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Étienne de La Boétie, le Discours de la servitude volontaire (1574)

Commentaire de texte : Étienne de La Boétie, le Discours de la servitude volontaire (1574). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Décembre 2019  •  Commentaire de texte  •  2 358 Mots (10 Pages)  •  806 Vues

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Correction de la lecture analytique 1 : Étienne de La Boétie, le Discours de la servitude volontaire (1574)

selon la méthode CIA (je cite, j'identifie, j'analyse)

La problématique : Etienne de La Boétie dresse deux réquisitoires. Lesquels ?

Introduction

L'auteur : lorsqu'il écrit ce texte en 1548, Étienne de La Boétie est un étudiant en droit de 18 ans qui se prépare à l'école de magistrature. Poète et écrivain humaniste*, il noue une amitié très forte avec Montaigne, autre écrivain humaniste et meurt à 32 ans terrassé par la tuberculose.

L’œuvre : texte court et percutant, le Discours de la servitude volontaire (1574) est un réquisitoire contre toutes les formes de tyrannie.

Résumé et contextualisation du passage : Dans ce texte, La Boétie s'indigne de la soumission du peuple à un pouvoir tyrannique qui l'oppresse et l'invite à se soulever.

Lecture du texte : (à ne surtout pas négliger, entraînez-vous.)

Problématique et annonce du plan : Vous me demandez quels sont les deux réquisitoires dressés par La Boétie. Je vais donc y répondre en montrant que ce passage fait le réquisitoire de l'état monarchique mais également celui du peuple qui se  soumet passivement au pouvoir tyrannique du roi.

Humaniste* : D’un point de vue général, l’humanisme est une doctrine morale reconnaissant à l’humain la valeur suprême (elle s’oppose ainsi tant au fanatisme religieux qu’à l’étatisme politique, qui voudrait sacrifier l’individu à la raison d’État). Son principe de morale est celui de la tolérance; sa philosophie propre défend l’idée d’un progrès de la civilisation vers une forme idéale de l’humanité, où l'homme serait à la fois libre, grâce au progrès technique, à l’égard des contingences de la nature et libre à l’égard des autres hommes (société sans classes, sans luttes)

CITATION

IDENTIFICATION

ANALYSE (effets, impressions ...)

I/ Un réquisitoire contre la figure du tyran

a) Un monarque désacralisé

« celui-là » l.6

« celui pour qui … et pour la grandeur duquel » l.6 et 7

«  Ce maître n'a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps »

« vous » en position d'objet

« il » en position de sujet

Pronoms démonstratifs

périphrase « ce maître » + tournure restrictive « ne … que » + énumération

Utilisation récurrente des pronoms personnels « il » et « vous »

Le roi qui est théoriquement exceptionnel n'est pas nommé ou spécifié comme étant le roi.

La périphrase est tout d'abord dépréciative car elle ramène le roi à une fonction, un métier alors que ce statut relève normalement de l'élection divine. De plus son corps considéré comme sacré au 16e siècle est ramené à un corps quelconque à travers le registre réaliste « deux yeux, deux mains, un corps » associé à la tournure restrictive « ne … que »

Tout le passage est marqué par l'opposition récurrente des pronoms pluriel « vous » et singulier « il »  qui est une façon pour la Boétie de réduire le tyran à sa simple personne et d'atténuer la réalité de son pouvoir.

b) Le monarque, portrait d'un voleur

« enlever sous vos yeux » l.2

«piller » l.2

«voler et  dépouiller » l.2

« rien n'est plus à vous » l.3

« la moitié de vos biens » l.4

« larron qui vous pille » l.12

« ses pilleries » l.14

« votre revenu » l.2

« vos champs » l.2

« vos maisons » l.3

« vos ancêtres » l.3

« vos familles » l.4

« vos vies » l.5

Champ lexical du vol

adjectifs possessifs de la deuxième personne du pluriel

La Boétie va encore plus loin en dressant le portrait d'un voleur. Le champ lexical du vol est très présent et mis en valeur par la démultiplication de l'adjectif possessif « vous » qui marque la propriété. Ces propriétés sont évoquées à travers une gradation : le roi confisque les biens de son peuple à travers l'impôt (« vos revenus ») mais aussi des biens immatériels comme la vie (« vos vies »).Ce texte s'apparente donc bien à un procès dans lequel La Boétie accuse le roi.

c) Le monarque, portrait d'un monstre sans foi ni loi

« D'où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n'est de vous ? » l.9

« tel un grand colosse dont on a brisé la base » l.

