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Commentaire Médée de Jean Anouilh

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Par   •  17 Mai 2021  •  Commentaire de texte  •  2 948 Mots (12 Pages)  •  2 406 Vues

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Jean Anouilh est un dramaturge et scénariste français du 20e siècle. Il a découvert sa vocation théâtrale en 1928, en assistant à la représentation des pièces de Cocteau et Giraudoux. Ses plus grands succès sont Antigone et l’Alouette. Dans ses pièces, Anouilh reprends le répertoire classique et contemporain. Il met en scène des figures mythologiques dans un contexte moderne, notamment comme Médée et d’autres réécritures de pièces antiques comme Giraudoux avec La guerre de Troie n’aura pas lieu. C’est un des dramaturges les plus marquants de son époque en France avec Ionesco et Beckett. Médée a été écrite en 1946 et créée en en mars 1953 au théâtre de l’Atelier, dans une mise en scène de Barsacq. Si Anouilh reprend les éléments du mythe de la magicienne, fille de roi, petite-fille du Soleil, au moment où celle-ci est abandonnée de Jason, il se distingue de Corneille par plusieurs éléments : il recentre néanmoins l’intrigue sur le couple Médée-Jason pour opposer deux visions du monde antithétiques, il fait de Médée une bohémienne vivant dans une roulotte et il choisit l’écriture en prose, en un bloc, sans actes ni scènes. Le passage que nous allons étudier se situe presque à la fin de la tragédie, lorsque Médée tue ses enfants et l’avoue à Jason. La pièce diffère de la version de Corneille puisque c’est Médée qui mourra et non Jason. Ainsi, nous allons nous demander quel portrait de Médée dresse Anouilh dans cet extrait. Nous analyserons dans un premier temps l’ambiguïté du personnage qui suscite à la fois terreur et pitié ; puis dans un second temps la dimension tragique de l’héroïne qui retrouve symboliquement une forme de liberté.

Le début de cet extrait montre toute l’ambivalence du personnage de Médée, qui affiche une détermination proche de la folie. La première réplique montre qu’elle regarde ses enfants avec une amertume désabusée ; ils ne sont que le reflet de la trahison de Jason : « Innocences ! Piège des yeux d'enfants, petites brutes sournoises, têtes d'hommes. » Elle apparaît comme une mère qui pose à ses enfants des questions banales (« Vous avez froid ? », « Vous avez peur ?») mais dont les réponses décalées témoignent de sa folie : « Je ne vous ferai pas de mal. Je ferai vite. Juste le temps de l'étonnement de la mort dans vos yeux. ». L’antithèse « Je ne vous ferai pas de mal » / « Juste le temps de l’étonnement de la mort dans vos yeux » montre que Médée est déjà hors du réel. Le spectateur peut être saisi d’effroi en même temps que de pitié quand Médée entend serrer ses enfants dans ses bras : « Allons, que je vous rassure, que je vous serre une minute, petits corps chauds. On est bien contre sa mère ; on n'a plus peur. Petites vies tièdes sorties de mon ventre, petites volontés de vivre et d'être heureux... ». La répétition de l’adjectif « petites » amplifie ce malaise : cet adjectif traduit-il l’affection d’une mère pour ses enfants ou le mépris qu’elle ressent pour ces « petits » Jason ?

Un autre aspect du personnage de Médée apparaît dans l’extrait qui suit, montrant une Médée qui se fait plus tendre et regrette l’innocence du temps passé. La réplique commençant par « Jason ! Voilà ta famille, tendrement unie. » traduit de l’affection, l’adverbe « tendrement unie » renforce l’idée d’affection reliant les membres de la famille. Dans la phrase « Une petite Médée tendre et bâillonnée au fond de l'autre » il existe un double sens de l’adjectif « petite » désignant à la fois l’age et l’affection de Médée envers celle qu’elle était autre fois. L’expression « bâillonnée au fond de l’autre » traduit la pitié que Médée éprouve envers cette partie d’elle même qui a été mise en position de victime. Cette expression de pitié réapparaît dans la phrase suivante « Pense qu'elle aura lutté toute seule, inconnue, sans une main tendue et que c'était elle, ta vraie femme ! ». On peut remarquer la pitié éprouvée par Médée dans la solitude de cette lutte souligné par la gradation dans l’intensité de cet sentiment de solitude qui évoque le thème de l’abandon. La tendresse de Médée est également évoquée dans la réplique, « Je veux, je veux, en cette seconde encore, aussi fort que lorsque j'étais petite, que tout soit lumière et bonté ! ». Elle associe un un terme concret « lumière » à sa valeur symbolique positive, au terme abstrait « bonté » qui est une qualité essentielle antithétique de l’acte cruel qu’elle va commettre.

Lorsqu’elle évoque ses petits enfants par « ces deux petits morceaux tièdes de moi », il y a une ambiguïté dans la connotation « morceaux tièdes » de cette expression de tendresse. Médée désigne ses enfants par un terme évoquant la chaire, un objet, montrant ce côté froid malgré un reste de tendresse. Elle éprouve également du regret envers son innocence du passé qu’elle a perdu. L’évocation du regret dans « Médée n'aurait pas aimé, elle aussi, le bonheur et l'innocence » est souligné par les mots « bonheur » et « innocence ». Ce regret continue dans les phrases qui suivent « Si elle n'aurait pas pu être, elle aussi, la fidélité et la foi » et « il y a eu une petite fille Médée exigeante et pure autrefois ». On observe un glissement du verbe « aimé » au verbe « être » au conditionnel exprimant le regret de ne pas avoir pu incarner ces valeurs d’innocence. Les mots « fidélité » et « foi » sont mis en valeur par leur positionnement en fin de phrase. On observe un rythme binaire qui souligne en fin des phrases ces valeurs positives, « bonheur et innocence » « la fidélité et la foi » « exigeante et pure », qu’elle regrette, comme prouvé par l’adverbe « autrefois ». On remarque également que l’utilisation du conditionnel passé fréquente traduit le regret de l’innocence du passé « n’aurait pas aimé », « n’aurait pas pu être ». La manière dont Médée parle d’elle à la troisième personne montre la distanciation entre elle dans le présent et elle dans le passé. Cela est prouvé par l’adverbe « autrefois » et l’utilisation du passé composé «  il y a eu ». De même la répétition du groupe nominal « une petite fille Médée » par « une petite Médée » renforce l’impression de distance entre le présent et le passé lorsqu’elle était innocente et «  pure autrefois » et montre le regret de cette perte d’innocence. Elle évoque aussi le regret de l’échec de sa relation et sa famille avec Jason, le triste dénouement de leur histoire d’amour, « J'aurais voulu, Jason, j'aurais peut-être voulu moi

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