Hamlet

Mattiocco Shanon - Licence de Lettres et arts - L2

                                               Lecture de Théâtre

Toute la pièce Hamlet de William Shakespeare est marquée par la question angoissante de l’oubli, de l’absorption indifférente de la vie et de l’amour par le néant.  Dans toute son œuvre, il a affirmé qu’il y a quelque chose de plus fort que la mort, la vie. Ce n’est pas la mort qui a le dernier mot, mais la vie. L’extrait qui nous intéresse se situe dans la scène 2 de l’acte V, il permet d’introduire de manière manifeste le dénouement de la tragédie d’Hamlet. Avant cette scène iconique que l’on s’apprête à analyser,  Hamlet accepte de se battre en duel avec Laërte et juste après avoir accepté son amitié, le roi offre une coupe empoisonnée à Hamlet, qui la laisse de côté. Mais lorsque Hamlet remporte la première passe , la reine boit à sa santé après avoir saisi la coupe empoisonnée. Dans la confusion qui s'ensuit, Hamlet et Laërte échangent leurs armes si bien que tous deux sont finalement atteints par le poison. La reine meurt et Laërte révèle son propre stratagème ainsi que celui du roi. Hamlet se jette alors sur le roi et le frappe de la pointe d’épée empoisonnée puis l’achève en le forçant à boire de la coupe fatale. Laërte meurt après s’être réconcilié avec Hamlet, tandis que ce dernier agonise, il voit son fidèle ami Horatio arrivé, le voyant dans cet état, il veut lui aussi boire de la coupe empoisonnée mais Hamlet l’en dissuade et le charge de raconter sa tragédie. Dans cette scène que l’on va analyser, Horatio rend hommage à son ami Hamlet en faisant part de son histoire à Fortinbras pour mettre en application sa volonté : que le prince de Norvège règne sur le Danemark. Ainsi, les ambassadeurs entrent et annoncent l'exécution de Rosencrantz et Guildenstern et Fortinbras ordonne que les honneurs funèbres soient rendus à Hamlet. L'arrivée de Fortinbras pose à nouveau la question de la légitimité politique. Contrairement à la famille royale corrompue et affaiblie qui gisait morte sur le sol, Fortinbras apparaît clairement comme un conquérant volontaire et audacieux. Pourtant, cette pièce qui vient clôturer la pièce n’est pas mise en scène dans de nombreuses représentations d’Hamlet. Est-elle jugée inutile dans l’économie du spectacle étant donné que la pièce originale n'aborde pas la question de savoir si son règne restaurera l'autorité morale de l'État ? Finalement, si Hamlet n’a pas pu reconquérir le royaume d'Elseneur, nul ne mérite de prendre la relève à sa place ? Plus encore, pourquoi le personnage de Fortinbras est supprimé dans certaine mise en scène ? On peut remarquer aussi dans la tragédie Shakespearienne que Horatio est un personnage important car il est présent à la première scène et il vient également clôturer la pièce.  Pourtant, dans la représentation de Peter Brooks c’est le contraire, c’est Hamlet qui à le premier mot au début et à la fin de la pièce. On s’interrogera alors, sur l'intérêt que porte Shakespeare à l’égard du personnage d’Horatio et de Fortinbras, pourquoi sont-ils présents sur scène ? . Est-ce pour faire comprendre au lecteur-spectateur que le souvenir d’Hamlet n’est pas destiné à l’oubli ? ; pourquoi un tel dénouement ?  Dans un premier temps nous pouvons montrer que cette scène à première vue semble être un moyen pour Shakespeare d’introduire Fortinbras comme un homme rebelle et commandant qui vit dans l’immédiateté, c’est un protagoniste que Shakespeare fait intervenir lorsqu’il a besoin d’action dans sa dramaturgie. Contrairement à Horatio, qui est à la fois fidèle et sincère envers Hamlet car son rôle permet à ce dernier d’exprimer ses sentiments dans la pièce. Dans un second temps nous verrons que cette scène en dit beaucoup sur  la peur panique qui s’empare du héros : il faut absolument que Horatio raconte, il faut que tout le monde sache, pour que son expérience soit un enseignement et vive après lui. Dans un troisième temps, l’on verra que les émotions ne sont pas les mêmes si l’on décide de supprimer ou de conserver cette scène finale.

Tout d’abord, rappelons que Fortinbras est mentionné tout au long de la pièce, mais n'apparaît pour la seconde fois qu'après la mort de tous les protagonistes. Son entrée est spectaculaire comme nous le montrent les didascalies, les bruits des tambours marquent l'arrivée du prince Fortinbras et de son armée. Ces éléments tendent à souligner l’importance de cet évènement dans l’économie du spectacle en le faisant apparaître comme un conquérant déterminé à prendre ce qu’il estime lui appartenir. Cette entrée spectaculaire  vient d’ailleurs dynamiser la pièce en  s’opposant à la situation d’Horatio qui se trouve être le seul être vivant parmi tous ces morts qui gisent au sol. Il semble lui-même surpris par cette fanfare en posant la question :"Pourquoi ce bruit de tambours ici? “,  car si il savait que Fortinbras était en route, il ne s’attendait pas à une telle apparition. Le lecteur spectateur est à la fois interloqué et déconcerté face à la venue de Fortinbras.

On à pu voir dans les représentations de  Peter Brooks et de Luca Giacomoni que la mention de Fortinbras a été supprimée de l'histoire, on peut supposer que l’action politique n’a pas une influence directe sur ce qui se passe et qu’elle ne se trouve pas à l’origine des événements.  Supprimer ce dénouement c’est se détacher de l’arrière fond politique pour orienter le regard du lecteur spectateur sur la dimension spirituelle de la tragédie d’Hamlet plutôt que sur un récit historico-politique. Etant donné que la pièce originale n'aborde pas la question de savoir si  le règne de Fortinbras restaurera l'autorité morale de l'État, quel intérêt pourrait-il y avoir à conserver cette scène finale ;  si ce n’est que faire perdurer le souvenir de Hamlet à travers un conquérant plein de certitude qui aurait pu être son rival ? .

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