Étude de la tragédie Bajazet de Racine

Le classicisme est un mouvement qui se développe en France dans la seconde moitié du XVIIème siècle. Il prône la vraisemblance par l’autorité de la raison. Racine, passé maître, a écrit de moult pièces tragiques mettant en scène des personnages qui semblent différents des spectateurs. Cet éloignement rend-il les personnages étrangers au spectateur ? Les héros de Racine paraissent indéniablement étrangers au premier abord, cependant, un rapprochement naît par la suite entre le personnage racinien et le spectateur, ce qui permet au spectateur d’en tirer des leçons.

Il est vrai que les héros tragiques semblent différents du spectateur. L’éloignement des personnages de Racine se traduit dans un premier temps par leurs origines différentes de celles du spectateur. En effet, Racine met en scène très souvent des héros de sang noble et pour la plupart, issus d’une lignée divine. Ainsi, dans Phèdre, écrit 1677, l’héroïne qui est la petite-fille de Jupiter, est éprise de Hippoyte, descendant de Neptune. Ces origines divines engendrent une fosse : ces héros apparaissent comme étant supérieurs dès leur naissance au spectateur et demeurent donc hors de portée de ce dernier. De plus, du fait de leur origine et leur classes sociales, les héros tragiques sont soumis à de nombreux codes très stricts et à des devoirs liés à leur appartenance sociale, inimaginables au spectateur. Aussi, Roxane reçoit la mission d’assassiner l’homme qu’elle aime dans Bajazet, écrit en 1672.

S’y ajoute également l’impuissance du spectateur qui connaît l’issus tragique et incontournable de la pièce, d’intervenir dans le cours de l’action. En effet, le spectateur perçoit avant même l’intéressé le danger, la menace, la fatalité qui pèse sur ce dernier. Cette incapacité à bouleverser le cours des évènements, cette passivité du spectateur est présente dans toutes les pièces de Racine : le spectateur connaît la mise en place du meurtre de Bajazet par Roxane ou encore les mensonges de Phèdre à l’encontre d’Hippolyte, mais, il ne peut pas cependant intervenir. Cette extériorisation du spectateur contribue donc à l’éloignement progressif des héros tragiques de celui-ci.

Enfin, l’éloignement des personnages s’accentue également par leur statut : celui du héros tragique. Les personnages issus de la tragédie s’acheminent vers une fatalité, les dieux leur réservent à la fois un destin extraordinaire et à la fois tragique. C’est pourquoi, le héros tragique est en réalité lui-même un personnage hors du commun. En effet, leurs émotions sont amplifiés et par la même occasion, leurs actions paraissent extrêmes. Ainsi, dans Andromaque, Hermione décide de tuer son amant à cause de son attitude indifférente envers sa personne. Les réactions démesurées et impulsives des protagonistes inspirent de l’incompréhension, ce qui participe à ce processus d’éloignement.

La faiblesse psychologique caractéristique des personnages tragiques, contribue à cette distance, en effet, les personnages de la tragédie racinienne sont souvent «à bout de nerfs». C'est cet épuisement qui rend Phèdre si proche de la démence, parfois. "Perdue dans un cauchemar, elle divague, mais ces hallucinations, en apparence incohérentes, obéissent à une logique interne : elle se cristallisent autour d'Hippolyte" écrivent Roger Mathé et Alain Crouprie. Ces êtres sont d'une extrême mobilité psychologique ; ils varient d'heure en heure comme on varie dans la vie. Non à leur volonté, mais au gré des passions et des intérêts. Ils passent de la tendresse à la cruauté, comme Agamemnon ; de la vertu au crime, comme Néron; de l'audace au désarroi, comme Agrippine et comme Athalie. Ces êtres faibles sont par conséquent dominés par leur passion.

L’amour est, chez Racine, une force irrésistible, incontrôlable, qui éclate brusquement et envahit les protagonistes. La passion est d’autant plus importante que les effets du coup de foudre sont irréversibles. Aussi, Néron déclare, à l’acte II, scène 2 de Britannicus : «j’aime, que dis-je aimer, j’idolâtre Junie». Les protagonistes souffrent de leur amour passionné qui les conduit à bien souvent, des excès. En effet, pour se libérer de cette souffrance, les héros raciniens envisagent parfois la destruction de l’être aimé ou du rival puis la leur ; ce qui est notamment le cas de Phèdre et d’Hermione qui se suicide par la suite. Cette passion représente sans doute le facteur le plus important à l’origine de ces héros étrangers au spectateur.

L’éloignement des personnages dû à leur origine, au retrait du spectateur ou encore

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