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Arrêt de la cour de cassation du 23 janvier 2014

Dissertation : Arrêt de la cour de cassation du 23 janvier 2014. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Septembre 2016  •  Dissertation  •  2 330 Mots (10 Pages)  •  2 977 Vues

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Commentaire de l’arrêt du 23 janvier 2014

Cet arrêt est un arrêt de rejet rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation du 23 janvier 2014 relatif à l’indemnisation d’un patient ayant subi un préjudice moral d’impréparation aux risques d’une intervention ou d’un traitement médical. En l’espèce un médecin avait prescrit et administré un vaccin à une de ses patientes qui avait par la suite contracté une sclérose latérale amyotrophique. La patiente recherche alors la responsabilité du fabricant du vaccin ainsi que celle de son médecin. Elle se désiste en appel de sa demande envers le fabricant mais elle maintient ses demandes envers le médecin. La cour d’appel constate l’absence de lien de causalité scientifique établi entre le vaccin et la sclérose latérale amyotrophique et déboute ainsi la patiente de sa demande d’indemnisation. Elle se pourvoi en cassation.  Le pourvoi reprochait à l'arrêt d'appel un manque de base légale alors que le manquement du médecin à son devoir d'information « cause à celui auquel l'information était légalement due un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation ».

La question qui se pose est de savoir quel est le préjudice réparable en cas de défaut d’information du médecin alors même que cette faute n’a fait perdre au patient aucune chance d’éviter le dommage qui résulte de l’intervention ou du traitement médical.

La Cour de Cassation rejette la patiente de sa demande de réparation car la faute du médecin n’est pas caractérisée en l’espèce mais consacre un nouveau préjudice, celui de l’impréparation du patient aux éventuels risques de l’intervention ou du traitement médical.

Nous aborderons dans une première partie la reconnaissance du préjudice d’impréparation par la première chambre civile de la Cour de Cassation (I) avant d’évoquer la nécessité de la réalisation d’un risque prévisible (II).

  1. La reconnaissance d’un préjudice d’impréparation.

La reconnaissance de ce nouveau préjudice par la Cour de Cassation résulte d’une longue évolution jurisprudentielle (A) qui viendra consacrer le 23 janvier 2014 un devoir d’information relatif à la préparation psychologique du patient (B).

  1. Une longue évolution instable de la jurisprudence

Dans un arrêt de la première chambre civile en date du 7 octobre 1998, la Cour de Cassation a posé le principe selon lequel le médecin est tenu de donner au patient une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves attachés aux investigations et soins proposés. Elle a par ailleurs affirmé que le médecin n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement. Dans les années 2000, la Cour de Cassation avait contribué par différents arrêts à affaiblir l’obligation d’information du médecin au titre de la sanction. Elle opère en 2010 un revirement de jurisprudence. Deux arrêts rendus par la première chambre civile en date du 28 janvier et du 3 juin 2010 modifient les principes en la matière. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 3 juin 2010 concernait un homme atteint de troubles urinaires s’aggravant depuis plusieurs années pour lesquels un urologue avait réalisé des examens prostatiques. Le médecin n’avait pas informé le patient au préalable sur les risques graves inhérents à l’opération pratiquée. La cour d’appel avait estimé, qu’eu égard à la pathologie dont souffrait le patient et en l’absence d’alternative thérapeutique, que le patient, même conscient des risques, aurait tout de même accepté l’opération. Toute indemnisation lui avait donc été refusée. Le pourvoi s’insurgeait contre cette approche. La troisième branche du moyen de cassation faisait valoir que « l’obligation du médecin d’informer son patient avant de porter atteinte à son corps est fondée sur la sauvegarde de la dignité humaine ; que le médecin qui manque à cette obligation fondamentale cause nécessairement un préjudice à son patient, fut-il uniquement moral, que le juge ne peut laisser sans indemnisation ». En cassant l’arrêt rendu par la cour d’appel, l’arrêt du 3 juin 2010 opère donc un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure. Désormais, la réparation du préjudice moral devient non seulement possible mais encore obligatoire en cas de manquement à cette obligation d’information. De plus, le visa de l’article 1382 du code civil révèle la volonté de la cour de cassation de considérer que l’obligation d’information revêt un caractère extracontractuel. Monsieur Pierre Sargos se félicite de cette innovation car le manquement à l’obligation de recueillir un consentement éclairé du patient repose sur le principe constitutionnel de respect de la dignité de la personne humaine. Il dépasse donc la sphère contractuelle et ne peut être réparé que sur la base de l’article 1382 du code civil. Dans un arrêt postérieur du 12 juillet 2012, la Cour de Cassation avait affirmé le principe selon lequel il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement le préjudice moral subi par la victime des suites du manquement du médecin à son devoir d’information.  Dans un arrêt du 16 janvier 2013, la première chambre civile de la Cour de Cassation avait posé le principe selon lequel la perte d'une chance certaine, même faible, est indemnisable. En l’espèce, un avocat avait fait perdre à son client le bénéfice d’un recours. La cour de cassation  indique que l’indemnisation d’un préjudice subi ne peut être refusée au titre de la perte de chance que si l’absence de toute probabilité de succès d’un recours est prouvée. On est ici dans la sphère contractuelle, sur la base de l’article 1147 du code civil. A la lecture de ces différents arrêts, on remarque que la Cour de Cassation a cherché à réparer un dommage, qui serait différent de la perte de chance afin de ne pas laisser sans réparation un préjudice à la fois moral et patrimonial. En effet, il apparaît que les victimes n’ont pas pu se préparer matériellement aux conséquences de l’intervention médicale, et sur le plan psychologique, les souffrances engendrées par le choc subi auraient pu être atténuées par une meilleure préparation.

