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CARTE POSTALE D'AL ANDALOUS

Dissertation : CARTE POSTALE D'AL ANDALOUS. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  4 Novembre 2018  •  Dissertation  •  6 424 Mots (26 Pages)  •  724 Vues

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Carte postale d'Andalousie - Le paradigme de Cordoue

Un voyage en Andalousie en octobre, m'a amené à Cordoue visiter la tour de la Calahorra, porte fortifiée édifiée durant la deuxième moitié du XIIe siècle par les Almohades pour protéger le pont romain de Cordoue .

La Calahorra abrite actuellement le Musée des trois cultures.

C'est au cours de cette visite, que j'ai été spectateur d'une présentation audiovisuelle de ce qui fut le "sens de la vie en AL-Andalous".

Dans une salle de la tour, quatre personnages prennent la parole, et exposent ce qu'a été leur philosophie de la vie. Ce sont :

Averroes, 1126-1198, le musulman

Maïmonide, 1135-1204, le juif

Alphonse X, 1221-1284, le Sage

Ibn Arabi, 1165-1240, le soufi

Mais avant de les écouter, un peu d'histoire :

En 714 après JC, à l’appel d’un nobliau local en conflit avec le pouvoir central Wisigoth, une armée musulmane dirigée par Tariq ibn Ziyad prend pied en Espagne. Très vite ils vont défaire les différentes armées qui s’opposent à eux. Cordoue la capitale va tomber. Les armées arabes ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. Elles remontent vers le Nord, conquièrent l’ensemble de la péninsule espagnole et ne seront arrêtées qu’à Poitiers (ça on l’a  tous appris).

L’émirat de Cordoue va alors se stabiliser pendant plus de 500 ans et donner lieu  à une véritable explosion des arts, des sciences, de la philosophie. L’Andalousie garde encore la marque de cette période faste. Le relatif climat de tolérance qu’apporteront les conquérants musulmans avec eux, permettra un dialogue entre les trois grandes religions du livre Chrétiens, Juifs et Musulmans.

En un seul moment - le XIème et le début du XIIème siècle - en un seul lieu - l'Andalousie -, les trois monothéismes choisirent de se respecter, de s'admirer, de se nourrir les uns des autres. leurs plus grands philosophes dialoguaient entre eux et avec les philosophes grecs. Sciences et religions pouvaient cohabiter.

Mais quels sont ces quatre personnages?

Ibn Rochd,  ou Averroes le musulman est né à Cordoue en 1126 et il s’éteindra à Marrakech, au Maroc, en 1198. Averroès est un juriste, docteur de la Loi et philosophe musulman de l'Espagne musulmane, encore riche et tolérante du XIIème siècle. Ce commentateur d’Aristote, expert en philosophie et théologie Islamique, médecin, astronome, poète et géographe est considéré comme un des grands philosophes musulmans. D’après Wikipedia, « Certains vont jusqu’à le décrire comme l’un des pères fondateurs de la pensée laïque en Europe de l’Ouest.« 

En quoi son livre,  le "Discours décisif" nous concerne-t-il encore ? D'abord par ce qu'il prouve par son existence que cette époque faisait preuve d'une ouverture philosophique supérieure à ce que nous croyons souvent en savoir. Mais surtout parce qu'il aborde et traite deux thèmes encore sensibles aujourd'hui :

  • Le premier est celui de la place du philosophe face au théologien. Et la conclusion est formelle : la révélation exige que l'homme ne se contente pas d'agir selon la Loi, mais que doté par Dieu de raison il en use pour comprendre le monde, s'il en est capable. Notons que "philosopher" à cette époque couvre toutes les activités d'investigation rationnelle du monde.
  • Le second, à mes yeux le plus important, est que l'univers étant unique, il ne peut pas y avoir contradiction entre révélation et savoir. Et donc si une telle contradiction apparaît, c'est que l'interprétation de la Loi est erronée et doit être révisée. C'est en fait la reconnaissance d'un domaine de la pensée humaine distinct et indépendant de la révélation. On sait combien cette indépendance fut bafouée par le fanatisme chrétien qui devait suivre, même si (est-ce ironique ?) le XVIIème siècle fut appelé siècle de la raison.

