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Lettre Persane

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Par   •  5 Avril 2014  •  753 Mots (4 Pages)  •  780 Vues

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Lettre 51

Nargum, envoyé de Perse en Moscovie, à Usbek, à Paris.

On m’a écrit d’Ispahan que tu avais quitté la Perse, et que tu étais actuellement à Paris. Pourquoi faut-il que j’apprenne de tes nouvelles par d’autres que par toi ?

Les ordres du roi des rois me retiennent depuis cinq ans dans ce pays-ci, où j’ai terminé plusieurs négociations importantes.

Tu sais que le czar est le seul des princes chrétiens dont les intérêts soient mêlés avec ceux de la Perse, parce qu’il est ennemi des Turcs comme nous.

Son empire est plus grand que le nôtre : car on compte mille lieues depuis Moscou jusqu’à la dernière place de ses États du côté de la Chine.

Il est le maître absolu de la vie et des biens de ses sujets, qui sont tous esclaves, à la réserve de quatre familles. Le lieutenant des prophètes, le roi des rois, qui a le ciel pour marchepied, ne fait pas un exercice plus redoutable de sa puissance.

A voir le climat affreux de la Moscovie, on ne croirait jamais que ce fût une peine d’en être exilé ; cependant, dès qu’un grand est disgracié, on le relègue en Sibérie.

Comme la loi de notre prophète nous défend de boire du vin, celle du prince le défend aux Moscovites.

Ils ont une manière de recevoir leurs hôtes qui n’est point du tout persane. Dès qu’un étranger entre dans une maison, le mari lui présente sa femme ; l’étranger la baise ; et cela passe pour une politesse faite au mari.

Quoique les pères, au contrat de mariage de leurs filles, stipulent ordinairement que le mari ne les fouettera pas, cependant on ne saurait croire combien les femmes moscovites aiment à être battues : elles ne peuvent comprendre qu’elles possèdent le cœur de leur mari, s’il ne les bat comme il faut. Une conduite opposée, de sa part, est une marque d’indifférence impardonnable.

Voici une lettre qu’une d’elles écrivit dernièrement à sa mère :

MA CHERE MERE,

Je suis la plus malheureuse femme du monde ! Il n’y a rien que je n’aie fait pour me faire aimer de mon mari, et je n’ai jamais pu y réussir. Hier, j’avais mille affaires dans la maison ; je sortis, et je demeurai tout le jour dehors. le crus, à mon retour, qu’il me battrait bien fort ; mais il ne me dit pas un seul mot. Ma sœur est bien autrement traitée : son mari la bat tous les jours ; elle ne peut pas regarder un homme, qu’il ne l’assomme soudain. Ils s’aiment beaucoup aussi, et ils vivent de la meilleure intelligence du monde.

C’est ce qui la rend si fière. Mais je ne lui donnerai pas longtemps sujet de me mépriser. J’ai résolu de me faire aimer de mon mari, à quelque prix que ce soit : je le ferai si bien enrager qu’il faudra bien qu’il me donne des marques d’amitié. Il ne sera pas dit que je ne serai pas battue, et que je vivrai dans la maison sans que l’on pense à moi. La moindre chiquenaude qu’il me donnera, je crierai de toute ma force, afin qu’on s’imagine qu’il y va tout de bon, et je crois que, si quelque voisin venait au secours, je l’étranglerais.

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