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Ubu Roi. Drame par Alfred Jarri

Fiche de lecture : Ubu Roi. Drame par Alfred Jarri. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Mars 2014  •  Fiche de lecture  •  1 976 Mots (8 Pages)  •  2 118 Vues

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UBU ROI. Drame en cinq actes et en prose d’Alfred Jarry (1873-1907), publié à Paris dans la revue le Livre d’art en avril et mai 1896, en volume au Mercure de France en 1896, et créé à Paris au théâtre de l’Œuvre le 10 décembre de la même année.

Le seul nom d’Ubu a fait davantage pour rendre célèbre Alfred Jarry que tout l’ensemble de son œuvre, et le personnage a depuis longtemps acquis une existence autonome, dépassant le champ de la littérature. Son origine et l’usage qu’en fit Jarry ne sauraient d’ailleurs en aucun cas être réduits à la dimension littéraire, dont il est aussi la négation et la parodie.

Venant de Saint-Brieuc, le jeune Alfred Jarry arriva au lycée de Rennes en octobre 1888, en classe de première; il y devint l’ami d’Henri Morin, l’un de ses condisciples, qui lui fit connaître un ensemble de textes dont le héros était M. Hébert, professeur de physique au lycée de Rennes depuis 1881 et victime constante de terribles chahuts. Les élèves avaient en outre inventé une vaste littérature dont M. Hébert, surnommé (entre autres) le père Heb ou père Ébé, était le héros: drames, épopées, chansons, vantaient sa gloire dérisoire et ses exploits ridicules. De cette production abondante recueillie par Charles Morin, frère aîné d’Henri, Jarry retint plusieurs textes, dont un drame, les Polonais, où l’on voit le père Heb devenir roi de Pologne... Il en organisa des représentations sur un petit théâtre familial, dès le mois de décembre 1888, d’abord avec des marionnettes, puis en théâtre d’ombres. Quittant Rennes, Jarry conserva ces manuscrits des frères Morin et, peu à peu, transforma les documents bruts. En avril 1893, il publie Guignol dans l’Écho de Paris mensuel illustré: le père Heb, devenu père Ubu, y paraît pour la première fois, «ancien roi de Pologne et d’Aragon, docteur en pataphysique». Puis Jarry publie le texte d’Ubu roi au printemps 1896, avant de le faire jouer en décembre de la même année au théâtre de l’Œuvre, haut lieu de l’avant-garde, dans une fiévreuse atmosphère de scandale qui, du jour au lendemain, rendit célèbre le nom de Jarry et, plus encore, celui d’Ubu. Le manuscrit des Polonais du lycée de Rennes n’étant pas connu, il est difficile de savoir si, comme le prétend Jarry, il a «restitué dans son intégrité» le drame scolaire ou bien s’il l’a resserré, lui donnant son étonnante et abrupte concision.

Les frères Morin, et leur triste porte-parole Charles Chassé, dans un livre d’une éprouvante sottise (Sous le masque d’Alfred Jarry (?): les sources d’«Ubu roi», 1921) ont voulu dénoncer le «vol» commis par Jarry, tout en soulignant le peu d’intérêt de l’objet volé. Mais il y a effectivement un «mystère» Ubu — le gouffre entre cette production lycéenne et l’importance mythique prise par la pièce et le personnage.

Synopsis

Ubu est l’officier de confiance de Venceslas, roi de Pologne. Pleine d’ambition, la mère Ubu lui suggère de tuer le roi et de prendre le pouvoir. Ubu reçoit des invités à dîner et leur donne de la «merdre» à manger. Un complot s’organise: Ubu s’allie au capitaine Bordure pour tuer le roi pendant la revue (Acte I). Ayant fait un songe prémonitoire, la reine tente de décourager Venceslas d’aller à la revue, mais il refuse de l’entendre. Il est tué par Ubu et Bordure, cependant que la reine et son fils, le jeune Bougrelas, parviennent à s’échapper. Réfugiée dans une caverne, la reine meurt d’épuisement. Bougrelas, encouragé par les ombres de ses aïeux, décide de se venger. Pour fêter son avènement, Ubu, malgré sa ladrerie, distribue de l’or au peuple (Acte II). Ubu refuse les conseils de modération de la mère Ubu: pour s’emparer de leurs biens, il fait passer tous les nobles à la trappe, puis c’est le tour des magistrats et des financiers. Ubu part alors récolter les impôts chez les paysans avec son «voiturin à phynances»; sa cruauté engendre la révolte et le ralliement populaire à Bougrelas. Outré du manque de reconnaissance d’Ubu, son ancien complice le capitaine Bordure va en Russie s’allier avec le tsar Alexis, qui décide d’envahir la Pologne et de rétablir Bougrelas sur le trône. Le père Ubu part donc faire la guerre, laissant la régence à la mère Ubu (Acte III). À Varsovie, Bougrelas et ses partisans chassent la mère Ubu. En Ukraine, l’armée d’Ubu se prépare à affronter les Russes. La bataille a lieu, la lâcheté d’Ubu conduit ses troupes à la débandade. Il se réfugie dans une caverne (Acte IV). Dans cette même caverne paraît la mère Ubu en fuite depuis quatre jours. Malgré l’obscurité, elle reconnaît Ubu et décide de lui donner une leçon: lorsqu’il s’éveille, elle feint d’être une apparition surnaturelle et lui fait la morale; mais la clarté du jour levant la trahit. Ubu la bat. Bougrelas et ses fidèles surviennent, mais les Ubu parviennent à s’enfuir. La dernière scène montre Ubu et sa bande sur le pont d’un navire, faisant route vers la France (Acte V).

Critique

Les effets du lancement provocateur réalisé par Jarry — le «Merdre» sonore, premier mot d’Ubu roi, jeté à la face du Tout-Paris symboliste — sont depuis longtemps retombés. Si la pièce peut aujourd’hui encore fasciner, et imposer le père Ubu, c’est d’abord par sa langue où se mêlent l’argot scolaire, la parodie des classiques et un réalisme élémentaire, portés par une extraordinaire énergie et transfigurés par le traitement théâtral proposé par Jarry, qui refuse et détourne les conventions dramatiques du XIXe siècle. L’élément parodique est particulièrement important, puisque presque constamment Ubu roi renvoie à des scènes célèbres du théâtre classique, en particulier Macbeth. En outre, le langage singulier du héros, déformant les mots: «phynances» ou «oneilles», et multipliant les effets de style: «De par ma chandelle verte» ou le fameux «cornegidouille», facilement imités, a rendu populaires sa monstrueuse silhouette et son verbe tonitruant.

Ce sont là quelques-unes des raisons de la surprenante efficacité scénique d’Ubu roi; il y en a d’autres, parfois paradoxales. Même retourné, mutilé, piétiné, le théâtre classique porte encore la pièce, qui en

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