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Le Horla De Maupassant : Naissance Du Nouvel Etre (L'AuBersein), Avènement D'une Nouvelle épistémè ?

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Par   •  14 Juin 2015  •  3 234 Mots (13 Pages)  •  976 Vues

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Le Horla est un texte où Maupassant pose une question relative au savoir. Le questionnement vise simultanément deux plans : le plan de l’Homme en tant qu’Etre, objet du savoir (plan ontologique) et le plan du savoir sur l’Homme et plus précisément de l’évolution historique de ce savoir (plan épistémologique). Le fait de mener simultanément cette réflexion dans un même texte souligne le caractère dialectique et la relation de réciprocité qui lie les deux plans.

Nous voudrions par cette lecture montrer comment Maupassant (en penseur) annonce la venue d’une autre manière de penser l’Homme en levant le voile sur des dimensions humaines nouvelles. Il annonce donc la naissance de nouveaux objets du savoir humain, et, partant, de nouvelles sciences. Autrement dit, -et pour reprendre le terme foucaltien – Maupassant se fait l’écho de la transition, en gestation à l’époque, d’une épistémè pré-moderne à une épistémè moderne qui reconfigure les structures des sciences humaines et où un autre type d’approche du savoir commence à prendre forme.

1- L’auβersein : « l’Etre à côté de », « l’Etre en plus de », « l’Etre en dehors de » l’Etre

Rappelons très schématiquement l’histoire.

Un aliéniste[1] invite trois collègues, aliénistes également, et quatre savants à un entretien clinique avec un cas. Celui-ci raconte son histoire avec un souci de rigueur et de démonstration et avec un esprit d’observation, d’expérimentation et de vérification qui le présente comme un rationaliste et un bon positiviste. Par son récit où tout l’argumentaire vise à convaincre les aliénistes de la naissance d’un « Etre nouveau », il finit par semer le doute et par ébranler les certitudes cognitives relatives aussi bien à l’objet du savoir (l’Homme) qu’au savoir lui-même qu’ils ont construit sur cet objet

Dans ce sens le choix du mot « horla » pour désigner cet « être nouveau » (et pour nous un « nouvel Etre ») n’est pas gratuit. Comme tout le monde il m’a fait penser à l’adverbe de lieu et préposition « Hors » suivi cet autre adverbe désignant le lieu « là ». Si je dois traduire, en fonction de ce que suggère le texte, je dirais le horla est « Ce-qui-est en dehors-du-là », ou encore « l’Etre en dehors –du-là », « L’être –à-côté-du-là » et enfin, « l’Etre-en-plus-du-là ». L’adverbe allemand AuBer signifie à la fois « en dehors de », « en plus de » et « à côté de… ». Et comme il faudrait donner à « Etre » son sens philosophique, le mot « auBersein » et le titre de notre lecture proposés ici s’éclairent : la naissance du nouvel Etre, de l’Objet humain ou l’objet-Homme ; celui-ci est reconsidéré d’une manière nouvelle qui nécessite la formation d’un nouveau discours, de nouvelles sciences et d’une nouvelle philosophie de l’Etre. Le Horla est donc la thématisation de la rupture épistémologique qui s’est opérée à la fin du 19ème siècle et dont la formation a commencé déjà au 18ème siècle. En un mot : une nouvelle épistémè, au sens foucaltien[2], naît.

2- Un aliéné positiviste et rationaliste

La situation de la narration est déjà en elle-même significative : il s’agit d’une sorte de séminaire informel où le savoir est au centre de la réflexion. L’observation (/évaluation) concerne aussi bien l’objet du savoir (en l’occurrence le « cas clinique ») que le savoir lui-même :

Le Docteur Marrande, le plus illustre et le plus éminent des aliénistes, avait prié trois de ses confrères et quatre savants, s’occupant de sciences naturelles (p.876)[3]

Si le savoir est au centre de ce «séminaire », il est également défini par rapport à un modèle de scientificité et que représentaient, à l’époque, les sciences naturelles ; ou la science positiviste. Le regard de ces positivistes compte beaucoup du moment que la démarche observation des faits, hypothèses, expérimentation, vérification des hypothèses avait fait ses preuves sur les objets de science matériel. [4] Observons la démarche du « fou » :

1- Rappel des faits

2- Observation des faits pertinents

3- Observation des facteurs environnants les faits

4- Hypothèses

5- Auto-observation

6- Procédure de mise en doute

7- Expérimentation

8- Confrontation des observations et des faits

9- Déduction – Explication

Par cette démarche, c’est non seulement la connaissance en tant qu’ensemble de savoirs produits, constitués et situés, mais encore la méthode du savoir qui est ainsi thématisée. Cette connaissance concerne aussi bien l’objet de la connaissance que le sujet qui assigne à cet objet un ensemble de caractéristiques.

3- L’inexplicable e(s)t l’épouvantable : l’incognito (l’inconnu) et l’incognitio (l’in-cognition)

La lecture attentive du texte révèle un aspect intéressant : l’articulation systématique de l’inexplicable et de l’épouvantable : les mots « épouvantable » et « épouvante » sont répétés sept fois dans le texte[5]. L’épouvantable est la caractéristique de l’inconnaissable et de l’inexplicable. L’épouvantable n’est pas le doute (parce que celui-ci est une démarche, une méthode) mais le non- explicable, l’Incognito. Ou encore l’Incognitio (l’in-cognition). L’inexplicable est d’autant plus épouvantable qu’il affecte un être (le personnage) imprégné de valeurs et de croyances positivistes ou matérialistes (le personnage consultera un médecin puis un Docteur, un savant) et qui a une démarche positiviste. Il a totalement conscience de toutes les dimensions possibles en jeu dans ce qui lui arrive. Cherchant à établir les liens de causalité entre les faits observés et les mutations qui l’affectent, il articule dans une phrase les trois registres les plus importants quant à la compréhension des faits : le registre logique ou rationnel, le registre perceptif (précisément c’est le plan de perception, réel ou irréel, qui est invoqué ), et le registre affectif ou émotionnel :

Je pensai donc, dit-il, qu’il y avait dans la maison une influence fiévreuse due au voisinage du fleuve et j’allais m’en aller pour deux ou trois mois, bien que nous fussions en pleine saison de chasse, quant un petit

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