  1. Un devoir d’information sur la préparation.

Cet arrêt de la Cour de Cassation semble donc mettre fin à la réparation quasi systématique qui avait été posée dans l’arrêt du 3 juin 2010. En effet, la Cour de Cassation        rejette le pourvoi qui invoquait la jurisprudence du 3 juin 2010. Le changement qui est opéré par la Cour de Cassation dans l’arrêt du 23 janvier 201 réside principalement dans le choix du préjudice réparable. On ne se base plus sur l’atteinte qui est portée au corps humain, mais principalement sur la carence de préparation du patient quant aux risques de l’intervention subie. Historiquement, il a toujours été difficile pour le patient lésé de prouver le lien de causalité entre la faute du praticien et le préjudice subi. Il devait donc prouver qu’il aurait refusé l’opération s’il avait été conscient des risques encourus et empêchait donc les patients d’obtenir réparation en l’absence d’alternative thérapeutique. La cour de cassation avait choisi de se baser sur la perte d’une chance depuis un arrêt du 7 février 1990. Cependant, il convient de réparer un préjudice indépendant de la perte de chance et c’est ce qui est opéré dans l’arrêt du 23 janvier 2014. Ce dommage consiste en la carence de préparation du patient quand à l’éventualité de la réalisation du risque qu’il encourt en subissant cette intervention médicale. On peut aussi interpréter ce nouveau préjudice comme la création d’un nouveau droit subjectif pour le patient, le droit du patient à la préparation. On procède donc à une évolution vers la réparation du préjudice d’impréparation. La Cour de Cassation dans son attendu précise que « le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque, que le juge ne peut laisser sans réparation ». Ainsi, la Haute juridiction entend-elle réparer un préjudice résultant du défaut d’information du patient et non plus le seul dommage résultant de l’atteinte au droit à l’information. Ce défaut de préparation est entendu à la fois sur le plan moral et sur le plan matériel. En effet, les conséquences dommageable d’une opération entrainent un choc psychologique pour le patient qui n’y serait pas préparé, mais pas uniquement. La Cour de Cassation entend réparer également le préjudice patrimonial du patient qui n’aurait pas pu prendre les précautions nécessaires avant l’intervention du fait de son impréparation aux risques éventuels. La Cour de Cassation donne une base légale à ce nouveau droit du patient à l’information et à la préparation. Le code civil dans son article 16 consacre le droit au respect de la dignité de la personne humaine et son article 16-3 est dédié droit au respect de l’intégrité corporelle. Ainsi, la Cour de Cassation, avec la création de ce préjudice d’impréparation, facilite l’indemnisation des victimes, mais pose des règles afin de contenir les abus.

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