Ce livre essentiel de la civilisation musulmane du XIIème siècle, germe d'une pensée libre et ouverte, précurseur de l'humanisme devrait, me semble-t-il faire de nos jours l'objet d'une relecture attentive.

Maïmonide, (Cordoue, 30 mars 1138 - Fostat, 13 décembre 1204) grand philosophe juif, grand médecin et grand commentateur de la Torah. 

Maimonide est un esprit brillant, rédigeant de nombreuses œuvres et introduisant la philosophie aristotélicienne dans la pensée juive. Parlant et écrivant couramment l’arabe et le syriaque, il rédige certaines de ses œuvres en hébreu, ce qui est original pour l’époque. Son œuvre est plurielle : des traités de jurisprudence (citons le Livre des commandements, qui est toujours le socle de la loi rabbinique), de logique (il écrit à l’âge de 20 ans un petit traité de logique, aujourd’hui encore une œuvre d’une grande pédagogie et d’une grande clarté pour qui veut aborder la logique grecque), de théologie..

Il rédige aussi un Traité des Aphorismes médicaux, une immense œuvre qui compile toutes les connaissances médicales de l’époque et qui sera extrêmement utilisée tout au long du Moyen Age, en Orient comme en Occident. Il est également l’auteur d’un glossaire de phytothérapie qui liste plus de 300 remèdes à base de plantes, et aurait écrit la « prière médicale », un serment du médecin comparable à celui d’Hippocrate. Maimonide ne se contente pas de compiler le savoir disponible : il apporte par exemple une réflexion originale sur les maladies psychosomatiques. « L’importance des émotions nous est connue : la souffrance morale peut affaiblir les fonctions physiques » écrit-il ainsi. Sa fonction de médecin, en charge des corps, et celle de rabbin, en charge des âmes, se complètent ainsi.

Mais c’est surtout pour son œuvre philosophique qu’il est connu. Dans son Dalâlat al-hâ’irin, littéralement le Guide des égarés, traduit en hébreu vers 1204 et considéré comme l’ouvrage le plus important de la philosophie juive, il s’adresse à ceux qui n’arrivent pas à concilier la religion et les vérités rationnelles, donc à ceux qui sont perdus dans le doute (d’où le titre). Il propose en fait, à l’instar d’Averroès, de concilier le monothéisme et la philosophie grecque, et livre pour ce faire une réflexion très complexe sur le temps et la création. Cette pensée, qui mêle la croyance en un Dieu créateur et la doctrine aristotélicienne de l’éternité du monde, inspirera Thomas d’Aquin et sa notion d’« évéternité ». Comme Averroès encore, Maimonide considère que l’observation des phénomènes naturels amène à mieux connaître Dieu : « il n’y a aucun moyen de percevoir Dieu autrement que par ses œuvres […] l’astronomie et la physique sont des choses nécessaires pour comprendre la relation de l’univers au gouvernement de Dieu ». L’étude des mathématiques, de l’astronomie, de la médecine, de la logique surtout, sont ainsi nécessaires avant d’être initiés aux secrets des livres religieux. En sorte que tous les pans de l’activité de Maimonide ne font qu’un. Celui qu’on surnommait aussi « le sage de Fostât », et que Thomas d’Aquin appelait « l’aigle de la synagogue », propose ainsi une lecture rationaliste de la religion. Cette relecture du judaïsme aura une influence immense, qui perdure jusqu’aux Lumières avec Spinoza et Mendelssohn, voire jusqu’au XXème siècle si on pense aux écrits de Leo Strauss et de Emmanuel Levinass.

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