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Dissertation sur Baudelaire

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Par   •  26 Février 2014  •  3 058 Mots (13 Pages)  •  2 086 Vues

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Introduction

Trois parties nettement distinguées par les trois strophes :

une invitation au départ pour trouver le pays qui constitue la correspondance (cf. le poème Correspondances) de la femme aimée ;

une fois arrivés, au moins par l’imagination, dans ce pays, la quête d’un « secret » de « l’âme » ;

mais ce « secret » n’est pas « Le secret douloureux qui me faisait languir », il n’aboutit pas à ce blocage de l’âme évoqué dans le poème Harmonie du soir (le soleil ne se noie pas « dans son sang qui se fige »), mais débouche sur une sorte de mort heureuse dans la convergence de toutes choses.

L’invitation pour le pays-correspondance de la femme

Toute la première strophe fait de la femme et de l’amour l’élément moteur de l’évasion rêvée. Cet élément repose sur une sorte de foi illuministe suivant laquelle il y aurait quelque part un pays en analogie exacte avec l’être aimé et c’est parce qu’on a trouvé cet être aimé qu’on doit aussi trouver le pays correspondant.

Voilà pourquoi Baudelaire va procéder par une espèce d’incantation, multipliant les termes qui expriment le lien qui unit l'homme et la femme. Si elle est à la fois l’« enfant », la « sœur », celle dont « les charmes » séduisent l’« esprit » du poète autant que son cœur, s’il insiste, en le mettant à la rime, sur l’adverbe « ensemble », de sonorité pourtant assez lourde, ce n’est pas pour le plaisir purement gratuit de cajoler la femme aimée, mais pour bien marquer que, de toutes les façons, il s’est créé un réseau de correspondances entre le poète et sa maîtresse et qu’il n’y a donc aucune raison qu’un nouveau réseau ne se crée pas entre leur amour et un pays.

Il est du reste tellement sûr de le trouver qu’il le désigne déjà par l’adverbe « là-bas » qui ne semble comporter aucun vague, mais simplement un éloignement qui sera tout naturellement précisé avec le « Là » du vers 13 ; l’hypothèse de Hubert (cf. Documents de la 3e partie du dossier), suivant laquelle les deux amants regardent un (ou des) tableau(x) de maîtres hollandais paraît très vraisemblable : elle expliquerait très bien en tout cas que le poète puisse à la fois employer l’adverbe « là-bas » et parler au vers 8 « De ces ciels brouillés », comme s’il les avait sous les yeux.

Au fond, dès le début, Baudelaire a trouvé par l’imagination et l’art le pays en correspondance avec son amour et il rêve moins à ce pays qu’à la manière dont il y vivrait, « à la douceur/D’aller là-bas vivre ensemble ».

Sûr de ce pays et de son existence, il n’a plus qu’à chanter ce qu’il y ferait.

D’où ce début sur un rythme de chanson, avec des rimes un peu faciles et naïvement sentimentales, « sœur-douceur » ; « loisir-mourir » ; « mouillés-brouillés » ; « charmes-larmes » ; « mystérieux-yeux », qui traduisent un monde où tout sera aisé et où notamment la bousculade du temps, de ce que Baudelaire appelle l’Ennemi ou l’Irrémédiable (cf. notre étude sur le temps dans Les Fleurs du Mal) sera enfin aboli ; extrême importance de l’expression « Aimer à loisir » (cf. le vers 25 de La Chevelure) qui ne veut pas dire exactement «aimer autant qu’on veut», mais aimer sans avoir à insérer cet amour dans un temps qui le dégrade et le transforme en souvenir (c’est le contraire d’Harmonie du soir et même du Balcon) et donne toute sa force à l’expression « Aimer et mourir » (Baudelaire n’écrit pas banalement aimer à en mourir, ni mourir d’amour), c’est-à-dire ne connaît, jusqu’à la mort comprise, qu’un amour absolu qui échappe au temps (cf. La Mort des amants).

Bref, ce « pays qui te ressemble » échappant à la dispersion du temps (nous verrons dans la troisième strophe qu’il échappe à la dispersion de l’espace) est celui de l’unité retrouvée dans tous les domaines Pourtant ce « pays » n’apparaît pas comme celui du beau fixe, on n’y retrouve pas « l’azur » de La Vie antérieure ni le « ciel pur où frémit l’éternelle chaleur » de La Chevelure : c’est un « pays » humide dont Baudelaire définit les « ciels » avec des images déjà impressionnistes associant la lumière à l’eau (« soleils mouillés »).

Mais aucune mélancolie ne s’attache ici à ce genre de climat, qui, dans d’autres poèmes (par exemple dans Spleen Quand le ciel bas et lourd…), est générateur de spleen. L’« esprit » le domine, en décèle « les charmes » et en dégage sans peine la signification symbolique : il correspond aux « yeux » de la bien-aimée lorsqu’elle pleure.

Là encore, image assez courante, qui évoque la chanson populaire ; ou les fameux adieux d’Hector à Andromaque lorsqu’elle pleure et rit à la fois (Iliade, VI, vers 484). Pourtant ces « yeux » sont « traîtres » et il semble que subsiste ici quelque chose de l’inquiétude de Baudelaire devant le mystère féminin (vers 10).

Comment dans cet univers où tout est apaisement, peut-il rester trace du thème de la femme perfide qui a tant fait souffrir Baudelaire ? Peut-être que le bonheur ne serait parfait que si l’ambiguïté féminine et érotique  était totalement abolie; peut-être que, sous des cieux voilés, le secret de l’âme féminine est-il moins inquiétant, conjuré par l’humidité, par toute cette eau, souvent lustrale chez Baudelaire (« Après s’être lavés au fond des mers profondes », Le Balcon).

À cette conjuration contribue également le rythme, très original, formé de groupements de tercets composés chacun de deux pentasyllabes à rimes plates suivis d’un heptasyllabe qui rime avec l’heptasyllabe du tercet suivant.

Baudelaire a le mérite, vingt ans avant le célèbre Art poétique de Verlaine, de chercher à exploiter toutes les ressources des mètres impairs, leur allure légèrement disloquée, leur rythme un peu syncopé, leur caractère dissymétrique et donc anti-rhétorique.

Ainsi quand on entend « Mon enfant », on pourrait croire au début d’un discours, voire d’un sermon, ces trois sonorités nasales rempliraient facilement la première moitié d’un hémistiche d’alexandrin, et puis brusquement les deux syllabes douces et légères de « ma sœur » brisent l’envolée amorcée et rendent doucement boiteux, si l’on peut dire, ce premier vers.

Effet

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