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Livre 7 fables de la fontaine

Cours : Livre 7 fables de la fontaine. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  6 Mars 2016  •  Cours  •  16 555 Mots (67 Pages)  •  1 029 Vues

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« Incipit »

Au milieu du grand silence, et dans le désert de l’avenue, les voitures (l.1) de maraîchers montaient vers Paris, avec les cahots rythmés de leurs (l.2) roues, dont les échos battaient les façades des maisons, endormies aux (l.3) deux bords, derrière les lignes confuses des ormes. Un tombereau de (l.4) choux et un tombereau de pois, au pont de Neuilly, s’étaient joints aux huit (l.5) voitures de navets et de carottes qui descendaient de Nanterre ; et les (l.6) chevaux allaient tout seuls, la tête basse, de leur allure continue et (l.7) paresseuse, que la montée ralentissait encore. En haut, sur la charge des (l.8) légumes, allongés à plat ventre, couverts de leur limousine à petites raies (l.9) noires et grises, les charretiers sommeillaient, les guides aux poignets. Un (l.10) bec de gaz, au sortir d’une nappe d’ombre, éclairait les clous d’un soulier, (l.11) la manche bleue d’une blouse, le bout d’une casquette, entrevus dans (l.12) cette floraison énorme des bouquets rouges des carottes, des bouquets (l.13) blancs des navets, des verdures débordantes des pois et des choux. Et, (l.14) sur la route, sur les routes voisines, en avant et en arrière, des ronflements (l.15) lointains de charrois annonçaient des convois pareils, tout un arrivage (l.16) traversant les ténèbres et le gros sommeil de deux heures du matin, (l.17) berçant la ville noire du bruit de cette nourriture qui passait. (l.18)

Balthazar, le cheval de madame François, une bête trop grasse, (l.19) tenait la tête de la file. Il marchait, dormant à demi, dodelinant des oreilles, (l.20) lorsque, à la hauteur de la rue de Longchamp, un sursaut de peur le planta (l.21) net sur ses quatre pieds. Les autres bêtes vinrent donner de la tête contre (l.22) le cul des voitures, et la file s’arrêta, avec la secousse des ferrailles, au (l.23) milieu des jurements des charretiers réveillés. Madame François, adossée (l.24) à une planchette contre ses légumes, regardait, ne voyait rien, dans la (l.25) maigre lueur jetée à gauche par la petite lanterne carrée, qui n’éclairait (l.26) guère qu’un des flancs luisants de Balthazar. (l.27)

— Eh ! la mère, avançons ! cria un des hommes, qui s’était mis à (l.28) genoux sur ses navets… C’est quelque cochon d’ivrogne. (l.29)

Elle s’était penchée, elle avait aperçu, à droite, presque sous les (l.30) pieds du cheval, une masse noire qui barrait la route. (l.31)

— On n’écrase pas le monde, dit-elle, en sautant à terre. (l.32)

C’était un homme vautré tout de son long, les bras étendus, tombé la (l.33) face dans la poussière. Il paraissait d’une longueur extraordinaire, maigre (l.34) comme une branche sèche ; le miracle était que Balthazar ne l’eût pas (l.35) cassé en deux d’un coup de sabot. Madame François le crut mort ; elle (l.36) s’accroupit devant lui, lui prit une main, et vit qu’elle était chaude. (l.37)

— Eh ! l’homme ! dit-elle doucement. (l.38)

Mais les charretiers s’impatientaient. Celui qui était agenouillé dans (l.39) ses légumes reprit de sa voix enrouée : (l.40)

— Fouettez donc, la mère !… Il en a plein son sac, le sacré porc ! (l.41) Poussez-moi ça dans le ruisseau ! (l.42)

Cependant, l’homme avait ouvert les yeux. Il regardait madame (l.43) François d’un air effaré, sans bouger. Elle pensa qu’il devait être ivre, en (l.44) effet. (l.45)

— Il ne faut pas rester là, vous allez vous faire écraser, lui dit-elle… (l.46) Où alliez-vous ? (l.47)

— Je ne sais pas…, répondit-il d’une voix très-basse. (l.48)

Puis, avec effort, et le regard inquiet : (l.49)

— J’allais à Paris, je suis tombé, je ne sais pas… (l.50)

Elle le voyait mieux, et il était lamentable, avec son pantalon noir, sa (l.51) redingote noire, tout effiloqués, montrant les sécheresses des os. Sa (l.52) casquette, de gros drap noir, rabattue peureusement sur les sourcils, (l.53) découvrait deux grands yeux bruns, d’une singulière douceur, dans un (l.54) visage dur et tourmenté. Madame François pensa qu’il était vraiment trop (l.55) maigre pour avoir bu. (l.56)

— Et où alliez-vous, dans Paris ? demanda-t-elle de nouveau. (l.57)

Il ne répondit pas tout de suite ; cet interrogatoire le gênait. Il parut se (l.58) consulter ; puis, en hésitant : (l.59)

— Par là, du côté des Halles. (l.60)

Il s’était mis debout, avec des peines infinies, et il faisait mine de (l.61) vouloir continuer son chemin. La maraîchère le vit qui s’appuyait en (l.62) chancelant sur le brancard de la voiture. (l.63)

— Vous êtes las ? (l.64)

— Oui, bien las, murmura-t-il. (l.65)

Alors, elle prit une voix brusque et comme mécontente. Elle le (l.66) poussa, en disant : (l.67)

— Allons, vite, montez dans ma voiture ! Vous nous faites perdre un (l.68) temps, là !… Je vais aux Halles, je vous déballerai avec mes légumes. (l.69)

Et, comme il refusait, elle le hissa presque, de ses gros bras, le jeta (l.70) sur les carottes et les navets, tout à fait fâchée, criant : (l.71)

— À la fin, voulez-vous nous ficher la paix ! Vous m’embêtez, mon (l.72) brave… Puisque je vous dis que je vais aux Halles ! Dormez, je vous (l.73) réveillerai. (l.74)

Elle remonta, s’adossa contre la planchette, assise de biais, tenant (l.75) les guides de Balthazar, qui se remit en marche, se rendormant, (l.76) dodelinant des oreilles. Les autres voitures suivirent, la file reprit son allure (l.77) lente dans le noir, battant de nouveau du cahot des roues les façades (l.78) endormies. Les charretiers recommencèrent leur somme sous leurs (l.79) limousines. (l.80)

Chapitre I, Le Ventre de Paris, 1873, Emile Zola.

Lecture analytique n°1.

(1ères ES, S.).

Incipit, « Au milieu du grand silence… Leur somme sous leurs limousines », Chapitre I, Le Ventre de Paris, 1873, Emile Zola.

 

INTRODUCTION.

   ● Emile Zola (1840-1902), est né à Paris, mais a vécu toute sa jeunesse à Aix-en-Provence, où il rencontré le fauve Cézanne. Il est un auteur naturaliste de la seconde moitié du XIXème siècle. Son but affiché était de faire du roman le lieu d’une étude scientifique du monde et de l’Homme par le biais d’une « méthode expérimentale ». La méthode expérimentale repose sur le fait que le romancier « intervient d’une façon directe pour placer son personnage dans des conditions » qui révéleront le mécanisme de sa passion et vérifieront l’hypothèse initiale. « Au bout, il y a la connaissance de l’homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelle et sociale. » Zola, influencé par La Comédie humaine de Balzac, commence dés 1871 son immense fresque des Rougon-Macquart qu’il sous-titre « Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire ». Il affirme que « Les Rougon-Macquart personnifieront l’époque, l’Empire lui-même. ».

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