« ces dégâts, ces malheurs, cette ruine » l.5

« vous détruire » l.9

« vous frapper » l.10

« vous assaillir » l.11

« du meurtrier qui vous tue » l.13

« afin qu'il puisse assouvir sa luxure » l. 14

« pour qu'il en fasse des soldats » l.15

« pour qu'il les mène à la guerre » l. 15

« afin qu'il puisse se mignarder dans ses délices  et se vautrer dans ses sales plaisirs » l. 17

Métaphore

comparaison

Champ lexical de la violence physique et de la destruction

propositions subordonnées exprimant le but

La Boétie donne de l'état une image monstrueuse d'un géant pourvu de centaines d'yeux dont l'invincibilité apparente cache une grande fragilité.

Cette grande violence physique tend à signifier que ces actions royales sont des exactions. Les déterminants démonstratifs « ces » rendent encore plus présents et réels la tragédie du peuple et le recours au pronom personnel « vous » en position d'objet  renforce l'idée de fatalité qui pèse sur lui. Ce portrait en action du tyran en fait un criminel sanguinaire qui vampirise son peuple, s'en nourrit en n'ayant pour seule fin que lui-même.

Dès lors l'omniprésence des propositions subordonnées exprimant le but souligne que les sujets ne sont que des moyens au service de la puissance du roi pour assouvir ses instincts guerriers et sa propension à la luxure et au vice.

Aveugle au bien commun, l’État monarchique ne sert donc que son seul intérêt.

II/ Un réquisitoire contre la soumission du peuple

a) Les accusations faites au peuple

« Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres » l.1

« à votre bien ! » l.1

« de vos ancêtres ! » l.3

«que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies » l.4

«  aveugles » l.1

« sous vos yeux » l.2

omniprésence des pronoms « il » et « vous »

Accumulation de termes dépréciatifs

phrases exclamatives

antiphrase

champ lexical de l'aveuglement

opposition entre le « il » et le « vous »

Les propos sont d’emblée accusateurs. Il s’agit d’une accusation collective ainsi qu’en témoignent les noms gens, peuples et nations qui désignent des groupes sociaux. On remarque que les termes caractérisant le peuple relèvent tous d’une évaluation péjorative.

La véhémence de cette accusation est traduite par le point d’exclamation. On peut parler d’apostrophe indignée.

L'auteur utilise l'ironie pour dénoncer l’aveuglement du peuple qui ne comprend pas ce qui se passe, ce dont il est victime. Il n'en a pas conscience, victime de sa vision déformée des choses.

Cette reprise systématique des deux pronoms met en évidence le un contre tous et montre le côté dérisoire des rapports de force . Comment un seul homme peut-il faire régner une telle terreur parmi son peuple ? La Boétie semble vouloir faire comprendre au peuple qu'il représente la force par le nombre et qu'il ne peut avoir peur d'un seul homme.

b) La responsabilité du peuple de son état de servitude

« Vous vous laissez enlever » l.1 et 2

« vous laissez piller » l.2

« Vous vivez » l.3

« vous semez vos champs pour qu'il … » l.13

« vous nourrissez vos enfants pour qu'il ... » l.15

« receleurs » l.12

« complices » l.13

« si ce n'est de vous » l.9

« s'il ne vous les emprunte ? » l.10

« qui ne soit de vous-mêmes ? » l.11

« traîtres de vous-mêmes ? » l.13

Anaphore du verbe « laisser »

utilisation du présent de l'indicatif à valeur  itérative

champ lexical de la complicité

questions rhétoriques

La Boétie reproche au peuple sa passivité face aux exactions du tyran. L'abondance de phrases déclaratives au présent de l'indicatif présente les faits comme étant immuables sans qu'ils puissent être modifiés par une volonté quelconque malgré l'injustice subie par le peuple. A noter la position du pronom personnel « vous » en position de sujet ce qui met en évidence la responsabilité du peuple qui devient acteur passif des vols commis par le roi.

La Boétie va encore plus loin en dénonçant la complicité qui existe entre le peuple et le tyran.

Le peuple accepte de nourrir le monstre avec sa propre chair comme le montrent l'enchaînement des phrases interrogatives. Les questions rhétoriques visent à faire apparaître les paradoxes de cette situation, mais aussi les injustices et la lâcheté du peuple qui a peur du roi.

