Joachim Du Bellay ; Les Regrets Sonnet 6 " Las, où Est Maintenant "
Commentaires Composés : Joachim Du Bellay ; Les Regrets Sonnet 6 " Las, où Est Maintenant ". Recherche parmi 298 000+ dissertationsPar JeanBoucher • 26 Mai 2013 • 1 259 Mots (6 Pages) • 5 245 Vues
Joachim du Bellay, Les regrets, 1558, « Las, où est maintenant… »
INTRODUCTION
Du Bellay a suivi son oncle à Rome entre 1553 et 1557 afin d’obtenir une charge honorifique au
Vatican. Il n’obtiendra qu’un poste d’intendant qui sera pour lui une source de désillusion d’autant
plus amère que la France lui manque. C’est dans ce contexte qu’il rédige en 1558 un recueil au titre
largement évocateur : Les Regrets. Après avoir déploré la chute de l’empire romain qu’il croyait
grandiose (cf. Les Antiquités de Rome), Du Bellay revient à lui-même pour déplorer une autre chute,
à savoir l’euphorie qu’il avait connue à Paris, essentiellement au niveau de la création littéraire. Dans
ce poème « Las, où est maintenant », Du Bellay développe une tonalité élégiaque pour mettre en
place le thème de la perte d’inspiration. Nous montrerons donc comment la composition très
rigoureuse de ce sonnet permet au poète d’exprimer sa déploration (tristesse et regrets).
I. LES DEUX QUATRAINS, MARQUE DE L’ELEGIE
L’apostrophe initiale « Las » (vers 1) donne immédiatement au sonnet sa tonalité élégiaque. En effet,
les regrets vont être la marque récurrente de ces deux quatrains. Ils sont rendus par un
questionnement répétitif qui prend la forme d’anaphores : « où est », « où sont ». Du Bellay utilise la
forme concentrique et fermée du sonnet pour mettre en avant ses regrets et donner au texte une
structure logique très claire : les deux quatrains qui constituent une succession de questions qui
renvoient au passé vont s’opposer aux deux tercets qui sont des réponses qui renvoient au présent.
Cette structure souligne en fait l’anéantissement du passé, la perte des illusions, la perte des
ambitions de jeunesse, autant de thèmes concrétisés ici autour d’un topos cher à la Pléiade, à savoir
la perte d’inspiration poétique. Les expressions des deux quatrains vont trouver dès lors leur écho
dans les tercets (« Fortune » vers 1 et 9, v.3 ≠ v.12, v.2 ≠ v.10, v.4 ≠ v.13, v.6 ≠ v.14). Ces procédés
antithétiques sont mis en évidence par une opposition entre la modalité interrogative des vers 1 à 8
et la modalité assertive des vers 9 à 14.
L’adverbe temporel « maintenant », placé à la césure médiane du vers 1, est lui aussi reprit au début
du vers 9, soulignant ainsi l’articulation, le contraste, entre quatrains et tercets. Il renforce également
l’exclamation initiale « Las » et insiste sur l’aspect insupportable résigné pour le poète de ne plus
avoir d’inspiration et de ne plus être au-dessus des autres (cf. vers 4 qui concrétise l’importance de
l’inspiration avec la présence à l’hémistiche du mot « flamme »).
Ce premier quatrain est finalement l’évocation de l’idéal de la Pléiade que Du Bellay semble avoir
perdu et qu’il regrette :
- Le poète est au dessus des hommes (vers 4)
- Le poète défie les dieux et possède une sorte de pouvoir divin
- Le poète est immortel par son art poétique, ce qui semble suggéré dans ce texte par la
présence constante d’adjectifs démonstratifs qui ont une valeur laudative : « ce mépris »,
« ce cœur », « cet honnête désir ».
Dans la continuité de l’image de l’inspiration poétique, le deuxième quatrain met en avant le tableau
allégorique des Muses elles-mêmes métonymie de l’inspiration et qui n’est pas sans évoquer le célèbre tableau d’Andrea Mantegna « Le Parnasse ». Cette allégorie est mise en valeur par la
musicalité d’une longue phrase dont les enjambements rendent compte de la grâce et de l’élan des
Muses dansant. A cela s’ajoute des allitérations de sifflantes et de liquides qui renforcent la fluidité
du rythme.
Ici, Du Bellay nous offre donc un tableau du Bonheur, qui naît de l’inspiration
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