Commentaire Ruy Bas, Victor Hugo

I. Un monologue lyrique et pathétique : l’exutoire d’une reine abandonnée

1) Une situation pathétique : l’abandon

- La reine est étouffée par les rigueurs de l’étiquette :

• v.759 : « les fleurs qu’on me refuse ici » (cf. II, 1, v.712-713). Il s’agit de myosotis dont la signification est « ne m’oublie pas » ; dans le langage des fleurs, cette couleur est celle d’une tendresse inavouée. Le pronom « on », indéfini, traduit bien l’impersonnalité de l’étiquette qui par ailleurs refuse la beauté, le sentiment et le vivant.

• v.775 : « Puisque mon cœur subit une inflexible loi ». La force de l’adjectif vient renforcer celle du nom « loi », si bien que la reine ne peut en effet rien faire d’autre que « subir », ce verbe étant placé au cœur de l’alexandrin : c’est ce qu’exprime la subordination causale par « Puisque ». La reine ne peut y échapper, et le « cœur » et la « loi », accentués, s’opposent.

• L’étiquette implique un manque d’intimité : l’arrivée de l’huissier en fin de scène rompt brutalement l’épanchement des sentiments ; la solennité de son entrée est soulignée par les didascalies : « grande porte », « à deux battants », « en grand costume », « à haute voix ». Pourtant la reine se trouve dans un moment intime, la prière ; mais c’est qu’il a été lui-même fixé par l’étiquette, d’où l’irritation du vers initial, et le tutoiement dans l’impératif qui renvoie à la duchesse d’Albuquerque (« Dis donc (…) ! »), dont le nom lui-même évoque le poids et la sévérité (longueur du nom, deux fois [k] avec le [r]). De plus, la reine reprend le mot « dévotions », gonflé par la diérèse et le pluriel, comme il l’était au vers précédant : la prière devient plus officielle et contrainte.

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