III/ Où s'expriment l'indignation et l'appel à la révolte de La Boétie

a) le registre pathétique

« Ces dégâts, ces malheurs, cette ruine » l.5

« courageusement » l.6

« vous offrir vous-mêmes à la mort » l.7

« détruire » l.9

« qu'il les mène à la guerre et à la boucherie » l. 15-16

« indignités » l. 18

« familles » l.4

« maisons » l.14

« filles » l.14

« enfants » l.15

Champ lexical du malheur et de la destruction

champ lexical de la famille

Même si La Boétie condamne la soumission du peuple, il exprime son indignation face à sa souffrance et à son malheur par le recours au vocabulaire de la destruction et du malheur qui donne au texte des accents pathétiques. Malgré sa souffrance, le peuple apparaît comme courageux et digne.

 L'emploi des termes précis pour désigner la famille et le foyer crée une impression d'humanité qui rend encore plus poignant le destin tragique de ces hommes et de ces femmes.

b) registre polémique

« D'où tire-t-il ... ?» l. 9

« Comment a-t-il tant de mains … ? » l.10

« Les pieds dont il foule vos cités … ? » l. 10-11

« A-t-il pouvoir sur vous … ? » l.11

« Comment oserait-il … ? » l. 11-12

« Quel mal pourrait-il faire … ? » l.12-13

« à votre bien ! » l.1

« de vos ancêtres ! » l.3

« Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres » l.1

« Ces dégâts, ces malheurs, cette ruine » l.5

« vous laissez piller vos champs, voler, dépouiller vos maisons »l.2-3

« la moitié de vos biens, de vos famille, de vos vies » l.5

« Vous vous laissez enlever » l.1 et 2

« vous laissez piller » l.2

« afin qu'il puisse assouvir sa luxure » l. 14

« pour qu'il en fasse des soldats » l.15

« pour qu'il les mène  à la guerre » l. 15

« afin qu'il puisse se mignarder dans ses délices  et se vautrer dans ses sales plaisirs » l. 17

« soyez résolus » l.21

« de le vouloir »l.20

« et vous le verrez » l.22

« libres » l.21

« délivrer » l.19

« se rompre » l.22

« ébranler » l.21

« pousser » l.21

questions rhétoriques

Phrases exclamatives

hyperboles

rythme ternaire

anaphores  

parallélismes de construction

Phrases injonctives, verbes de volonté,

futur

champ lexical de la révolte

champ lexical du renversement

Certes La Boétie condamne la passivité du peuple mais il a conscience de son aveuglement et il va alors chercher à réveiller les consciences en le renvoyant à sa propre condition et en lui faisant comprendre les raisons de son malheur. Pour cela il l'interpelle directement à l'aide des pronoms de la deuxième personne et la tournure interrogative.

L'auteur cherche à bousculer son auditoire et n'hésite pas à l'apostropher pour le réveiller de sa léthargie. Cela passe par des invectives très dures à son encontre afin de le faire réagir.

Ce rythme a une valeur oratoire car l'enchaînement ternaire crée un équilibre et une harmonie musicale qui permettent de mettre l'accent sur l'idée que l'auteur veut transmettre. Il a une valeur d'insistance qui doit frapper et renforcer l'attention de l'auditoire.

Les anaphores et les parallélismes de construction montrent la volonté de La Boétie de bousculer le peuple et de l'amener à réagir ; Pour cela il use de procédés d'insistance qui expriment non seulement la véhémence de l'orateur mais aussi une volonté d'être compris par son auditoire.

La Boétie exhorte le peuple à se libérer de ce joug. Pour l'exprimer il évoque un futur immédiat pouvant prendre des allures nettement plus heureuses. Il insiste sur le fait que la liberté est un espoir certain et non une utopie.

Il reprend le motif de la désobéissance civile et il oppose le sang et la révolte à la question du souhait, de la volonté. Il s’agit pour lui de souligner que cette liberté peut être facilement retrouvée parce que le tyran peut être facilement renversé:

– image du colosse fragile: expressions comme « brisé » « fondre » « se rompre ».

Pour ce faire il suffit d’inverser le « un contre tous » en « tous contre un »: si les peuples cessent d’alimenter et de fortifier le tyran, il n’est plus rien, il perd toute force de vie.

Par ailleurs ce renversement ne repose pas sur les armes, la guerre civile mais simplement sur la volonté ainsi qu’en témoignent les termes « vouloir » ou encore « résolus » que La Boétie oppose aux verbes « pousser, ébranler ».

La syntaxe vient signifier la facilité de ce renversement: recours à des phrases courtes composées de deux membres. Le 1er membre évoque une hypothèse, une éventualité et le second le résultat. Mais le resserrement de la phrase par la coordination suggère un résultat aisé et rapide:

ex: « soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres ».

...

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