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Le rapporteur public : une institution administrative menacée

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Par   •  3 Novembre 2014  •  2 584 Mots (11 Pages)  •  1 625 Vues

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Sujet à critique depuis plusieurs années par le droit européen, le rapporteur public semble désormais tiré d'affaire et ce, par la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 4 juin 2013.

S'il arrive que la France reprenne par décret mot pour mot certaines de ses directives, le droit de l’UE n’a pas pour objet principal le contentieux administratif, c’est donc de manière incidente que le droit de l’UE va avoir des conséquences sur les règles du contentieux administratif.

Le droit français cherche désormais à prendre davantage en considération la volonté européenne, notamment pour le droit à un procès équitable que la Cour Européenne des droits de l'Homme, à travers l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, interprète très largement puisque l'appliquant au droit du contentieux administratif.

L'arrêt Marc-Antoine c/France cherche notamment à lever l'ambiguïté concernant le statut du rapporteur public. Traditionnellement, on justifiait le rôle du rapporteur public, anciennement appelé sous le nom de commissaire du gouvernement, par le fait qu’il n’était pas une partie au litige mais un membre indépendant de la juridiction. Il était donc normal qu’il parle en dernier, une fois que tout le reste avait été dit, pour résumer l’affaire et suggérer une solution. Il était également normal qu’il assiste au délibéré. Il ne fallait pas le confondre avec un procureur devant un tribunal pénal, puisqu’il ne représentait pas le gouvernement, ni l’accusation.

Malgré ce raisonnement à priori séduisant, la CEDH a vu plusieurs problèmes avec le système à la française, se traduisant par plusieurs condamnations au cours des années 2000.

En l'espèce, un conseiller du corps des tribunaux administratifs conteste un tableau d'avancement sur lequel il ne figure pas et fait un recours devant le Conseil d'Etat pour annuler les décrets instituant ce tableau. Le Conseil d'Etat rejetant sa demande, le requérant se pourvoit dès lors devant la Cour Européenne, estimant que la non communication du rapport et du projet de décision du conseiller rapporteur devant le Conseil d'Etat, alors que le rapporteur public a été destinataire de ces pièces, porterait atteinte à l'article 6 de la Convention Européenne des droits de l'Homme.

De manière inédite, la juridiction européenne a en effet tranché une question cruciale : le fait que seul le rapporteur public, et non les parties à l’instance, obtienne communication du projet de décision du conseiller rapporteur viole-t-il le droit au procès équitable ?

Une réponse positive aurait assurément bouleversé profondément le contentieux administratif, en risquant de marginaliser le rapporteur public. Mais c’est finalement par la négative que la Cour a répondu, déclarant la requête de Mr. Marc-Antoine comme irrecevable.

Semblant revenir sur la position prise par la jurisprudence antérieure (I) , la Cour européenne des droits de l’Homme a donc levé par cet arrêt, et ce à l'unanimité, une sérieuse menace conventionnelle qui pesait sur l’avenir de cette institution clef du procès administratif français (II).

I. Le rapporteur public : une institution administrative menacée

Si l'arrêt étudié est important de par la place qu'il accorde au rapporteur public en droit du contentieux administratif, ce n’était cependant pas la première fois que cette institution passait devant la Cour européenne des droits de l'Homme.

A) Le rapporteur public : chronique d'une discorde entre Conseil d'Etat et Cour Européenne

Le statut particulier du rapporteur public, anciennement appelé commissaire du gouvernement est d'abord défini par les décisions Gervaise (10 juillet 1957) et Esclatine (29 juillet 1998), toutes deux rendues par le Conseil d'Etat qui définit le commissaire du gouvernement comme étant « un membre de de la juridiction », de même il précises que « ses conclusions » n'ont pas à être soumises au principe du contradictoire.

Le problème est qu'il suscite de nombreuses critiques de la part de la Cour Européenne qui cherche à imposer le droit à un procès équitable sur le droit du contentieux administratif, et non limité aux juridictions judiciaires, civiles et pénales.

Dans l'arrêt Kress du 7 juin 2001, la CJUE a estimé que la participation du commissaire de gouvernement aux délibérés portait atteinte au nom de la théorie des apparences au droit à un procès équitable et a pour cela condamné la France.

Dès lors il a été décidé par un décret de 2005 que le commissaire du gouvernement assiste aux délibérés sans y prendre part et sans voter.

Mais là encore la Cour Européenne a condamné le 12 avril 2006, dans l'arrêt Martinie c/France, la simple présence du commissaire du gouvernement aux délibérés. L'arrêt estime que les termes présence, participation et assistance sont synonymes et qu'active ou passive, la présence du commissaire du gouvernement aux délibérés est condamnée.

La France a réagit en instaurant plusieurs dispositions :

- la première étant que les commissaires du gouvernement ne participent plus aux délibérés au sein des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.

- la seconde, à savoir l'article R-733-3 inséré dans le code de justice administrative et entré en vigueur le 1er septembre 2006, que devant le Conseil d'Etat, sauf demande contraire d'une partie lors de l'instance, le commissaire du gouvernement assiste aux délibérés mais n'y prend pas part.

Ces dispositions semblent entrer en conformité avec le droit communautaire, la CEDH ayant estimé, dans l'arrêt Etienne c/France du 15 septembre 2009, que le fait que le requérant puisse demander à ce que le commissaire du gouvernement ne participe pas aux délibérés est une garantie suffisante pour que soit respecté le droit à un procès équitable.

Le droit interne s'efforce donc de se mettre en conformité avec la Cour Européenne qui accepte les dispositions mises en œuvre par le droit du contentieux administratif, même si cela signifie remettre en question le statut même de rapporteur public, nouveau nom donné au commissaire du gouvernement depuis le 1er février 2009. Cette nouvelle dénomination permet certes de lever enfin l'ambiguïté attachée

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