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Le rapporteur public et le procès équitable

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Par   •  17 Novembre 2015  •  Dissertation  •  2 318 Mots (10 Pages)  •  1 985 Vues

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INTRODUCTION :

Raymond Odent, commissaire du gouvernement de 1938 à 1951, a énoncé, lors d'un de ses cours sur le contentieux administratif : « tantôt le commissaire du gouvernement exerce une influence personnelle considérable sur la formation de la jurisprudence, tantôt il se borne à être le porte-parole d'une sous-section : cela dépend de l'espèce et des tempéraments en présence ». Le commissaire du gouvernement, dénommé rapporteur public depuis la réforme 1er février 2009, intervient publiquement aux audiences des tribunaux administratif, des cours d'appel administrative, et du Conseil d'Etat, pour analyser les litiges et proposer une solution. Il occupe un rôle prédominant, puisqu'il expose publiquement dans ses conlusions, en toute indépendance son opinion sur les questions soulevées par la requête et sur la solution qu'elle appelle. Cette fonction importante pose aujourd'hui des problèmes éthiques, concernant le principe du droit au procès équitable. Le droit au procès équitable est définit à l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme en ces termes : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (..) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi (...) ». En effet, il est possible de se demander quel est le rôle du rapporteur public au sein de la procédure administrative, et en quoi son rôle peut-il poser problème concernant le respect du droit à un procès équitable, en étudiant la relation conflictuelle qui existe entre cette institution et le grand principe du procès équitable. Pour se faire, il sera tout d'abord traité de la fonction singulière remplie par le rapporteur public au sein des juridictions administratives. Puis, il sera démontré que le rapporteur public est une institution en péril.

I- Le rapporteur public, figure singulière des juridictions administratives.

Il s'appelait pendant longtemps le commissaire du gouvernement, et c'est une fonction qui apparaît dès 1831. Les contentieux et les procès administratifs sont menés contre l'état, il faut donc un acteur public chargé de défendre l'état. Mais, très rapidement, le commissaire du gouvernement va gagner en indépendance, et va préconiser la solution qui lui soit la meilleure, qu'elle soit en faveur ou en défaveur de l'état, et ce dès 1832. Le rapporteur public a eu un rôle très important dans la construction du droit administratif, toutes les premières œuvres doctrinales administratives sont l'oeuvre de commissaires du gouvernement.

A- Le rapporteur public, un rôle décisif dans la construction du droit administratif.

Le rapporteur public est présent au sein de la procédure administrative pour prononcer des conclusions, avant le jugement par le tribunal administratif, la cour d'appel administrative, ou le Conseil d'Etat, selon sa loi et sa conscience. En 1957, le Conseild d'Etat rend l'arrêt « Gervaise », et explique le rôle du commissaire du gouvernement. Il lui revient « d’exposer au Conseil les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu’appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction ».

Il y a 20 rapporteurs publics au conseil d'état, 2 par sous-sections, et 1 par chambre dans les tribunaux administratifs. Il appartient à la formation de jugement, il a simplement un rôle spécifique. Il prend d'abord connaissance de l'affaire lors de la séance d'instruction, ensuite on lui confie l'intégralité du dossier, pour qu'il prépare ses conclusions, qui sont orales pour la formation du jugement. Il est totalement libre. Il n'y a pas systématiquement de conclusions, il peut en être dispensé par le président de la formation à sa demande, ce qui provient d'une loi de 2011, où le conseil constitutionnel a précisé que cette dispense ne peut intervenir que lorsque la solution de l'affaire s'impose, ou si la conslusion n'apport pas de jurisprudence nouvelle. Si les conclusions du rapporteur vont dans le même sens que celui de la formation, son intervention va être rapide, mais lorsqu'il cherche à convaincre la formation dans le cadre d'un revirement de jurisprudence, son oral va être plus long et plus intense. Ces conslusions sont précieuses, car il y a toute la jurisprudence antérieure et de nombreuses références à la doctrine. Lorsqu'elle sont écrites, ces conclusions des rapporteurs publics deviennent des archives administratives. La publication rapide des conclusions des rapporteurs publics dans les revues de droit, contribuent largement à la construction d’une doctrine administrative officielle.

Ainsi, il a été possible de voir que le rapporteur public est l'un des pilliers de la construction de la jurisprudence et de la production d'une doctrine administrative. Il est également une institution clef du procès administratif.

B- Le rapporteur public, une institution clef du procès administratif.

Le rapporteur public expose d’abord les circonstances du litige, l’ensemble des arguments échangés entre les parties pendant l’instruction et les questions posées par l’affaire. Il rappelle les règles de droit applicables au litige et les décisions existantes en lien avec l’affaire (la jurisprudence) qui pourraient orienter la solution. Puis il fait connaître son appréciation sur ces points et propose la solution qui, suivant sa conscience, lui paraît la plus appropriée. Une fois l’audience publique terminée, la décision est mise en délibéré. Le rapporteur public peut assister au délibéré, sauf si une des parties s’y oppose. Cependant, il ne fait pas partie de la formation de jugement et ne participe donc pas à la prise de décision. Il appartient aux seuls juges qui statuent sur l’affaire de décider s’ils suivent la proposition du rapporteur public ou s’ils adoptent un jugement en tout ou partie différent de cette proposition. Après l’audience, le rapporteur public ne participera pas au délibéré. En effet, le rapporteur public ayant donné publiquement son avis sur l’affaire, il pourrait être perçu par l’une des parties comme un adversaire potentiel. De plus, sa position sur l’affaire étant déjà connue, il ne peut ensuite trancher l’affaire.

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