre Fabre « soulèvent en droit du travail particulièrement, des questions aussi irritantes que rassurantes » la  jurisprudence avait rendu une décision similaire dans l’arrêt « île de la tentation » en 2009 requalifiant un contrat de jeu dans le cadre d’une émission de télé-réalité en contrat de travail, aujourd’hui la Chambre sociale s’intéresse au cas des travailleurs indépendants des plateformes numériques qui concernent de par leur fort développement bon nombre de travailleurs indépendants.

Nous verrons donc dans une première partie les conditions d’existence d’un contrat de travail et dans une seconde la caractérisation du lien de subordination juridique.

I – Les conditions d’existence d’un contrat de travail

  1. L’indisponibilité de la qualification d’un contrat de travail

En l’espèce, l’arrêt commenté de la Cour de Cassation du 28 novembre 2019 statue sur la requalification d’un contrat de prestation de services en contrat de travail. Ainsi pour rendre sa décision de cassation la Cour a vérifié si les juges du fond sont bien restés indifférent à la volonté des parties, soit à la dénomination contractuelle donnée par les parties ainsi que l’existence d’une immatriculation, par application du principe d’indisponibilité des critères de qualification d’un contrat de travail. En effet, le contrat de travail est un contrat d’ordre public, autrement dit la qualification en contrat de travail s’impose aux parties à une relation de travail à partir du moment où les critères distinctifs du contrat de travail sont réunis,  comme le souligne la cour de cassation dans l’ arrêt Labbane du 19 décembre 2000 « L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs » décision qui, comme le relève le professeur Antoine Jeammaud à une « indiscutable vocation jurisprudentielle ». Ce principe est d’autant plus indiscutable en ce sens qu’il est reconnu par la chambre criminelle et l’assemblée plénière de la Cour de Cassation qui indique que « la volonté des parties est « impuissante à soustraire des travailleurs au statut social découlant nécessairement des conditions d’accomplissement de leur tâche ».

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