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La contestation dans le Mariage de Figaro

Cours : La contestation dans le Mariage de Figaro. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Novembre 2019  •  Cours  •  1 473 Mots (6 Pages)  •  993 Vues

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Séance 3. Le Mariage de Figaro, une oeuvre contestataire

Ce sont les privilèges abusifs de la noblesse qui constitue la première cible de la pièce. Pour Beaumarchais, la noblesse doit constituer une garantie contre les abus de pouvoir, le despotisme. Il convient de redonner au mot aristocratie son sens étymologique de “pouvoir des meilleurs”. Il faut que ce soit le mérite qui fonde la vraie noblesse. Il faut donc censurer ceux qui abusent de leur titre et, par leur comportement, s’en rendent indignes. Beaumarchais défend ainsi le principe de la promotion personnelle au mérite, Figaro le redira finalement en chanson pour conclure la pièce (acte V, scène 19 ; septième couplet) : “Par le sort de la naissance, / L’un est roi, l’autre est berger ; / Le hasard fit leur distance ; / L’esprit seul peut tout changer.”

Pour dénoncer les abus des nobles, Beaumarchais redonne à cet “ancien droit du seigneur”, le droit de cuissage, son caractère le plus odieux et l’intrigue se révèle tout à fait révélatrice : le comte avait d’abord promis de renoncer à cet usage archaïque, il ne revient pas publiquement sur cet engagement, il tente de corrompre Suzanne en cachette. Ce que montre la pièce c’est que les grands seigneurs libertins du siècle se comportent finalement comme leurs ancêtres féodaux : les procédés ont changé, pas le caractère scandaleux de leurs abus.

NB : La féodalité est défini comme un ordre économique, politique et social qui se développa au Moyen-Âge, se caractérisant par l'existence de fiefs, de liens particuliers entre suzerains, vassaux et serfs, et qui se prolongea au-delà du Moyen Âge par la survivance de droits et de privilèges attachés aux propriétaires fonciers, aux nobles.

Le Comte Almaviva est selon la préface “un maître absolu”. Il incarne la figure du noble féodal qui concentre tous les pouvoirs : guerrier (il peut nommer Chérubin capitaine), financier (il peut acheter Suzanne), politique (il doit devenir ambassadeur à Londres) et judiciaire (il rend la justice sur ses terres). La pièce met en scène tous ces aspects de façon réaliste : on assiste aux actions du personnage qui part à la chasse au début de l’acte II ou qui rend la justice à l’acte III. Les décors symbolisent cette puissance du seigneur : château avec son parc, impressionnante salle d’audience, galerie avec ses candélabres. Il faut ajouter la présence de nombreux figurants, serviteurs, paysans, paysannes qui illustrent l’étendue du pouvoir.

Le Comte offre l’image d’une conduite déréglée qui doit tout à ses caprices.Il se laisse en permanence guider par ses pulsions. Le désir sexuel rejoint par ailleurs le désir de conquête et l’affirmation de son pouvoir. Cela explique sa violence quand l’objet du désir lui échappe ou, ce qui peut sembler paradoxal au premier abord, la jalousie maladive dont il fait preuve vis-à-vis de la comtesse. Marceline et Bartholo expriment ce paradoxe (I,4) : “On ne sait comment définir le comte, il est jaloux et libertin.”

L’efficacité de la dénonciation tient surtout au fait que Beaumarchais a opposé au libertin le modèle de l’honnête homme en la personne de Figaro. Le vrai garant de l’ordre social, c’est le valet , ou plutôt un représentant du Tiers Etat qui n’a pris ce métier que par accident. Il le dit lui même “maître ici, valet là, selon qu’il plaît à la fortune!” (V, 3). Figaro contre la corruption du Comte incarne la vertu qui défend la fidélité conjugale. Il illustre la force du mérite contre la naissance. Il est finalement le représentant de l’élite du Tiers-Etat, cette bourgeoisie dont l’activité se trouve entravée par les privilèges d’Ancien Régime et qui aspire à la reconnaissance. Il incarne la véritable noblesse, celle du coeur, il s’éloigne ainsi de la vulgarité des valets de farces et comédies passées.

Autres cible de la contestation, la politique et les courtisans. Pour Figaro, la politique ne se distingue pas de l’intrigue, il s’agit dans tous les cas de tromper, de tirer au mieux parti des évènements, de jouer sur l’illusion (III, 5). Figaro se vante par ailleurs de manipuler l’intrigue (I,1 et II,2). Ce sont davantage encore les courtisans qui sont la cible de Beaumarchais. Figaro en résume le métier : “Recevoir, prendre et demander ; voilà le secret en trois mots” (II,2). Ils sont incarnés par un certain nombre de personnages prêts à tout pour s’attirer les faveurs du comte (Bartholo, Bazile).

La critique de la justice est également au coeur de la pièce, Beaumarchais sait que l’institution judiciaire concentre et symbolise tous les abus de la société. Dans l’acte III, on découvre le Comte rendant justice sur ses terre, c’est l’occasion pour Figaro d’exprimer ce verdict sur la loi : “Indulgente aux grands, dure aux petits.” (III,5) On peut relever sa condamnation de l’incompétence des avocats (III, 15). Mais c’est la mise en scène du procès qui constitue la meilleure des satires. On assiste à une parodie de procès : seuls les caprices du juge et son intérêt personnel lui dictent son verdict. Les autres représentants de l’institution ne sont que des figurants. Plus grave, sans la reconnaissance, la justice aurait forcé un fils à épouser sa mère! Beaumarchais met en scène le procès comme un véritable spectacle dont les figurants constituent le public ; cette mise en abyme dénonce bien cette comédie dans la comédie. Notons à ce sujet l’importance du décorum (éclat ostentatoire du décor), le changement du décor se faisant d’ailleurs à vue, les costumes, Brid’oison déclare à ce sujet “Tel rit d’un juge en habit court, qui-i tremble au seul aspect d’un procureur en robe. La forme, la-a forme !” (III, 14), personnage par ailleurs ridicule (l’onomastique ne nous y trompe d’ailleurs pas, cf le Bridoie de Rabelais). La pièce dénonce finalement la vénalité des charges et la corruption des juges. Marceline à ce propos s’étonne de voir Brid’oison juger, ce à quoi le juge répond : “Est-ce que j’ai a-acheté ma charge pour autre chose ?” et Marceline de soupirer :” C’est un grand abus que de les vendre !” (III, 12). Finalement Figaro résume : “on sait bien que la forme est le patrimoine des tribunaux” (III, 13).

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