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Bérénice de Racine et Les bergers d'Arcadie de Poussin

Commentaire d'oeuvre : Bérénice de Racine et Les bergers d'Arcadie de Poussin. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  3 Janvier 2021  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 700 Mots (7 Pages)  •  352 Vues

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Vous ferez le parallèle entre le tableau de Nicolas Poussin et Bérénice de Jean Racine

Bérénice et les bergers d’Arcadie

« Ut pictura poesis. » Etonnant paradoxe que cette maxime, tirée de l’Art poétique d’Horace qui associe poésie et peinture, en faisant se correspondre formes et couleurs de l’art pictural à la parole et à l’action du texte poétique. Ces deux arts, cependant, sont tous deux essentiellement des récits, imitations des hommes, de leurs actions et passions, et donnent sens à leur vie. Ainsi en est-il du tableau les bergers d’Arcadie de Nicolas Poussin peint dans les années 1638-1639 et de la pièce de théâtre Bérénice écrite en par le poète dramaturge Jean Racine en 1670. En quoi ces deux œuvres du 17ème siècle, qui se lisent comme une énigme et nous interrogent, s’éclairent-elles l’une l’autre, pour faire sens ? Les bergers d’Arcadie montrent trois jeunes bergers qui décryptent l’inscription terrible d’un tombeau en présence d’une très belle femme, au regard plein de mélancolie. Dans la pièce de Racine Antiochus, roi de Comagène, et Titus, futur empereur de Rome, , aiment Bérénice, reine de Palestine, qui, elle, aime Titus mais ne pourra pas l’épouser et n’aime pas Antiochus, lui, qui depuis cinq ans l’aime en silence, et la tragédie s’achève sur « rien », un vide, ou la mort de l’amour. Cette présentation succincte met en parallèle le thème de l’Amour associé à celui de la Mort. De fait, la question sera de savoir comment ces deux œuvres mises en parallèle éclairent-elles le dualisme entre Eros et Thanatos et révèlent ainsi le sens de notre condition humaine. La perte du paradis, par la prise de conscience des protagonistes de leur « ego », nous conduira à la révélation de cette tragique condition.

1 un paradis qui va être perdu

L’Arcadie, lieu du tableau de Poussin, est une région montagneuse du Péloponnèse, sauvage et isolée, occupée dans l’Antiquité par des bergers, que l’on reconnait à leur tunique et leur houlette. Cette terre est aussi terre mythique, puisqu’elle est la patrie du dieu Pan, protecteur de la nature et inventeur de la flûte. Virgile dans ses Bucoliques fait chanter l’amour à ces bergers. L’Arcadie ou Panodie, pays de Pan, du chant et de la poésie et aussi terre heureuse, ou l’on chante l’Amour, Eden, paradis, âge d’or, monde idyllique où les bergers, de jeunes et beaux éphèbes, vivent à l’état de nature, représentée en fond de tableau, libres de vivre et d’aimer, sans contrainte sociale, ni loi politique. Le pays de Pan est ainsi énergie vitale, et jeunesse éternelle.

Cette jeunesse heureuse de vivre se retrouve chez les protagonistes de Racine. Ils sont jeunes, n’ont plus ou pas encore les responsabilités du pouvoir, ils sont beaux (le montrer) et vivent en un lieu privilégié, le palais de Titus, où « la pompe de ces lieux » donne à son « cabinet » secret sa « superbe ». C’est le lieu édénique de l’enfance et du bonheur et Titus regrettera, après la mort de Vespasien, son père, « ce passé, celui de l’enfance prolongée, où la double sujétion au Père et à la maitresse-Mère est vécue comme une sécurité », note Roland Barthes dans son essai Sur Racine. Titus exprime ainsi sa nostalgie :

« J’aimais, je soupirais dans une paix profonde :

Un autre était chargé de l’empire du monde.

Maître de mon destin, libre de mes soupirs,

Je ne rendais qu’à moi compte de mes désirs »V.455-458 II2

La rigoureuse construction de Poussin dans son tableau avec sa ligne de force, son élan dynamique de gauche vers la droite, jusqu'à la verticalité de la femme à la tunique jaune soleil, traduit cette impression de jeunesse, d’harmonie et de sérénité heureuse. Mais l’insouciance n’a qu’un temps, la Loi, que l’on ne peut ignorer, existe et il faut que chacun s’y confronte.

2 l’éveil de la conscience

Devant la paroi du sépulcre le berger agenouillé, plus âgé que ses deux compagnons, avec sa barbe bien taillée, portant des cothurnes, contrairement au jeune berger qui est à sa gauche comme s’il venait de loin, décrypte l’inscription gravée : « Et in Arcadia ego » que l’on peut traduire par « Et en Arcadie j’étais », message qu’a laissé le défunt aux vivants. Et cette révélation introduit la Mort en Arcadie. Peut être est ce aussi le message de cette belle femme, incarnation de l’Amour par ses formes sensuelles et ses drapés lumineux, qui annonce qu’elle est, elle aussi, la Mort, vers qui chacun va.

Les bergers d’Arcadie racontent une « initiation » à l’âge adulte, une initiation à la Connaissance de la Loi, de même que le récit de Bérénice nous montre comment elle va douloureusement prendre conscience de la finitude de l’Amour, qui était son souffle vital : « Un soupir, un regard, un mot de votre bouche,/ Voilà l’ambition d’un

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