LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Le rôle de Berthe - Madame Bovary - Flaubert.

Dissertation : Le rôle de Berthe - Madame Bovary - Flaubert.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  19 Avril 2016  •  Dissertation  •  2 294 Mots (10 Pages)  •  4 330 Vues

Page 1 sur 10

Emma Bovary, bien qu'elle ait peut-être un frère, est traitée dans le roman comme une fille unique ; c'est également le cas de Charles. D'ailleurs, les Bovary eux-mêmes n'auront qu'un seul enfant : la petite Berthe. La naissance de Berthe, qui aurait dû constituer un événement, passe relativement inaperçue dans le roman – tout comme la croissance de l'enfant, ses caractéristiques : elle en général. C'est que Berthe existe bien peu auprès de sa mère.

Quel est donc le rôle de Berthe dans l'espace du roman ? Nous verrons dans un premier temps, que Berthe, s’avère être le miroir des projections d’Emma. Nous aborderons ensuite le fait qu’Emma, se retrouve être une enfant « sans mère ». Enfin, nous verrons que ce petit personnage, dont l’importance dans le roman semble être à première vue dérisoire, est en réalité l’incarnation du destin des Bovary.

Si Emma Bovary est déçue par la vie, c'est parce qu'elle se berce d'illusions à tout propos. La naissance de sa fille sera à nouveau une déception : en effet, elle projette des rêves quant à cette enfant, qui ne pourront pas devenir réalité.

Tout d'abord, avant la naissance de sa fille, Emma rêve d'avoir un garçon. En effet, au XIXe siècle, nuls droits politiques ou civils ne sont accordés à la femme. Celle-ci est un être mineur placée sous la coupe de son mari ou bien encore de son père lorsqu'elle n'a pas accédé au rang d'épouse. Emma place ainsi dans ce garçon toutes ses espérances passé de liberté forgées au cours de ses lectures de jeunesse au couvent ( «Elle souhaitait un fils ; il serait fort et brun, elle l'appellerait Georges ; et cette idée d'avoir pour enfant un mâle était comme la revanche en espoir de toutes ses espérances passées. Un homme, au moins, est libre ; il peut parcourir les passions et les pays, traverser les obstacles, mordre aux bonheurs les plus lointains. Mais une femme est empêchée continuellement. Inerte et flexible à la fois, elle a contre elle les mollesses de la chair avec les dépendances de la loi. Sa volonté (...) palpite à tous les vents ; il y a toujours quelque désir qui entraîne, quelque convenance qui retient. Elle accoucha un dimanche, vers six heures, au soleil levant. -C’est une fille ! dit Charles. Elle tourna la tête et s’évanouit »). Ce passage illustre bien la souffrance d’Emma concernant sa féminité : Emma voit en effet la liberté dans la masculinité, c’est d’ailleur ce qu’elle dit à Rodolphe un jour. Son enfant étant une fille, Emma s’évanouit devant la perspective de la reproduction de ses malheurs. Elle a raison : Berthe étant une femme, elle devra, comme Emma, être subordonnée aux hommes, et risquer en cela les mêmes souffrances psychologiques que sa mère.

La deuxième projection mentale qu'Emma fait sur Berthe se matérialise autour du prénom : elle veut lui choisir un prénom qui ait un sens, qui préfigure le destin de son enfant. Flaubert traite ce passage avec beaucoup d'ironie, en montrant que les choix de prénoms de chaque personnage représentent pour lui un idéal inatteignable. Charles, par exemple, aimerait un prénom évoquant sa mère, dont il n'a pas acquis l'amour : "Charles désirait qu'on appelât l'enfant comme sa mère ; Emma s'y opposait". Léon, qui aimerait se rapprocher de la ville et qui s'ennuie à mourir à Yonville, aimerait un prénom "à la mode" : « M. Léon, disait le pharmacien, avec qui j'en causais l'autre jour, s'étonne que vous ne choisissiez point Madeleine, qui est excessivement à la mode maintenant ». Homais, simple bourgeois, choisit des prénoms évoquant la grandeur, grandeur à laquelle il aspire, et qu'il se représente par la croix d'honneur : « M. Homais, quant à lui, avait en prédilection tous [les prénoms] qui rappelaient un grand homme, un fait illustre ou une conception généreuse, et c'est dans ce système-là qu'il avait baptisé ses quatre enfants. Ainsi, Napoléon représentait la gloire et Franklin la liberté ; Irma, peut-être, était une concession au romantisme ; mais Athalie, un hommage au plus immortel chef d'oeuvre de la scène française ». Le premier choix d'Emma, en matière de prénoms pour son enfant, n'évoque ni la grandeur, ni le sens familial : « Pendant sa convalescence, elle s'occupa beaucoup à chercher un nom pour sa fille. D'abord, elle passa en revue tous ceux qui avaient des terminaisons italiennes, tels que Clara, Louisa, Amanda, Atala ; elle aimait assez Galsuinde, plus encore Yseult ou Léocadie. »

Dans ce choix de prénoms, il est facile de reconnaître la tendance romantique d'Emma : elle veut des noms qui évoquent l'Italie, grand pays romantique (dans son Dictionnaire des idées reçues, Flaubert notait justement que l'Italie était la destination pour les voyages de noces) ; elle envisage de l'appeler Atala, le nom d'un personnage de Chateaubriand ; et enfin, elle envisage des noms aux consonnances bretonnantes, qui évoquent les romans d'amour courtois : Yseult, Galsuinde, etc.

Mais le nom qu'elle choisit finalement est encore plus significatif : « Enfin, Emma se souvint qu'au château de la Vaubyessard elle avait entendu la marquise appeler Berthe une jeune femme ; dès lors ce nom-là fut choisi (...) ». Le prénom de Berthe évoque donc l'aristocratie, la noblesse, ce monde auquel Emma n'aura eu accès qu'une seule fois dans sa vie, lors du bal de la Vaubyessard. Le choix de ce prénom est évidemment ironique pour Flaubert, puisque le personnage de Berthe est destiné à une vie d'indigente, comme nous l'apprend la dernière page du roman. Berthe est un être de projections, tout comme le seront Léon, Rodolphe, et la vie d'Emma, en général. Parce qu'elle ne correspond pas aux illusions que sa mère s'est faites à son sujet, elle sera forcément décevante.

Puisque Berthe ne naît pas homme, elle est destinée à continuer la lignée des "Madame Bovary", commencée dans le roman par la mère de Charles, puis par sa première femme, et, enfin, terminée par Emma. Lorsqu'Emma envisage le phénomène de reproduction sociale à laquelle la naissance de l'enfant la prédispose, elle s'en désintéresse. Emma est une mère absente pour Berthe. A la naissance de sa fille, elle la met en nourrice chez la mère Rolet, ce qui est normal à l'époque (les nourrissons des familles bourgeoises sont placés en nourrice, et leur mère ne les récupère que quelques mois plus tard). Mais Berthe est remise en nourrice quelques années plus tard,

...

Télécharger au format  txt (13.6 Kb)   pdf (121.6 Kb)   docx (13.7 Kb)  
Voir 9 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com