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Le Mal Rimbaud

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Par   •  25 Avril 2012  •  2 487 Mots (10 Pages)  •  1 402 Vues

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L’organisation interne de ce poème de Rimbaud, sous tous ses aspects – strophes, syntaxe, ponctuation – fait apparaître une division en deux parties qui correspond étroitement à la thématique du poème : une double dénonciation de la guerre et de la religion.

a) La composition strophique Le Mal est composé de quatre strophes : deux quatrains suivis de deux tercets ; c’est un sonnet. Les vers sont des alexandrins. Cependant, ce texte ne suit pas l’usage traditionnel de l’organisation des rimes dans le sonnet : les rimes sont croisées dans les quatrains alors qu’elles sont traditionnellement embrassées ; le jeu de rimes est différent dans les deux quatrains alors que la règle classique exigeait une identité de rimes ; dans les tercets, le distique en rimes plates est placé à la fin du poème alors que traditionnellement, il est situé au début du premier tercet. Ce genre de libertés est cependant fréquent dans la poésie du XIXe siècle. Traditionnellement, dans le sonnet, les deux quatrains forment un tout cohérent, nettement distinct du bloc formé par les deux tercets. Nous allons voir qu’il en est bien ainsi dans Le Mal.

b) La structure syntaxique Ce sonnet est constitué par une seule phrase : les quatrains sont composés par une proposition circonstancielle de temps (anaphoriquement reprise), puis par une incidente ; les tercets, par la proposition principale (suivie d’une cascade de propositions relatives). Dans les subordonnées (quatrains), l'anaphore de la conjonction de subordination Tandis que (v. 1, 5), la reprise de la conjonction par Que (v. 3), ainsi que la coordination Et (v. 6) entraînent la présence de quatre verbes (Sifflent... Croulent... broie... fait), noyaux de subordonnées de temps. Dans la seconde partie de la phrase (tercets), la brève proposition principale - Il est un Dieu - est mise en valeur par le tiret qui la précède. Elle est suivie de trois propositions relatives; les deux premières sont juxtaposées et introduites par qui (v. 9 et 11), la troisième est soulignée par la coordination Et qui la lie à la précédente et par sa place au début du second tercet après un enjambement. À son verbe (se réveille) se rattache une proposition subordonnée de temps introduite par quand, dont le verbe donnent est retardé par deux participes, ramassées et pleurant. Les vers 7 et 8, isolés par les tirets et l'emploi de la 2° personne dans une adresse à la Nature, constituent une sorte de parenthèse sans lien grammatical avec les deux groupes de propositions. Cette structure en deux blocs grammaticaux nettement distincts (les subordonnées de temps / la principale) contribue à faire apparaître la division du poème en deux tableaux distincts : ce qu’on appelle un « diptyque ».

c) La ponctuation La ponctuation confirme cette structure. Les points-virgules des vers 2, 4, 6 renvoient à la succession des subordonnées. Dans les tercets, le point-virgule du vers 10 distingue les deux relatives introduites par qui (qui rit..., Qui [ ... ] s'endort). En revanche, la virgule à la fin du premier tercet révèle la rapidité de l'enchaînement entre le verbe se réveille et ce qui précède. Mais l'absence de ponctuation forte traduit la continuité du sonnet. La seule ponctuation forte à l'intérieur du sonnet est le point d'exclamation du vers 8, à l'intérieur du passage entre tirets, mais il n'affecte pas la composition d'ensemble. Cette structure, par la phrase unique, traduit une continuité. Parallèlement, elle distingue nettement deux parties dans le sonnet, reliées par la transition des vers 7 et 8.

d) L’organisation thématique L’observation des champs lexicaux (moyen privilégié de repérage des thèmes) suffit à révéler la bipolarisation du poème entre deux thèmes : la guerre (mitraille, bataillons, folie épouvantable, croulent, broient, morts, etc…) et la religion ( Dieu, autel, encens, calices, hosannah, etc…). On constate en outre entre ces deux parties du poème un jeu subtil de parallélismes et d'oppositions. Par exemple au niveau des couleurs : les quatrains sont à dominante rouge (crachats rouges, feu, tas fumant, écarlates ou verts) le rouge symbolisant la violence meurtrière. Dans les tercets apparaissent l'or et le noir, exprimant respectivement le luxe du clergé et le deuil des mères. Les verbes révèlent le contraste entre la violence destructrice de la guerre ( croulent, broie ) et la passivité de Dieu (s’endort) : les hommes s'entretuent, et pourtant Dieu laisse faire. Mais ils indiquent aussi le parallélisme établi par l'auteur dans la dénonciation des pouvoirs : roi qui "raille" et Dieu qui "rit".

A l'intérieur de cette thématique binaire, il faut cependant faire une place à part à la charnière du sonnet constituée par les vers 7 et 8. La syntaxe et la ponctuation nous ont déjà révélé la relative autonomie de cette partie du texte. Elle développe un troisième thème, celui de la Nature. Par ses couleurs implicites ( le vert de l’herbe, la lumière de l’été) cette évocation rejoint la mention du « ciel bleu » au vers 2 : c’est la sérénité de la Nature (la « joie ») ensanglantée par la fureur des hommes. Elle fournit une sorte de conclusion à la dénonciation de la guerre, dont elle invoque les victimes (Pauvres morts !). Mais ces deux vers introduisent aussi le thème des tercets par l’adverbe « saintement » qui annonce l’idée de la religion. Ils opposent ce qui est pour Rimbaud véritablement sacré : la Nature, invoquée comme une déesse (« ô toi … ») à ce qui est pour lui un faux Dieu, le dieu des chrétiens. Situés exactement au centre du poème, ces vers 7 et 8 constituent formellement une transition mais, sur le plan des idées, ils révèlent peut-être le fond de la pensée de l’auteur.

e) L'effet de chute Une règle caractéristique du sonnet consiste à ménager un effet d'attente jusqu'au dernier vers, lequel doit prendre l'allure d'une conclusion suggestive ou inattendue, résumant l'idée du poème. C'est ce qu'on appelle la "chute". Ici, l'attente est d'autant plus marquée que tout le texte n'est qu'une longue phrase commençant par 4 subordonnées, où le verbe principal doit être attendu jusqu'au vers 9. Le poème, enfin, s'achève sur une forte image : l'offrande d'une mère pour le salut de son fils, geste de soumission et de supplication vers un dieu insensible et vénal. Le dernier vers porte à son maximum d'intensité le double sentiment de pitié et d'indignation qui se dégage du texte.

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