LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Lettre à Luis de Santangel

Lettre type : Lettre à Luis de Santangel. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Mars 2015  •  Lettre type  •  3 367 Mots (14 Pages)  •  961 Vues

Page 1 sur 14

Seigneur,Sachant que vous aurez du plaisir à apprendre la nouvelle de la victoire que le Seigneur m'a donnée dans mon voyage, je vous écris cette lettre, pour que vous sachiez que je suis arrivé aux Indes en vingt jours 2, avec la flotte que les Très Illustres Roi et Reine, nos Seigneurs, m'avaient confiée. J'y ai découvert un très grand nombre d'îles, habitées par une population infinie. J'ai pris possession de toutes ces îles, au nom de Leurs Altesses, par voix de héraut et avec la bannière royale déployée, sans rencontrer aucune contradiction.

J'ai mis le nom de San Salvador à la première île que j'ai découverte, en l'honneur de Sa Divine Majesté, qui a fait le miracle de permettre tout cela: les Indiens l'appelaient Guanahani. J'ai appelé la deuxième île Sainte-Marie de la Conception; la troisième, l'île Fernandine; la quatrième, l'Isabelle; la cinquième, île Juana; et ainsi de suite, j'ai donné un nom nouveau à chacune d'elles.

Sitôt arrivé à l'île Juana, je me suis mis à en suivre la côte en direction du ponant; et je l'ai trouvée si grande, que j'ai supposé qu'elle devait faire partie de la terre ferme et que c'était quelque province de Cathay. Je n'y ai trouvé ni ville ni village au bord de la mer, à l'exception de quelques petits hameaux, où je n'ai pu m'aboucher avec les habitants, parce qu'ils s'enfuyaient tous; et pour cette raison j'ai continué mon voyage, toujours en avant, dans l'espoir que je ne manquerais pas de découvrir quelque grande ville ou quelque cité.

Après avoir parcouru un grand nombre de lieues, je me rendis compte que rien de nouveau n'apparaissait, et que la côte me conduisait vers le nord; c'était justement ce que je voulais éviter, parce que l'hiver était déjà assez avancé, et mon intention était de le passer en naviguant vers le sud. D'ailleurs, le vent était contraire; en sorte que je résolus de ne plus m'attarder. Je revins donc en arrière, jusqu'à un très bon port. Là, j'envoyai deux hommes à terre, afin de savoir s'il y avait un roi ou quelque grande cité. Ils cheminèrent pendant trois jours, et découvrirent une infinité de petits hameaux et des gens sans nombre, mais sans qu'il y eût aucun indice de gouvernement; en sorte qu'ils revinrent sur leurs pas.

J'avais compris, par le moyen de certains Indiens que j'avais fait prisonniers, que toute cette terre n'était qu'une île, malgré sa grandeur. Je me mis donc à voguer le long de sa côte, en direction de l'orient, sur une distance de 107 lieues, jusqu'à ce que j'en découvris l'extrémité. De là, j'aperçus une autre île plus à l'est, à une distance de 18 lieues de la première. Je lui ai mis tout de suite un nom et l'appelai l'île Espagnole.

Je me dirigeai vers elle; et je suivis ensuite sa côte septentrionale, ainsi que je l'avais fait pour l'île Juana, en allant toujours vers l'est. Je fis ainsi 178 grandes lieues en ligne droite, et direction de l'est, ainsi que je l'avais fait pour l'île Juana. Cette île, aussi bien que les autres, est excessivement abrupte; mais celle-ci l'est encore plus que les autres. Il y a un grand nombre de ports sur ses côtes, et je ne saurais les comparer à aucun de ceux que je connais dans le monde chrétien. Il y a aussi beaucoup de belles et grandes rivières, au point que cela paraît incroyable. Le sol de l'île est très accidenté, avec beaucoup de montagnes et des cimes très hautes, incomparablement plus élevées que celle de l'île de Ténériffe.

Toutes ces montagnes sont très belles et d'aspect très varié. Elles sont toutes praticables et couvertes d'arbres de toutes les espèces, et si hauts qu'ils semblent toucher au ciel. On m'a assuré que ces arbres ne perdent jamais leur feuillage; et cela semble évident, car je les trouvai aussi beaux et aussi verdoyants qu'on les voit en Espagne au mois de mai. Certains d'entre eux étaient en fleur, d'autres portaient déjà des fruits, tandis quel d'autres encore se trouvaient à un stade différent, chacun selon sa propre nature; et, bien qu'on fût au mois de novembre, on entendait chanter le rossignol, avec mille autres petits oiseaux de toutes les espèces.

Dans les régions que j'ai parcourues, il y a des palmiers de six ou de huit sortes différentes, et leur belle variété enchante le regard. Il en est de même de tous les autres arbres, des fruits et des herbes. Il y a des pinèdes merveilleusement belles et de très vastes campagnes. On y trouve du miel, ainsi qu'une grande variété d'oiseaux, et des fruits très divers. Dans la terre il y a beaucoup de mines riches en métaux, et la population y est très nombreuse.

L'île Espagnole est une véritable merveille: les chaînes des montagnes et les pics aussi bien que les vallées et les campagnes. La terre en est si belle et si grasse qu'elle semble également appropriée pour semer et cultiver, pour élever n'importe quelle classe de bétail, ou pour construire des villes et des villages. Quant aux ports de la mer, on ne saurait me croire sans les avoir vus. Il y a beaucoup de grandes rivières, dont l'eau est excellente; et la plupart d'entre elles charrient de l'or. Pour ce qui est des arbres, des fruits et des plantes, il y a une grande différence entre ceux d'ici et ceux de l'île Juana. Dans celle d'ici, il y a beaucoup d'épices, et de grandes mines d'or et d'autres minerais.

Les habitants de cette île, aussi bien que de toutes celles que j'ai découvertes et dont j'ai pris possession, et de celles sur lesquelles je n'ai fait que recueillir des renseignements, vont tous tout nus, les hommes aussi bien que les femmes, tels que leurs mères les ont mis au monde. Il n'y a que quelques femmes qui se couvrent un seul endroit du corps avec la feuille de quelque plante, ou avec un mouchoir de coton qu'elles tissent à cet effet. Ils ne connaissent pas le fer ni l'acier; ils ne possèdent pas d'armes et ne savent pas s'en servir. Ce sont pourtant des hommes bien bâtis et de bonne stature; mais ils sont excessivement lâches.

Toutes leurs armes sont des roseaux qu'ils coupent lorsqu'ils sont encore en graine, et à l'extrémité desquels ils fixent un petit bout de bois bien pointu; mais ils n'osent pas s'en servir. En effet, il m'est arrivé bien souvent d'envoyer à terre deux ou trois de mes hommes, avec l'ordre

...

Télécharger au format  txt (19.6 Kb)   pdf (183.1 Kb)   docx (15.9 Kb)  
Voir 13 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com